La crise de l’accueil des mineurs non accompagnés et familles perdurent

À Blois, les associations et représentations locales, telles que Pas d’Enfant à la Rue, la Cimade, la Ligue des Droits de l’Homme, le Collectif de soutien aux sans-papiers et demandeurs d’asile et Amnesty International, se sont réunies ce lundi afin de dénoncer une gestion toujours inhumaine et dysfonctionnelle des dispositifs d’accueil des familles étrangères et des mineurs non accompagnés. Lors d’une conférence de presse à la Maison des Syndicats, ces organisations ont présenté un état des lieux précis et édifiant de la situation dans le Loir-et-Cher, mettant en lumière des blocages institutionnels et des pratiques contestables.
Une mise à l’abri insuffisante et précaire
Depuis sa création en association, Pas d’Enfant à la Rue joue un rôle crucial pour offrir un toit aux familles sans solution d’hébergement institutionnel. Comme l’explique Julien Colin, l’association travaille en partenariat avec les villes de Blois, Saint-Gervais-la-Forêt, Vineuil, et le CIAS du Blaisois pour loger 43 personnes. Mais elle se trouve face à un mur en ce qui concerne la préfecture ou le conseil départemental. « Nous parlons de familles sans solution depuis plus d’un an. Il y a également des dizaines de personnes hébergées par des citoyens solidaires, ce que les institutions appellent la solidarité communautaire », précise-t-il. Grâce aux dons, 336 nuitées ont été financées à la hauteur de 15.000€.
La gestion de l’hébergement temporaire par le 115 reste largement problématique, et méprisante. Selon l’association, les mises à l’abri ne sont garanties que pour 24 à 72 heures. « Chaque matin, ces familles doivent quitter leur chambre d’hôtel avant 10 heures et passer la journée à attendre, en appelant sans relâche le 115. Parfois, elles obtiennent une réponse à 20 heures pour une nuit supplémentaire. » L’absence de plan, pourtant promis par le préfet, est particulièrement critiquée. « L’année dernière, le préfet avait annoncé qu’aucun enfant ne dormirait dehors jusqu’au printemps. Nous attendons toujours que cette promesse soit tenue. »
Mineurs non accompagnés : un traitement alarmant
Le sort réservé aux mineurs non accompagnés dans le Loir-et-Cher constitue une autre source de préoccupation majeure. Didier Richefeux, représentant de la Ligue des Droits de l’Homme, a rappelé que le dernier rapport disponible, daté de 2018, fait état d’un taux de rejet de 80 % des dossiers dans le département. « Ce chiffre est similaire à la moyenne nationale, mais il reste énorme. Ces jeunes, pour la plupart des garçons âgés de 16 à 18 ans, voient leur minorité systématiquement remise en question. »
Selon lui, le système actuel manque cruellement de présomption de minorité, une pratique pourtant réclamée par la Défenseure des Droits, Claire Hédon. « Ces jeunes reçoivent rapidement un document stipulant qu’ils ne sont pas mineurs et se retrouvent alors dans une situation de « ninis » : ni mineurs, ni majeurs. Ils rasent les murs, cherchent désespérément des associations à Tours ou Paris, et restent invisibilisés. »
Les recours judiciaires, bien qu’indispensables, s’avèrent longs et complexes. Dans 60 % des cas, les juges pour enfants rétablissent la minorité des jeunes concernés, mais entre-temps, beaucoup atteignent leur majorité. « Cela crée une véritable exclusion organisée, en violation des engagements de la France vis-à-vis de la Convention internationale des droits de l’enfant. »
Blocages institutionnels et absence de dialogue
L’absence de dialogue entre les institutions publiques et les associations est unanimement dénoncée. Julien Colin et Stéphane Ricordeau critiquent le manque de transparence : « Nous ne savons rien des dispositifs comme le site de Rocheron. Combien de logements sont encore disponibles ? Pourquoi ne pas utiliser ces ressources pour répondre aux besoins urgents ? »
La Cimade, de son côté, pointe une application zélée des nouvelles législations. « La loi Darmanin et la circulaire Retailleau sont appliquées avec une inhumanité frappante par la Préfecture », déclare Anita, une représentante de l’association. La Cimade dénonce également la dématérialisation des démarches administratives, qui rend l’accès aux services publics presque impossible pour les plus précaires. « Pour prendre rendez-vous au point d’accès numérique de la Préfecture, il faut d’abord faire une demande en ligne, souvent via un téléphone portable. Cette absurdité exclut encore davantage les personnes vulnérables. »
Les délais de traitement des demandes de titres de séjour se sont allongés, atteignant plusieurs mois. Parallèlement, les récépissés délivrés n’autorisent plus le travail, entraînant des ruptures de contrat et plongeant de nombreuses familles dans une précarité extrême.
Des solutions proposées, mais ignorées
Les associations, loin de se limiter aux constats, formulent régulièrement des propositions concrètes pour améliorer la situation. Elles insistent sur l’utilisation des nombreux logements vacants dans les établissements scolaires ou municipaux. « À Blois, la Ville collabore déjà avec nous pour mettre à disposition quatre logements de fonction. Mais du côté du Conseil départemental, nous n’avons aucune réponse, alors que des logements vacants existent dans presque tous les collèges ». Le cas de l’INSPE de Blois est emblématique : une maison en bon état, pouvant accueillir plusieurs familles, reste inutilisée. « Cela éviterait pourtant de coûteuses nuits d’hôtel, mais le Conseil départemental reste silencieux », regrette Stéphane Ricordeau.
Un appel à la mobilisation
Face à ces dysfonctionnements, les associations appellent les décideurs à prendre leurs responsabilités. « Nous demandons la mise en œuvre immédiate d’une trêve hivernale pour protéger les familles et les enfants. Nous réclamons également une régularisation massive des personnes étrangères et une réelle coopération entre les institutions », insiste la Cimade.
Alors que les besoins sont immenses, l’inaction des pouvoirs publics reste incompréhensible. « Nous avons des solutions à proposer, mais nous ne sommes pas écoutés », conclut Julien Colin en pensant au conseil départemental et à la préfecture. En attendant, les associations continuent d’agir, souvent seules, pour garantir un minimum de dignité aux personnes les plus vulnérables.