Paule Honoré : La Loire, les arbres, l’expo
Loin des cadres rigides, Paule Honoré, artiste peintre résidant à Blois, a su développer une approche singulière, mêlant paysage, nature et abstraction dans une œuvre où l’onirisme côtoie la réflexion sur le vivant. Son exposition actuelle à Fleur de Loire (vernissage jeudi 10 octobre 2024 à partir de 18h), intitulée « La Loire, les arbres », plonge l’œil dans un univers où la nature stylisée devient à la fois reflet et réinvention d’un monde visible et invisible.
Une nouvelle direction née du confinement
Paule Honoré a entamé cette série d’œuvres après le premier confinement, une période qui a marqué un tournant dans son travail. Jusque-là, elle était connue pour ses créations abstraites. « Après le confinement, j’ai ressenti le besoin de me tourner vers quelque chose de plus figuratif. Ce basculement a coïncidé avec la création de ma série sur les usines, née durant cette même période. Je m’interrogeais sur l’impact de ces arrêts forcés de l’activité industrielle à travers le monde, mais en parallèle, j’ai ressenti le besoin impérieux de revenir à des motifs végétaux, à des éléments plus organiques », confie l’artiste.
Ainsi, entre ces deux approches – l’industrie et la nature – Paule Honoré trouve un équilibre. Tandis que ses usines, exposées actuellement à la galerie AVM à Paris (42 rue Caulaincourt), évoquent une nature qui reprend ses droits sur des infrastructures abandonnées, sa série La Loire, les arbres est un hommage aux arbres et aux paysages ligériens. Ces deux univers, bien que distincts, se rejoignent dans une quête partagée : celle de la vie qui persiste, malgré l’inaction ou le silence.
Un paysagisme abstrait, invitation à la contemplation
Si Paule Honoré évoque un changement vers une forme de figuration, son travail ne peut être simplement classé dans cette catégorie. Pour elle, il s’agit d’un « paysagisme abstrait ». Ses arbres, bien qu’identifiables comme tels, ne sont pas représentés de manière réaliste. Ils sont reconstitués dans un univers de couleurs éclatantes et inattendues. « Les arbres me fascinent, ils représentent la vie silencieuse. Quand je me promène, je les regarde, je leur parle. Ils sont des êtres vivants avec qui je dialogue », explique-t-elle.
Dans l’œuvre de Paule Honoré, les arbres sont réinterprétés à travers un prisme chromatique, où les verts laissent place à des ramures roses, des troncs de couleurs vives. « J’aime imaginer les arbres autrement, leur offrir un autre monde, loin des représentations conventionnelles », ajoute-t-elle. Ce jeu sur la couleur et les formes ne cherche pas à reproduire fidèlement la nature, mais à proposer une vision plus intérieure, une métaphore d’un monde invisible et peut-être spirituel.
Le processus créatif : du croquis à la toile
Le cheminement artistique de Paule Honoré est un voyage entre deux réalités : celle de l’observation in situ et celle de la réinterprétation en atelier. L’artiste prend le temps de s’imprégner de la nature, d’esquisser des croquis sur le vif, avant de rentrer dans son atelier pour prolonger ces moments d’inspiration. « Je fais beaucoup de croquis dans la nature, puis je les retravaille avec des crayons de couleur. Je multiplie les esquisses jusqu’à trouver une composition qui me convient. L’harmonie colorée, elle, évolue au fur et à mesure, souvent de manière instinctive », détaille-t-elle.
L’artiste admet cependant que certaines toiles prennent le dessus, comme ce grand triptyque sur bois exposé actuellement à Fleur de Loire. « Ce tableau m’a complètement échappé. À l’origine, la ramure rose devait être un fond, mais en travaillant au couteau, je me suis rendue compte que le rose suffisait. J’avais dit tout ce que j’avais à dire à travers cette couleur et cette texture, sans avoir besoin de rajouter quoi que ce soit. » Une expérience qui montre que, même pour une artiste aguerrie, l’œuvre peut parfois prendre le dessus sur l’intention première.
La nature comme force guérisseuse
Ce lien avec la nature, que Paule Honoré qualifie de guérisseur, est central dans son travail. « Je vois dans la nature quelque chose de profondément réconfortant et guérisseur. Les arbres, les paysages, tous ces éléments sont vivants et animés d’une énergie particulière. » Si certains pourraient qualifier cet aspect de « chamanique », Paule Honoré préfère l’idée d’une nature qui parle directement à l’esprit.
Son attachement à la Loire est d’ailleurs perceptible dans l’usage de certaines couleurs. Elle évoque, par exemple, un tableau exposé, où le turquoise domine : « Quand je traverse la Loire, surtout au coucher du soleil, le reflet de l’eau et des herbes donne parfois cette teinte turquoise. J’ai même demandé à mon mari de me confirmer que je ne rêvais pas ! » Ce turquoise, qu’elle capte dans la réalité, devient dans son œuvre un moyen d’atteindre une forme de transcendance.
Un regard sur le vivant et l’inachevé
Paule Honoré aime à citer Vladimir Jankélévitch : « C’est dans l’inachevé qu’on laisse la vie s’installer » Pour elle, l’inachevé, qu’elle considère comme une porte ouverte sur le vivant, est au cœur de son approche artistique. « Quand quelque chose est fini, fermé, il n’y a plus de vie. C’est dans l’inachèvement que je trouve l’énergie de la vie », explique-t-elle. Sa peinture, dit-elle, est une poétique du vivant.