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Sandra Labaronne : une vie d’art, d’identité et d’horizon

L’artiste italo-argentine Sandra Labaronne, installée à Blois depuis une vingtaine d’années, explore les thèmes de l’identité, de la migration et de la condition humaine à travers ses œuvres. Dans un entretien, elle raconte son parcours, ses convictions et sa vision de l’art comme une extension de soi.

Un éveil précoce à la création

Pour Sandra Labaronne, l’entrée dans le monde de l’art a été quasi instinctive. Dès l’âge de six ans, elle est inscrite à un atelier de céramique, une première étape qui allait la mener bien plus loin. « Mes parents n’étaient pas des artistes au sens strict, mais il y avait toujours de la musique à la maison, et mon père m’amenait régulièrement à l’opéra de Buenos Aires. Il écoutait beaucoup de musique classique, ce qui a sans doute marqué mon enfance. »

Ce contexte familial lui a donné un premier contact avec des formes artistiques qui allaient alimenter son besoin de créer. « J’étais une enfant calme, qui aimait dessiner et écrire, et c’est peut-être pour cela que mes parents m’ont inscrite à ces ateliers. »

Un parcours académique exigeant

Après avoir terminé ses études secondaires avec un bac littéraire, Sandra Labaronne entame une année d’architecture, qu’elle abandonne rapidement pour suivre sa véritable passion. « J’ai fait une année d’architecture, mais j’ai laissé tomber. Mes parents étaient désespérés, bien sûr. Mais je n’ai pas attendu, je me suis immédiatement présentée à l’examen d’entrée de l’École des Beaux-Arts de Buenos Aires. »

Elle y suit un cursus rigoureux, combinant théorie et pratique, et obtient deux diplômes. Le premier marque la fin de son cycle de formation généraliste, tandis que le second, axé sur la peinture, valide sa spécialisation. « À Buenos Aires, l’École des Beaux-Arts offrait aussi un volet pédagogique. Donc en plus des matières artistiques, on suivait des cours de psychologie, de pédagogie, et de méthodologie. Tous mes collègues de là-bas sont à la fois artistes et enseignants. » Sandra a elle-même enseigné, et poursuit via L’Art’elier ou la Maison des Provinces, considérant cela comme une continuité naturelle de son parcours : « Donner des cours, c’est normal pour moi. »

L’identité : un thème de vie et d’œuvre

C’est après son arrivée en France, il y a vingt ans, que le thème de l’identité a véritablement pris racine dans l’œuvre de Sandra Labaronne. Ce questionnement est intimement lié à son propre parcours de migration. « Mon travail sur l’identité a commencé sans que je m’en rende vraiment compte. Quand je suis arrivée ici, ce thème s’est imposé à moi. J’ai toujours travaillé autour de cette idée, mais sans le nommer ainsi. »

Un événement a particulièrement marqué cette réflexion : sa participation à une cousinade en France, où elle découvre une partie de sa famille qu’elle ne connaissait pas. « C’était à Tours, et c’était fascinant de voir cet arbre généalogique gigantesque. J’ai découvert des branches de ma famille qui avaient émigré en Argentine, d’autres en Algérie, et d’autres qui étaient en France. Cela m’a fait réaliser que l’histoire de ma famille, c’est en fait l’histoire du monde. »

Pour elle, ces récits de migration et de retour sont universels et profondément humains. « La migration est un thème éternel. Nous sommes tous des nomades depuis l’origine de l’humanité, et aujourd’hui encore, il y a des débats et des tensions autour de ces questions. Cela rend ce sujet particulièrement intéressant. »

L’art : entre introspection et transmission

Sandra Labaronne ne considère pas l’art comme une simple expression de l’inspiration, mais plutôt comme un processus rigoureux qui nécessite une discipline constante. « Je ne crois pas vraiment à l’inspiration telle qu’on la conçoit. Ma tête travaille la nuit, et souvent les réponses me viennent le matin. Mais ce qui compte vraiment, c’est le travail et la discipline. En tant qu’artiste, personne ne nous oblige à travailler, il faut donc trouver la motivation en soi. »

Elle admet que le travail de l’artiste est souvent solitaire, ce qui rend encore plus important d’avoir cette discipline personnelle. « Être artiste, c’est être seul. Parfois, il n’y a pas de retour immédiat de la part du public ou des autres. Il faut trouver l’énergie en soi-même pour continuer à créer. »

L’artiste, qui partage son temps entre la création et l’enseignement, admet que cela peut être épuisant, mais elle y trouve également une source d’inspiration réciproque. « Donner des cours me demande beaucoup d’énergie, mais mes élèves m’apportent également énormément. Ils me nourrissent intellectuellement, et cela m’oblige à faire des recherches pour eux, ce qui nourrit aussi ma propre pratique artistique. »

Elle se définit également comme une artiste polyvalente, curieuse d’explorer diverses techniques. « J’aime expérimenter, et chaque nouvelle série est l’occasion d’apprendre quelque chose de nouveau. J’intègre des techniques comme le collage, la gravure, le pastel à l’huile… Cette exploration technique me permet de ne jamais me figer dans un seul style. »

Un art au service de la mémoire et de la quête d’identité

La peinture de Sandra Labaronne est marquée par la présence récurrente de personnages féminins, notamment des femmes et des jeunes filles. Elle explique cela par son propre vécu. « J’ai longtemps peint des femmes, et ces derniers temps, je me suis concentrée sur des jeunes filles. Je pense que cela vient du fait que je suis une femme et que j’ai été une fille. Nous avons tous été des enfants, et cela me fait réfléchir. Dans mes tableaux, il y a toujours un regard, qui interroge le spectateur. »

Ses œuvres questionnent l’identité sous toutes ses formes : l’identité personnelle, familiale, culturelle. « À travers mon travail, je tente de recréer ce lien entre passé et présent, entre mes origines et mon parcours. C’est un dialogue constant entre ce que je suis, d’où je viens, et ce que je deviens. »

Un parcours entre héritage culturel et innovation artistique

Au-delà de son propre cheminement, Sandra Labaronne cherche à construire des ponts entre les cultures à travers son travail. « Que je sois en Argentine, en France ou ailleurs, ma démarche artistique reste la même. Elle se nourrit de mes racines, mais aussi de ce que j’apprends au fur et à mesure de mes rencontres. L’art, c’est une manière de relier les cultures. »

Elle cite l’exemple d’un projet qu’elle développe actuellement à partir d’un style artistique typique de Buenos Aires, le fileteado porteño, une forme de peinture décorative traditionnelle. « Je suis allée à Buenos Aires, j’en ai profité pour rencontrer Alfredo Genovese, un maître de cet art. J’avais déjà commencé à intégrer ce style dans mon travail, car il représente un héritage de ma culture argentine. Je l’utilise de manière à faire dialoguer cette tradition avec d’autres éléments visuels provenant d’ailleurs. »

Sandra Labaronne intègre également des éléments symboliques forts dans son travail. L’un de ces symboles est le soleil, en particulier le sol de mayo argentin. « Dans certaines de mes œuvres, le soleil apparaît comme un symbole puissant. Il s’agit du sol de mayo, le soleil présent sur le drapeau argentin. Mais ce symbole va bien au-delà de l’Argentine. Il s’agit en fait d’un symbole incas, un héritage des cultures précolombiennes que les Argentins ont repris. Le soleil symbolise non seulement la lumière, mais aussi l’équilibre, car il est souvent représenté de manière quasi symétrique. »

La création, une nécessité vitale

Pour Sandra Labaronne, la création n’est pas un choix, mais une nécessité. « C’est vital pour moi. Je ne pense pas m’arrêter un jour, car c’est ce qui donne un sens à ma vie. J’ai d’autres rôles, bien sûr, comme celui de mère, mais ce qui me fait vraiment me sentir pleinement moi-même, c’est l’art. C’est mon identité, peu importe où je suis. Que je sois en Argentine, en France, ou ailleurs, cela fait partie de moi. »

En créant, en enseignant et en transmettant sa passion, Sandra Labaronne continue d’explorer sans relâche les méandres de l’identité humaine. À travers ses œuvres, elle nous invite à réfléchir sur nos propres racines, notre histoire et notre appartenance à un monde en perpétuel mouvement.

Pour en savoir plus : sandralabaronne.fr

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