La mobilisation se confirme contre l’extension du golf des Bordes

Samedi 8 février 2025, environ 300 personnes se sont rassemblées à Saint-Laurent-Nouan pour manifester contre l’extension du golf des Bordes, un projet porté par le fonds d’investissement RoundShield Partners. Organisée par le collectif « Stop au Golf des Bordes », cette mobilisation a rassemblé des citoyens, des associations environnementales et plusieurs élus locaux, dénonçant un projet jugé « pharaonique, surdimensionné et écologiquement destructeur ». Après une marche, la journée s’est poursuivie avec des prises de parole et une pièce de théâtre engagée intitulée « Le procès des écocides ».

Un projet dénoncé pour son impact écologique et social
Nicolas Orgelet, élu écologiste blésois, a dénoncé l’ampleur et l’absurdité d’un projet qu’il estime anachronique face à l’urgence climatique. Selon lui, cette extension n’a aucun avenir. « Est-ce que construire un golf et un projet immobilier pour des gens qui viennent en avion du monde entier, jouent deux parties et repartent, a un avenir ? Non. Ce projet n’a aucun avenir. »
Il a également mis en avant l’impact social du projet, soulignant l’injustice de voir des résidences luxueuses pousser sur des milliers de mètres carrés financés en partie par des fonds publics, pendant que les habitants locaux doivent se contenter de petites parcelles pour leur résidence principale. « Quelle société veut-on demain ? Une Sologne populaire, accessible à tous, où chacun a les mêmes droits de construire ? Ou un territoire privatisé où certains peuvent bâtir des villas de luxe sur 7 000 m² avec un cofinancement public, pendant qu’on impose aux habitants des parcelles de 350 ou 500 m² pour leur résidence principale ? »
Cet écart entre deux visions du territoire a également été souligné par Charlie Brière-Saunier, président de l’association étudiante Gree’NSA, qui a rappelé que ce projet n’a rien de naturel ou de durable, mais qu’il incarne au contraire un modèle dépassé. « Tout, dans ce projet, est aberrant d’un point de vue écologique. Et en plus, on parle d’un golf international, donc les gens vont aussi prendre l’avion pour venir ici. On choisit de faire pire alors qu’on devrait déjà faire des efforts. » Pour lui, au-delà de la contestation, cette mobilisation exprime aussi une colère face à l’inaction. « Cela fait des années qu’on parle du problème, et personne ne fait rien. Et là, on fait encore pire ! »

Une artificialisation de grande ampleur qui menace les écosystèmes
L’élue EELV 41 Hélène Menou a axé son discours sur l’impact environnemental désastreux du projet, rappelant que le sol est une ressource fragile et non renouvelable. Selon des données de l’ADEME, il faut entre 200 et plusieurs milliers d’années pour former un centimètre de sol fertile, et la région Centre-Val de Loire voit chaque jour disparaître l’équivalent de six terrains de football sous le béton. Elle a rappelé que les golfs, même lorsqu’ils semblent s’intégrer au paysage, reposent sur des infrastructures artificielles nécessitant l’usage intensif de pesticides et d’engrais, appauvrissant les sols et les rendant inertes. « Les golfs nécessitent des pesticides : fongicides, insecticides et tous ces produits en « -cide » qui détruisent le vivant. Ce ne sont plus des sols fertiles, mais des sols artificialisés. »
Dans son intervention, elle a également mis en avant des chiffres alarmants tirés du rapport de l’Office Régional de la Biodiversité, évoquant notamment que 40 % des oiseaux nicheurs, 21 % des mammifères terrestres et 25 % des poissons sont aujourd’hui menacés d’extinction. Elle a conclu en annonçant que le parti écologiste « financera un recours contre ce projet. Car il faut utiliser tous les moyens légaux possibles pour le stopper. »

Un problème économique masqué par des promesses de développement
L’opposition au projet repose également sur sa viabilité économique. Pour Katherine, membre de Luttes locales Centre, l’extension du golf repose sur une logique purement spéculative. Elle a rappelé que le projet existe depuis 2008, mais que de nombreuses villas prévues n’ont toujours pas trouvé preneur. « Comment peut-on imaginer réussir à vendre autant de villas quand seules 12 ou 13 ont été commercialisées depuis le début du projet ? Il y a un décalage évident entre les besoins réels et ce projet. » Katherine a également comparé la situation aux plateformes logistiques, qu’elle considère comme des projets spéculatifs déguisés en projets de développement. « On nous vend ces plateformes comme des moteurs de développement, mais ce sont des objets de spéculation financière. Une fois qu’elles ont rapporté ce qu’elles pouvaient en bourse, on les laisse à l’abandon. Ne sommes-nous pas dans la même situation ici ? »
Une utilisation contestée de l’argent public
Un autre point majeur de la contestation concerne le financement par la Banque des Territoires, une filiale de la Caisse des Dépôts, qui a déjà investi 2,4 millions d’euros dans les études préalables du projet. Nicolas Orgelet a dénoncé ce qu’il considère comme un détournement de fonds destinés à des projets d’intérêt général. « La Banque des Territoires est censée soutenir la cohésion sociale et la transition écologique. Là, elle finance un projet climaticide réservé à quelques ultra-riches. C’est une aberration. »
Le caractère international du projet pose également problème aux opposants, qui pointent l’externalisation des bénéfices et le rôle des grands fonds spéculatifs comme RoundShield Partners et BlackRock. « Tout l’argent fuit à l’étranger, tandis que nous, on reste avec des hectares déboisés et des sols détruits », a observé Nicolas Orgelet.

« Indignons-nous, car le pire, c’est la résignation »
Pour Yves-Marie Hahusseau, conseiller municipal de Saint-Laurent-Nouan et membre de l’association Engagement Citoyen, cette mobilisation est le fruit de décennies de tensions autour d’un projet controversé, qui a connu des hauts et des bas au gré des changements politiques locaux. « Cela fait 35 ans que ce golf existe. Aujourd’hui, on veut aller encore plus loin, dans un contexte où l’on impose aux habitants des restrictions foncières et énergétiques. C’est un scandale. » Il a également critiqué l’instrumentalisation des chiffres de l’emploi, rappelant que ce genre de projets génère peu d’emplois stables et que le turnover y est souvent élevé.
En conclusion, Nicolas Orgelet a lancé un appel à l’action : « Soyez fiers d’être là. Si nous restons mobilisés, nous pourrons dire un jour : ‘Nous avons sauvé 90 hectares’. Indignons-nous, car s’indigner, c’est résister, c’est poser des questions, c’est agir. Le pire, c’est la résignation. »
Un combat qui continue
Cette mobilisation marque une étape importante dans la lutte contre l’extension du golf des Bordes. Plusieurs associations, citoyens et élus ont annoncé leur intention de poursuivre les recours juridiques et de demander un avis défavorable du préfet pour le défrichement des 90 hectares supplémentaires.
Les manifestants, eux, sont déterminés. Pour Charlie Brière-Saunier, l’avenir du territoire en dépend : « On ne peut pas accepter cela pour l’avenir. Ce n’est pas seulement une question locale, c’est une question de civilisation. Soit on choisit de protéger le vivant, soit on choisit de tout détruire. » Le bras de fer contre les promoteurs du golf semble loin d’être terminé.