Quand les habitants des Grouëts voulaient s’émanciper de Blois
Niché sur le coteau de la rive droite de la Loire, entre le quartier du Foix et Chouzy-sur-Cisse, se trouvent les Grouëts, un endroit paisible, au nom singulier et à l’histoire pas si lisse.
Une quête d’indépendance au XIXe siècle
Au XIXe siècle, les quelques centaines d’habitants des Grouëts nourrissaient le rêve de devenir une commune à part entière. Cet espoir est clairement illustré par une lettre adressée à Napoléon III le 8 septembre 1866, suite à une crue dévastatrice. On peut lire sur la missive : « La municipalité de Blois, se trouve dans l’impossibilité de s’occuper d’un petit groupe de 500 Français. Nous avons une église, une école, un cimetière, un bureau de tabac, nous possédons par ce fait tous les éléments à la constitution d’un bien communal. Il nous reste pour arriver au but l’agrément du gouvernement. »
L’affaire aura duré 55 ans, avec des discussions pour cette autonomie communale qui piétinent. En 1921, après une nouvelle tentative, le projet est finalement abandonné. Celle-ci avait la forme d’une pétition adressée au Préfet par la commission syndicale des Grouëts. Pour parer à cette volonté d’indépendance, le maire de Blois, Antoni Croizeau, crée une commission d’enquête pour prendre la température auprès de la population. Elle juge après deux années que le mouvement séparatiste n’est pas massif. Et pour faire passer la pilule, la Ville promet l’électricité et le téléphone aux Grouëts.
L’évolution de la toponymie
Les Grouëts tirent leur nom du vieux français « groe » ou « groue » signifiant « un terrain pierreux dans le langage populaire de la Touraine », comme on peut le lire dans « Les noms de lieux du Loiret » étudiés par M. J. Soyer.
Au Moyen Âge, le village était connu sous le nom de « Groix » jusqu’à 1777-1784, moment où il est devenu « Grouëts, » une dénomination qui reflète précisément la manière dont les habitants le prononçaient. Cette évolution de la toponymie a suscité des débats sur son origine, certains évoquant des terrains clos, tandis que d’autres pensent à un territoire caillouteux en référence à l’état des bords de la Loire à cet endroit.
Histoire ancienne et Moyen Âge
Les Grouëts ont une histoire riche qui remonte à l’Antiquité, avec des coteaux couverts de vignes dès la Haute Antiquité. Au Moyen Âge, le village était principalement la propriété des comtes de Blois. Vers l’an 1000, le comte Eudes Ier accorda cette partie de la ville à son fils Robert, nommant ainsi un vicomte pour le seconder localement. C’est à cette époque que le château de la Vicomté fut érigé, bien qu’il ait été démantelé par ordre de Louis XI au XVe siècle.
Renaissance et Ancien Régime
Au début du XVIe siècle, le château fut reconstruit et devint la propriété de Jean Cottereau, premier secrétaire et trésorier de Louis XII puis de François Ier.
Après la Révolution
L’arrivée de la ligne ferroviaire de Paris à Bordeaux en 1842 a entraîné l’expropriation d’une partie des vignobles des Grouëts pour la construction de six ponts, dix aqueducs et quatorze buses. Cependant, aucune gare ni halte n’a été prévue. Entre 1910 et 1933, les Grouëts ont été reliés au centre-ville de Blois par une ligne du tramway électrique de Blois, qui longeait la Loire.
Époque Contemporaine
En 1931, la ville de Blois a acquis le manoir de la bourgeoise Gonod d’Artemarre, le transformant en école élémentaire. Cependant, faute d’effectifs suffisants, l’école a fermé – dans la contestation – ses portes en 2013 et a été reconvertie en appartements. En fin 2019, l’ancien château de Bellevue, construit en 1910 par Albert Poulain pour être sa résidence secondaire, a été détruit.
Culture et patrimoine naturel
Les Grouëts ont une histoire viticole riche, avec un cépage local appelé « lignage, » qui fut autrefois parmi les vins les plus appréciés et exportés de la région. Malgré une période difficile due à la crise du phylloxéra, des efforts sont actuellement déployés pour relancer la culture de ce cépage, avec une première cuvée biologique attendue en 2026. L’île fluviale de la Saulas, sur la Loire, est un espace protégé pour la préservation d’espèces d’oiseaux migrateurs.
Malgré des tentatives au XIXe et au XXe siècle de devenir une commune à part entière, les Grouëts restent intégrés à Blois. Cependant, la fermeture de l’école des Grouëts en 2013 a souligné les besoins en matière de services publics dans le quartier. Toutefois la récente expérimentation d’une ligne régulière de bus a échoué. Environ 2700 habitants résident dans le quartier St-Georges-Grouëts de Blois.