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Desjonquères pour une « croissance dans la décroissance » et « une sobriété heureuse »

Blois Capitale vous propose la deuxième partie de la grande interview de Mathilde Desjonquères, députée de la 1ʳᵉ circonscription de Loir-et-Cher, siégeant au sein du groupe démocrate à l’Assemblée nationale. Nous avons rencontré l’élue la semaine dernière pour un long entretien Port de la Creusille. La météo était alors au vent et à la pluie… Dans cette deuxième partie il est question de changement de paradigme.

« La croissance dans la décroissance »

Mathilde Desjonquères : Ça c’est mon truc. On est dans un monde fini, qui est dit fini. Ce n’est pas moi qui l’affirme, ce sont des personnalités telles que Jean-Marc Jancovici. Et il est loin d’être un illuminé ; il est largement reconnu pour avoir créé Carbone 4 et pour son travail sur l’empreinte carbone, ainsi que pour avoir fondé le Shift Project. Il incarne une figure de référence.

Dans ce contexte, la question de la croissance telle que nous la concevons aujourd’hui doit être repensée. Pour être plus précis, en particulier en ce qui concerne le pétrole, qui est au cœur de notre société. Nous atteignons inévitablement les limites de notre approvisionnement en pétrole, en minerais rares, et d’autres ressources précieuses. Lorsque nous parlons de minerais rares, il est important de noter qu’ils sont déjà rares en quantité, et nous atteignons également un point critique.

La croissance telle que nous la connaissons repose essentiellement sur ces ressources épuisables. La croissance dans la décroissance signifie pour moi la restructuration de nos filières de recyclage. L’idée est de reconnaître que nous arrivons au bout de notre réserve de ressources primaires, générant ainsi des polluants et d’énormes quantités de déchets. Le défi consiste à réorganiser nos processus de recyclage pour transformer ces déchets en ressources, plutôt que de les expédier continuellement en Asie pour traitement.

La clé de notre avenir réside dans la création d’une économie circulaire, où nous capitalisons sur ces déchets. Bien sûr, nous devons inévitablement décroître dans l’utilisation de nos ressources épuisables, mais en parallèle, nous pouvons travailler sur cette croissance alternative, axée sur la gestion intelligente de nos déchets. C’est un moyen de préserver notre mode de vie tout en minimisant notre impact environnemental.

En outre, il y a la question du nucléaire et de la recherche sur la gestion de nos déchets nucléaires, une piste à explorer sérieusement. En dépit des risques associés, le nucléaire reste l’une des sources d’énergie les moins émettrices de carbone, contribuant ainsi à faire de la France l’un des pays les plus propres d’Europe en termes d’énergie. Plutôt que de les enfouir indéfiniment, nous pourrions envisager des méthodes plus durables pour gérer ces déchets.

En fin de compte, la croissance dans la décroissance repose sur la transformation de notre modèle économique vers une gestion plus responsable de nos ressources et de nos déchets. Il est temps de prendre conscience de notre place dans la nature et de rétablir un équilibre. La nature elle-même est équilibrée, et nous devons apprendre à respecter cet équilibre si nous voulons préserver notre société. La croissance et la décroissance ne sont pas des concepts binaires, mais plutôt une question d’harmonie avec notre environnement naturel.

« Sobriété heureuse »

Mathilde Desjonquères : J’apprécie grandement Pierre Rabhi pour son concept de « sobriété heureuse ». Marc Fesneau l’a également reprise lors d’une réunion publique, et c’est une expression qui me touche sincèrement. Elle revêt une signification profonde : celle de tirer profit des ressources que nous avons négligées pendant de nombreuses années, plutôt que de chercher à accumuler davantage. Cette sobriété heureuse, en réalité, consiste à repenser notre approche de la croissance, en nous concentrant sur l’utilisation responsable de ce que nous avons à notre disposition.

Il est essentiel de préciser que cette sobriété n’implique pas de retourner vivre dans des grottes, bien au contraire. Pour simplifier, il s’agit d’une manière de réfléchir à nos habitudes de consommation, comme le remplacement fréquent de nos téléphones ou l’accumulation excessive de vêtements. Chacun peut avoir ses propres « addictions » à ces objets de consommation. Personnellement, je suis davantage porté vers les vêtements, même si je suis conscient que l’industrie textile est très polluante. En fin de compte, il s’agit d’un véritable changement de philosophie de vie, de comportement sociétal et politique. C’est une transformation globale qui doit impliquer tout le monde, car si la France agit seule, cela ne résoudra pas le problème, étant donné l’impact mondial de la surconsommation.

Nous partageons cette planète avec d’autres nations, chacune ayant sa propre vision de la vie et de la consommation. Trouver un équilibre entre toutes ces perspectives n’est pas simple, mais c’est un défi passionnant qui requiert une grande résilience, de la créativité et de l’imagination.

Je me considère comme un humaniste moderne, animé par une profonde volonté de contribuer au bien-être de l’humanité. En fin de compte, nous devons agir collectivement pour façonner un avenir meilleur.

>> Voir la 1ere partie de l’entretien

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