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France

La vie des femmes rurales : un angle mort en chiffres

Elles sont 11 millions, vivent sur 91,5 % du territoire, et restent pourtant largement absentes des discours publics comme des politiques nationales. L’étude menée par l’Institut Terram et Rura documente avec une précision inédite ce que vivent les femmes rurales — une réalité composite, loin des clichés, mais traversée par une même ligne de force : l’amplification des inégalités de genre par le territoire.

L’enquête repose sur un échantillon de 5 052 personnes, dont 1 016 femmes rurales spécifiquement interrogées, replacées ensuite dans leur poids statistique réel. Ce socle quantitatif massif permet de dresser un tableau rigoureux des conditions de vie féminines hors des métropoles.

Une diversité sociale, unifiée par la contrainte de la distance

Les femmes rurales ne forment en rien un groupe homogène : 32 % relèvent des catégories socioprofessionnelles inférieures, 23 % des catégories supérieures, tandis que 45 % sont classées comme inactives — non pas par retrait volontaire du marché du travail, mais du fait de carrières discontinues et de temps partiels subis.

L’effet territoire se lit d’abord dans les déplacements. Là où la ville mutualise les mobilités, la ruralité impose une succession de trajets incompressibles. Dans ce contexte, 86,5 % des femmes rurales gèrent les démarches administratives du foyer, 70 % les trajets scolaires, 74 % les activités extrascolaires. La structure des journées dépend donc largement de leur disponibilité, et de la voiture qu’elles utilisent.

Un travail domestique inchangé, et rendu plus lourd

L’étude le montre : le partage des tâches domestiques n’a pas progressé depuis 2003. Les femmes sont moins de 4 % à considérer que leur conjoint en fait davantage qu’elles. À l’inverse, 18 % des hommes, ruraux comme urbains, estiment faire plus que leur compagne.

Ce qui change en ruralité, ce n’est pas la nature de la charge, mais son poids : 40 % des femmes rurales disent assumer « presque exclusivement » la charge mentale du foyer, contre 33 % des urbaines.

Le temps personnel : l’indicateur le plus parlant du “malus rural du genre”

L’étude révèle un chiffre particulièrement éclairant : 19 % des femmes rurales disposent de moins de deux heures par semaine pour elles-mêmes, contre 7 % des hommes ruraux. Lorsque le seuil passe à cinq heures hebdomadaires, l’écart augmente : 47 % des femmes rurales n’atteignent pas ces cinq heures, contre 25 % des hommes. C’est plus du double de l’écart observé en milieu urbain. Le territoire amplifie ici directement l’inégalité : à responsabilités comparables, les distances rendent chaque tâche plus coûteuse en temps.

Sécurité économique : un sentiment genré avant d’être géographique

La situation économique suit exactement le même schéma. 53 % des femmes rurales déclarent ne pas se sentir en sécurité économique, un niveau proche de celui des urbaines (50 %) mais nettement supérieur à celui des hommes ruraux. 27 % des femmes rurales estiment qu’elles ne pourraient pas s’en sortir seules après une séparation, contre 9 % des hommes.

L’épargne confirme cette dissymétrie : seules 40 % des femmes rurales parviennent à épargner régulièrement, contre 55 % des hommes ruraux ; 27 % des femmes rurales dépensent chaque mois plus qu’elles ne gagnent, contre 17 % des hommes. Ces chiffres décrivent des vies sous tension budgétaire permanente.

Partir ou rester : des trajectoires orientées par la géographie

À 17 ans, 33 % des jeunes vivent en zone rurale ; à 18 ans, après l’exode étudiant, ils ne sont plus que 24 %. Les jeunes femmes partent davantage, et celles qui restent sont majoritairement issues de milieux populaires pour lesquels le coût de la mobilité est prohibitif.

Les normes persistent fortement : 57 % des femmes rurales déclarent que l’on attend d’elles qu’elles « s’occupent bien du foyer », 38 % d’« avoir des enfants », 36 % d’« être disponibles pour les autres ». La ruralité concentre 47 % des féminicides, alors qu’elle n’accueille qu’un tiers des femmes.

Isolement et colère politique

79 % des femmes rurales se sentent isolées ; ce chiffre s’élève à 85 % lorsqu’elles sont en couple sans enfant. Ce sentiment s’inscrit dans un paysage politique particulier : aux législatives de 2024, le Rassemblement national atteint 42 % des voix en ruralité, contre environ 30 % en zones urbaines.
En 2022, 31 % des femmes rurales ont voté pour Marine Le Pen au premier tour, davantage que tous les autres groupes sociodémographiques.

Ce que l’étude démontre finalement

La ruralité ne crée pas les inégalités de genre. Mais elle les amplifie systématiquement. Les femmes rurales n’ont pas seulement moins de temps, moins de droits effectifs, moins de marges de manœuvre : elles ont surtout moins d’accès aux mêmes droits. L’étude l’affirme clairement qu’avoir un droit ne garantit jamais d’y accéder lorsque les distances, le manque de transports, la rareté des services ou l’absence d’anonymat transforment chaque démarche en épreuve.

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