Etat des lieux du commerce en centre-ville de Blois

Le commerce en centre-ville de Blois fait face à des défis multiples, marqués par la crise économique post-Covid, la montée en puissance du e-commerce et des mutations profondes des modes de consommation. Avec 587 cellules commerciales recensées en 2024 dans le centre-ville, y compris le quartier Vienne, Blois présente un réseau commercial dense au regard de la taille de la ville. Toutefois, cette densité cache des difficultés croissantes, notamment une vacance commerciale en hausse. Blois Capitale vous propose une série d’articles afin de dresser un état des lieux précis de la situation actuelle, en se basant sur les relevés de 2024 et les dispositifs de soutien mis en place par la Ville et Agglopolys pour enrayer ces difficultés.
Une vacance commerciale en hausse, mais contenue
Le taux de vacance commerciale est un indicateur clé pour évaluer la santé d’un centre-ville. À Blois, ce taux a connu une légère augmentation en 2024, atteignant 9,7 %, contre 7,8 % en 2023. Si cette hausse est préoccupante, elle reste en deçà de la moyenne des villes comparables du programme Action Cœur de Ville, qui enregistre une vacance de 13,4 % dans un contexte national où de nombreuses villes moyennes voient leurs commerces péricliter. « Par exemple, Châtellerault affiche 25,6 %, Auxerre 25 % et Perpignan 19 %. À Blois, nous sommes toujours très en dessous de ces chiffres », souligne Stéphanie Charret, responsable du service développement commercial.
Plusieurs facteurs expliquent la situation. Par exemple, la crise du secteur de l’habillement. L’inflation élevée, la baisse du pouvoir d’achat, et les changements dans les comportements de consommation ont entraîné une réduction des dépenses des ménages pour l’habillement. Les consommateurs ont dû arbitrer leurs budgets, privilégiant les biens essentiels et délaissant le prêt-à-porter, considéré comme non prioritaire. Cela a contribué à une baisse significative des ventes en magasin, particulièrement pour les enseignes du milieu de gamme, qui ont vu leur fréquentation chuter de 17 %. Les enseignes de prêt-à-porter comme Camaïeu, Minelli, ou San Marina ont été forcées de fermer.
La fermeture d’enseignes nationales de prêt-à-porter, telles que Du Pareil au Même, a marqué le centre-ville. « Le secteur du prêt-à-porter traverse une crise profonde. Nous avons assisté à une série de fermetures en 2023 qui ont marqué un pic dans cette crise. Aujourd’hui, nous observons que les enseignes qui résistent misent sur un modèle adapté aux nouvelles attentes des consommateurs, avec une communication digitale renforcée et une offre plus diversifiée », commente Paul Gillet, adjoint au commerce de la Ville de Blois.

Des habitudes qui changent
Le commerce en ligne a pris une place prépondérante dans les habitudes d’achat. À Blois, cette tendance se ressent, avec un impact direct sur la fréquentation des commerces physiques. Si les habitants continuent de se rendre en centre-ville pour des activités de loisirs, la consommation y est moins soutenue qu’auparavant. « Aujourd’hui, les consommateurs ne viennent plus uniquement en centre-ville pour faire du shopping. Ils viennent pour rencontrer des amis, profiter des événements culturels ou encore dîner au restaurant, décrypte Stéphanie Charret. Le shopping devient une activité secondaire. »
Des niveaux de loyer qui posent souci
Le montant des loyers commerciaux dans certaines rues du centre-ville reste un frein à l’installation de nouveaux commerçants. Les propriétaires imposent souvent des loyers déconnectés de la réalité du marché actuel, rendant difficile la rentabilité des commerces. « Nous constatons que certains propriétaires n’ont pas encore pris conscience de la nécessité de réajuster les loyers à la réalité économique actuelle, » affirme Stéphanie Charret. « Des cellules sont vacantes non pas parce qu’elles ne trouvent pas preneur, mais parce que les loyers demandés sont trop élevés par rapport à ce que les porteurs de projets peuvent supporter. »
Une vacance disparate
Si la vacance commerciale en centre-ville atteint 9,7 % en moyenne, elle n’est pas homogène. Certaines artères comme la rue du Commerce sont plus touchées que d’autres, en raison de la vétusté des bâtiments, des loyers pratiqués, et des étages inhabitables. Paul Gillet précise : « La rue du Commerce est l’exemple type d’un axe en difficulté. Les immeubles sont parfois très dégradés, et certains propriétaires refusent de baisser leurs loyers. Par exemple, le local d’Eram est aujourd’hui inutilisable car il présente des risques structurels. Cela bloque toute possibilité de réouverture. En revanche, des rues comme la rue Porte-Chartraine montrent un dynamisme grâce à des loyers plus raisonnables et des commerçants indépendants. »

Des mesures pour soutenir et dynamiser le commerce à Blois
Face à l’augmentation du taux de vacance commerciale et à la crise des commerces de proximité, la municipalité de Blois, en partenariat avec l’Agglopolys, a mis en place une série de dispositifs pour accompagner les porteurs de projets et soutenir les commerces existants.
L’une des priorités de la Ville de Blois est d’offrir un accompagnement personnalisé à chaque porteur de projet, qu’il soit indépendant ou franchisé. Cet accompagnement couvre un large spectre de besoins : de la recherche de financement à la négociation des loyers en passant par les démarches administratives.
Stéphanie Charret souligne l’importance de ce soutien : « Nous ne laissons jamais un porteur de projet seul. Dès qu’il souhaite s’implanter à Blois, nous l’accompagnons sur chaque étape de son parcours : choix de la localisation, études de marché, démarches administratives, recherche de subventions et même négociation des loyers avec les propriétaires. C’est un accompagnement au quotidien, indispensable pour assurer la pérennité des commerces. » Paul Gillet, adjoint au commerce de la Ville, complète :
« Nous mesurons directement l’impact de cet accompagnement. En 2024, rue du Commerce, 7 ou 8 nouveaux établissements ont ouvert après avoir sollicité l’aide de la mairie, ce qui prouve que cette aide fait une différence. »
La municipalité a mis en place un plan spécifique pour contrer la vacance commerciale dans les rues les plus touchées, notamment la rue du Commerce. Ce plan repose sur une série de mesures, dont la rénovation des immeubles vacants et un soutien financier sous forme de bonus à l’installation. Stéphanie Charret explique : « Nous avons constaté que de nombreuses cellules vacantes étaient en mauvais état ou trop chères à louer. En réponse, nous avons mis en place un dispositif pour encourager les propriétaires à proposer des loyers adaptés à la réalité économique et à rénover leurs locaux. »
Un coup de pouce financier
Un des dispositifs phares mis en place par la municipalité est le bonus à l’installation. Allant jusqu’à 3 000 euros, il est versé directement aux porteurs de projets qui s’installent dans des cellules commerciales vacantes. Paul Gillet décrit le fonctionnement de cette aide : « Le bonus à l’installation est un outil précieux pour attirer de nouveaux commerçants, à condition que le propriétaire joue également le jeu en ajustant le loyer et en proposant des franchises de loyers durant les travaux. C’est un partenariat gagnant-gagnant qui permet de remettre sur le marché des cellules vacantes depuis longtemps. » Ce dispositif est complété par des aides aux travaux, notamment pour la rénovation des façades.
Une opération plus coercitive avec l’ORI
En parallèle des aides incitatives, la municipalité a décidé de passer à un stade plus coercitif en lançant une Opération de Restauration Immobilière (ORI). Ce dispositif, voté en octobre 2024, vise à obliger les propriétaires des immeubles les plus vétustes à réaliser des travaux de rénovation, sous peine de sanctions allant jusqu’à l’expropriation.
Paul Gillet explique la nécessité de cette mesure : « Pendant trop longtemps, certains propriétaires ont laissé leurs immeubles se dégrader sans prendre leurs responsabilités. Ces bâtiments sont devenus un frein à la dynamisation du centre-ville. Avec l’ORI, nous leur donnons un délai pour agir, sinon la Ville pourra préempter les biens et les restaurer elle-même. C’est une mesure forte, mais nécessaire pour éviter que des immeubles dangereux ne restent vacants indéfiniment. »
La mise en œuvre de cette mesure concerne en priorité des immeubles situés rue du Commerce, mais aussi dans d’autres secteurs stratégiques du centre-ville. Les propriétaires concernés disposent d’un délai pour entreprendre les travaux nécessaires, sous peine de voir leurs biens expropriés à la valeur des domaines, souvent bien inférieure à celle espérée.
La reconquête de l’habitat en cœur de ville
En parallèle des mesures commerciales, la Ville de Blois et l’Agglopolys travaillent à la reconquête de l’habitat dans le centre historique. L’idée est de recréer une dynamique en augmentant le nombre d’habitants dans les étages des immeubles commerciaux, afin de renforcer la clientèle de proximité. Stéphanie Charret souligne l’importance de cette stratégie : « Un centre-ville vivant est un centre-ville habité. Nous travaillons donc sur plusieurs fronts pour remettre des habitants dans les étages vacants, tout en maintenant les activités commerciales en rez-de-chaussée. L’ORI nous permettra également de recréer de l’habitat dans les étages des immeubles concernés par cette opération. »
Via ces mesures combinant incitations financières, accompagnement personnalisé et actions coercitives, la municipalité de Blois espère inverser la tendance et réduire significativement la vacance commerciale dans les années à venir. Le centre-ville, avec ses commerces et son cadre de vie, doit redevenir un lieu d’attractivité pour les Blésois comme pour les touristes, tout en conservant son rôle central dans l’économie locale. Paul Gillet conclut : « Nous mettons en place une stratégie à plusieurs niveaux. Il ne s’agit pas seulement de remplir les cellules vacantes, mais de créer un écosystème commercial dynamique et durable, où les commerçants sont accompagnés et où les habitants sont pleinement impliqués. Nous croyons fermement à la complémentarité entre le commerce, l’habitat et l’animation du centre-ville. »