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Génocide arménien : à Blois, une commémoration pour ne rien taire

Ce samedi à 11 heures, comme chaque année à la même date, la cérémonie de commémoration du génocide arménien s’est tenue devant la stèle de la place de la République, à Blois, face à la préfecture. L’événement, organisé par l’association Armat41, marquait le 110e anniversaire du début des massacres perpétrés contre le peuple arménien par l’Empire ottoman en 1915. En présence du sénateur Bernard Pillefer, de représentants de la préfecture, police et de la gendarmerie, ainsi que de plusieurs élus municipaux et départementaux, la commémoration a pris cette année un relief particulier dans un contexte international où les tensions autour de l’Arménie n’appartiennent pas à l’histoire ancienne mais à l’actualité la plus brûlante.

Dans son allocution, le représentant de l’État a rappelé la responsabilité qui incombe à la République dans l’exercice de la mémoire, non pas par devoir abstrait, mais parce que « ensemble, il nous revient de nommer l’innommable. Il nous revient de réaffirmer l’engagement solennel de la République française, qui a reconnu, il y a près d’un quart de siècle, le caractère génocidaire de ces crimes. » Sans détour, il a souligné que le génocide des Arméniens ne fut « ni un dommage collatéral de la guerre, ni une simple tragédie », mais bien « la marque indélébile d’une tentative d’éradication planifiée, d’une brutalité effroyable ». Son discours a insisté sur la nécessité de transmettre cette mémoire aux générations futures, non pas pour enfermer les vivants dans le poids de l’histoire, mais pour offrir « une chance au dialogue, à la paix et au vivre-ensemble ».

Frédéric Orain, adjoint au maire de Blois, s’est exprimé au nom de la municipalité. Lui-même chargé de la sécurité publique, mais anciennement délégué à la mémoire et à l’éducation mémorielle, il a souligné le lien entre le respect de l’histoire et la stabilité des sociétés. « La concorde et la sécurité d’une nation, d’un peuple, commencent par la reconnaissance de ses blessures. La paix durable ne peut se bâtir que sur la vérité, en Arménie, en France, ou ailleurs. » Il a rappelé que l’érection à Blois de la stèle dédiée aux victimes du génocide n’a pas toujours fait l’unanimité : « beaucoup ont essayé de nous en dissuader, pour des raisons plus ou moins valables. Aujourd’hui, plus personne ne remet cela en cause ».

commémoration du génocide arménien
Frédéric Orain, adjoint au maire de Blois

Évoquant à son tour l’actualité de l’Arménie, Frédéric Orain a dit la fragilité de la situation, les incertitudes qui pèsent encore sur l’avenir du pays. « Une paix semble peut-être se dessiner avec les voisins azerbaïdjanais. Mais je sais, en tant qu’adjoint à la sécurité, combien la paix est un lien précieux et fragile. Elle ne repose pas seulement sur la force, mais sur la reconnaissance, le respect et l’unité. »

commémoration du génocide arménien

Ces paroles trouvaient un écho aux propos d’Ani Manukyan, présidente d’Armat41, qui rappelait dans nos colonnes que cette commémoration n’était pas seulement tournée vers le passé. Elle insistait : « C’est ne pas oublier, surtout. Commémorer, rappeler qu’il y a eu un génocide. C’était le premier du XXe siècle. Et surtout que ça n’a pas été reconnu par la Turquie. » Pour elle, ce qui se joue aujourd’hui autour de l’Arménie, de l’Artsakh, dépasse largement la seule question historique. « C’est encore plus important aujourd’hui. On peut parler d’un deuxième génocide, il y a douze ans, avec les Artsakhois, les gens du Karabakh, et tout ce qui se passe actuellement en Arménie. Et là, on n’en parle plus. »

La cérémonie blésoise, en cela, ne s’est pas contentée d’honorer la mémoire des morts. Elle a aussi mis en lumière les voix vives d’une diaspora qui refuse que l’histoire soit tenue à distance du présent. Frédéric Orain, dans son discours, a tenu à le souligner : « Aujourd’hui, en rendant hommage aux victimes du génocide arménien, nous rendons aussi hommage à la résilience d’un peuple, à sa culture, à ses traditions, à ses enfants qui ont trouvé refuge en France et parfois ici, à Blois. » Et de conclure en appelant à transmettre cette force de mémoire : « La force de se souvenir, la force de dénoncer l’injustice, la force de rester debout quand l’histoire tente de vous faire taire. »

Dans le silence recueilli qui a suivi les discours et un chant, la présence des porte-drapeaux et les visages attentifs de ceux qui s’étaient déplacés disaient peut-être ce que les mots ne peuvent qu’approcher. À Blois, comme ailleurs, la mémoire arménienne continue de se tenir debout.

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