Paule Honoré, peintre de l’impermanence, s’expose à l’Hôtel de Ville

L’Hôtel de Ville de Blois accueille l’exposition Vies silencieuses, consacrée aux œuvres abstraites de Paule Honoré. Le titre ne trompe pas : derrière le silence apparent des toiles, quelque chose vibre, profondément. Quelque chose qui échappe aux mots, qui se dérobe aux grilles de lecture trop sûres, mais qui touche — à condition de s’arrêter.
L’exposition, gratuite et accessible jusqu’au 29 août s’adresse aussi bien aux visiteurs qu’aux agents municipaux, comme l’a rappelé Fabienne Quinet, adjointe à la culture, lors du vernissage. Dans ce lieu administratif, les œuvres deviennent autant d’ouvertures possibles vers l’intérieur, vers ce que chacun transporte en soi.
Une peinture venue de loin
Paule Honoré est née à Beni-Saf, en Algérie. Elle a quitté ce pays à l’âge de cinq ou six ans, mais la mémoire sensorielle demeure. « Cette espèce de turquoise, ce bleu si particulier de la mer… », dit-elle. Ce souvenir persistant, « indélébile », continue de hanter sa rétine et colore, au sens propre, son travail.

Si Paule Honoré réalise aussi des toiles figuratives, avec arbres ou paysages, c’est par l’abstraction qu’elle est entrée dans la peinture. « Je ne pouvais pas imaginer peindre des choses figuratives. Ça ne sortait pas. » Ce refus instinctif trouve peut-être sa source dans une visite fondatrice au Centre Pompidou en 1977. Elle était alors en classe de troisième. « Le centre venait d’ouvrir. Ce que j’y ai vu m’a bouleversée. J’ai découvert qu’on pouvait s’exprimer librement, totalement. Ça a tourné dans ma tête longtemps, puis c’est ressorti plus tard. »
Parmi ses influences, Nicolas de Staël occupe une place déterminante. « Je connaissais son travail dans les livres, mais la première fois que j’ai vu ses œuvres en vrai, c’était au Centre Pompidou, au début des années 2000. J’ai été bouleversée. » De là, elle s’oriente vers l’expressionnisme abstrait américain : Jackson Pollock, Joan Mitchell, Franz Kline. « Ce mouvement était vraiment extraordinaire. Une source d’inspiration majeure. »
Choix d’exposition
C’est Paule Honoré elle-même qui a choisi de présenter cette partie précise de son œuvre à l’Hôtel de Ville. « Celle où je me sens le plus libre. » Mais cette liberté est exigeante. « L’abstrait, je trouve ça très difficile. Ce n’est pas une question de technique. Il faut que ça tienne. Une toile abstraite ne peut pas se contenter d’un effet. Il ne suffit pas de faire des coulures, des aplats de couleur, de racler… Il faut que ça fonctionne, qu’il y ait une tenue. »
Le processus est lent, itératif. Elle parle de « superpositions de couches ». Chaque toile est le fruit d’un long travail de décantation, de reprises, d’effacements. « J’y reviens, je recouvre certaines parties, je vois comment ça évolue. Parfois ça ne va pas, alors je reprends. » Ce cheminement dans la matière, ce va-et-vient entre intuition et exigence, participe de l’émotion qui se dégage de ses œuvres.
Des toiles intemporelles
Les œuvres présentées dans Vies silencieuses couvrent plusieurs années. L’une d’entre elles date de 2010. Elle n’avait jamais été montrée. « Finalement, je la découvre en même temps que vous. » Mais l’artiste rejette toute lecture chronologique. « Le monde intérieur que je porte en moi est intemporel. Il est né avec moi, il mourra avec moi, mais il n’est pas inscrit dans le temps. C’est un fil. »

Des blocs et des silences
Un motif revient régulièrement dans ses toiles : un bloc, une forme posée, structurante. « Quelque chose qui pose le tableau, qui l’ancre. » Certains y voient une porte. Elle y voit plutôt un point d’équilibre, parfois une stèle, mais elle refuse toute interprétation symbolique trop arrêtée. « C’est difficile de parler de ça. Je sais seulement que ça représente des émotions. Des sensations. Des vibrations. » Ses toiles parlent de la vie, de sa fragilité, mais aussi de son immanence.
La couleur joue ici un rôle essentiel. Elle ne vient jamais seule. Elle est mémoire, sensation, attachement. Elle surgit, comme un souvenir ou une mer intérieure. Et toujours, elle affirme cette phrase essentielle que Paule Honoré confiait lors du vernissage : « La peinture est le seul langage à ma disposition pour exprimer ce que je ressens de la beauté et de l’étrangeté du monde. »
Informations pratiques
Exposition « Vies silencieuses » – Paule Honoré
📍 Hôtel de Ville de Blois, 9 place Saint-Louis
📅 Du 1er juillet au 29 août 2025
🕘 Du lundi au vendredi, de 9 h à 17 h (hors jours fériés)
🎟️ Entrée libre – Tout public – Sans réservation