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Commémorer 1915, alerter sur 2025 : une cérémonie pour l’Arménie le 26 avril à Blois

Le samedi 26 avril 2025 à 11h, une cérémonie se tiendra comme chaque année devant la stèle de la place de la République, à Blois, face à la préfecture. L’événement, organisé par l’association éducative et culturelle Armat, marquera les 110 ans du début du génocide des Arméniens perpétré par l’Empire ottoman en 1915. En présence des élus locaux, cette commémoration conservera sa résonance. Car pour Ani Manukyan, présidente d’Armat 41, elle rejoint une actualité inquiétante concernant le pays.

À ce jour, plus de trente pays ont officiellement reconnu le génocide arménien, parmi lesquels la France, l’Allemagne, les États-Unis, le Canada, l’Argentine, le Liban ou encore la Russie. Ces reconnaissances, parfois anciennes, parfois récentes, constituent pour le peuple arménien des jalons politiques et symboliques essentiels. Mais d’autres nations, malgré les preuves historiques accumulées, continuent de nier ou d’éluder les faits. La Turquie, héritière de l’Empire ottoman, rejette catégoriquement l’usage du mot « génocide ». L’Azerbaïdjan, son allié stratégique, adopte une position similaire. Le Pakistan et, dans une moindre mesure, Israël et le Royaume-Uni, n’ont jamais franchi le seuil d’une reconnaissance officielle. Ce décalage mondial alimente une blessure encore vive.

commémoration
Commémoration 2024

« Ne pas oublier, surtout. Commémorer, rappeler qu’il y a eu un génocide. C’était le premier du XXe siècle. Et surtout il n’a pas été reconnu par la Turquie », souligne Ani Manukyan. Empêcher l’oubli est un combat, un effort renouvelé chaque année. Et il n’est pas seulement tourné vers 1915. « C’est encore plus important aujourd’hui. On peut parler d’un deuxième génocide, il y a douze ans, avec le peuple d’Artsakh, les gens du Karabakh, et tout ce qui se passe actuellement en Arménie. Et là, on n’en parle plus… » Si la mémoire sert à dénoncer, c’est aussi pour faire surgir le présent dans le regard des vivants.

Le mot « génocide », Ani Manukyan l’utilise avec calme mais sans détour. Le passé et le présent sont liés. L’actualité de l’Arménie ne peut, selon elle, être comprise sans cette continuité de violence et d’effacement. « Personnellement, à chaque fois, je cherche un prétexte pour faire parler de l’Arménie, pour parler de ce qui s’est passé, de ce qui se passe actuellement. »

Depuis l’offensive azerbaïdjanaise de septembre 2023 sur le Haut-Karabakh, la quasi-totalité de la population arménienne de l’Artsakh a fui. La République autoproclamée n’existe plus. Et au sud du Caucase, la paix annoncée ressemble à un déséquilibre fatal. « On parle d’un accord de paix, mais l’Azerbaïdjan demande à l’Arménie de changer sa Constitution. Si on accepte, c’est un précédent historique très grave. À cette époque-là, l’Azerbaïdjan n’existait même pas encore. » Ce qu’elle dénonce, ce ne sont pas les négociations elles-mêmes, mais ce qu’elles impliquent pour la souveraineté de l’Arménie : « Ils demandent des terres historiquement arméniennes. »

Commémoration 2023

Un couloir terrestre réclamé par Bakou pour relier l’Azerbaïdjan à son exclave du Nakhitchevan, en passant par le sud de l’Arménie, inquiète la présidente de l’association. « C’est le seul chemin pour rester en lien avec l’Europe. S’ils le prennent, nous serons complètement enclavés par la Turquie et par l’Azerbaïdjan. » Au cœur des tensions, le contenu même de la Constitution arménienne, qui mentionne notamment la reconnaissance du génocide de 1915. « Ils veulent enlever ça aussi. » Le silence international lui semble assourdissant : « Il n’y a aucun pays qui peut soutenir, qui peut aider l’Arménie actuellement. »

L’association Armat, fondée pour transmettre la culture arménienne aux jeunes générations du Loir-et-Cher, se trouve aujourd’hui investie d’un rôle de messager. « La commémoration, c’est aussi pour mettre un coup de projecteur sur l’Arménie, pour qu’on en parle. Qu’on se souvienne qu’il y a un petit pays, entouré de trois empires, et qui est en train de s’effacer, petit à petit. »

Le 26 avril, les discours officiels rappelleront les faits de 1915. Ils diront les souffrances, les déportations, les disparitions. Mais dans les regards de celles et ceux qui se rassembleront ce jour-là à Blois, ce sont les visages d’aujourd’hui qui apparaîtront aussi. Ceux d’un peuple inquiet, dont l’indépendance se joue à huis clos, et que seule la mémoire semble encore protéger du silence.

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