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La Banque Alimentaire de Loir-et-Cher : une logistique de la solidarité

Derrière une zone discrète de Blois, dans un entrepôt dont l’allure n’a rien de spectaculaire, s’organise chaque jour une mécanique : celle de la Banque Alimentaire de Loir-et-Cher. Ici, tout se joue dans le silence coupé par des camions qui arrivent et repartent, dans l’attention des bénévoles qui trient et préparent, dans l’exigence d’une organisation où chaque détail compte. Ce n’est pas un lieu où l’on distribue directement aux bénéficiaires, mais un carrefour de flux : les denrées et produits arrivent, sont comptabilisés, redistribués, afin que les 25 associations partenaires du département puissent ensuite, elles, remettre à des familles et des personnes isolées l’aide alimentaire qui leur est vitale.

Banque Alimentaire

Un héritage des années 1980

Le président de l’association, Jean-Marie Francart, situe aussitôt la filiation historique : les Banques Alimentaires sont nées dans les années 1980, de la rencontre brutale entre deux constats. D’un côté, l’ampleur du gaspillage alimentaire, notamment dans la grande distribution et l’agriculture. De l’autre, l’accroissement de la précarité. « C’était la même période que Coluche et les Restos du Cœur, dit-il. Le point de départ, c’était d’arrêter de remplir les poubelles et de redistribuer à ceux qui avaient besoin. » Depuis, le paysage a changé, les surplus agricoles ont diminué, les habitudes de la grande distribution ont évolué, mais la nécessité demeure, plus urgente que jamais.

Les locaux de Blois : une organisation millimétrée

À Blois, la Ville met gratuitement à disposition un entrepôt aménagé, entretenu à ses frais. Un coût de 35.000 euros. La Banque Alimentaire paie l’électricité, l’eau, la téléphonie, mais les gros travaux, la maintenance et les contrôles de sécurité sont assurés par la municipalité. Dans les bureaux préfabriqués qui jouxtent l’entrepôt, chacun a sa place : la directrice, Caroline Falourd, le comptable bénévole, le président, Annie Arnaud, secrétaire et responsable de la communication et de la collecte. Deux salariés assurent la direction et la gestion de l’entrepôt, épaulés par une trentaine de bénévoles réguliers. Chaque jour, une petite équipe prend en charge les tournées de récupération dans les magasins, le tri des produits et la préparation des commandes destinées aux associations. Le mercredi est consacré aux produits frais, le jeudi aux produits secs : deux temps forts où la solidarité se traduit concrètement par des palettes de lait, des cagettes de légumes, des conserves soigneusement étiquetées.

Banque Alimentaire de Loir-et-Cher

L’équité comme principe directeur

La BA41 ne distribue pas directement aux bénéficiaires : elle travaille avec ses vingt-cinq associations partenaires, qui transmettent régulièrement le nombre et le profil de leurs bénéficiaires. À partir de ces données, la Banque Alimentaire établit une redistribution au prorata, en tenant compte de la composition des foyers. « Ce n’est pas un calcul mécanique, explique Jean-Marie Francart. Si un foyer a des enfants, nous allons privilégier des produits adaptés, des laitiers, des petits-déjeuners. L’idée, c’est l’équité. » Mais cette équité connaît ses limites, car les volumes reçus ne suffisent plus. Certaines associations sont contraintes de réduire la fréquence des distributions : une fois par mois, parfois, pour éviter de ne remettre qu’une boîte de sardines. C’est l’une des conséquences les plus visibles de l’inflation : d’un côté, des fonds publics qui n’augmentent pas ; de l’autre, des denrées plus chères, donc moins nombreuses à volume budgétaire égal. Les demandes des bénéficiaires, elles, ne cessent de croître.

Les sources d’approvisionnement : un équilibre fragile

L’approvisionnement de la BA41 repose sur un fragile équilibre entre plusieurs sources. La première est la « ramasse » : les tournées effectuées dans les supermarchés pour récupérer les invendus. Il y a encore quelques années, cela représentait près de 150 tonnes par an, dont beaucoup de produits frais. Aujourd’hui, c’est moitié moins. L’inflation a poussé les enseignes à écouler elles-mêmes ces produits via des promotions immédiates. Résultat : moins de volume, mais surtout moins de produits dits « nobles » (viandes, poissons, produits laitiers).

Banque Alimentaire de Loir-et-Cher

L’autre source majeure provient des fonds européens, acheminés en France par FranceAgriMer et redistribués aux grandes associations nationales. Ces dotations pouvaient atteindre 150 tonnes pour le Loir-et-Cher ; elles sont tombées à 40 tonnes. L’État complète par le biais du Crédit national pour les épiceries sociales (CNES), destiné donc aux épiceries sociales, qui permettent aux bénéficiaires de faire leurs courses en libre-service moyennant une participation symbolique. À cela s’ajoutent les dons d’industriels, répartis au niveau national, et enfin la collecte de novembre (les 28, 29 et 30 en 2025), temps fort de l’année, qui assure environ 15 % des ressources.

En 2024, la Banque Alimentaire de Loir-et-Cher a pu distribuer 306 tonnes de produits, soit l’équivalent de 612 000 repas, à plus de 11 000 personnes.

La collecte de novembre : une mobilisation unique qui cherche des bénévoles

La Collecte nationale aura lieu cette année du 28 au 30 novembre. Pendant trois jours, des centaines de gilets orange se déploieront à l’entrée des supermarchés. « C’est près de 900 personnes mobilisées dans le département », rappelle Annie Arnaud, qui coordonne cette opération. Environ 500 sont encadrées directement par la BA41, les autres par les associations partenaires. Chaque année, il faut recruter à nouveau. Les clubs-services, les écoles, les entreprises qui délèguent des salariés sur leur temps de travail complètent la mobilisation. Les classes de lycéens, par exemple, suscitent un accueil très favorable des clients.

L’essentiel, insiste Annie Arnaud, c’est que les donateurs répondent toujours présents, même si leurs moyens diminuent. « Les volumes ne baissent pas, mais la valeur nutritive, elle, recule. Les gens donnent, mais choisissent des produits moins chers », observe Jean-Marie Francart. Le geste demeure, malgré tout, signe d’une solidarité qui résiste aux crises.

La dignité comme exigence

Au-delà des chiffres, une idée revient avec insistance : le respect de la dignité des bénéficiaires. Distribuer un produit trop abîmé, une salade flétrie, ce serait réduire l’aide alimentaire à un geste humiliant. « Donner, ce n’est pas seulement nourrir, dit le président. C’est aussi respecter. » La qualité des produits distribués est donc au cœur des débats : faut-il accepter des yaourts proches de la date limite, des biscuits dont la DLUO est dépassée mais qui restent comestibles ? Chaque association choisit sa ligne. Toutes partagent la même conviction : l’alimentation n’est pas qu’une question de calories, mais aussi d’estime de soi.

Des bénévoles aux profils variés

Les bénévoles de la BA41 reflètent la diversité des parcours. Avant le Covid, beaucoup étaient très âgés. La crise sanitaire les a écartés, et l’association a dû renouveler ses équipes. L’âge moyen tourne désormais autour de 65 à 70 ans. Stephan Rouland, nouvelle recrue, raconte son arrivée : « J’ai trouvé la Banque Alimentaire par les plateformes France Bénévolat et Jeveuxaider. Je voulais donner un peu de mon temps. C’est la collecte qui m’a convaincu, parce que c’est un moment très fort, où l’on se sent utile. »

Banque Alimentaire de Loir-et-Cher

Pour certains, l’engagement est hebdomadaire, limité à une demi-journée de tri et de préparation. Pour d’autres, il s’agit de responsabilités plus lourdes, plus continues. Celles-ci sont les plus difficiles à pourvoir. Mais tous soulignent la convivialité d’une activité où l’on se retrouve pour une cause simple, évidente, indispensable.

Un réseau soutenu, mais sous pression

La Banque Alimentaire de Loir-et-Cher agit avec l’appui de la Ville de Blois, qui prête et entretient ses locaux ; du Département, qui accorde des subventions ; de la Région Centre-Val de Loire, qui finance une partie de l’emploi des salariés ; et de plusieurs communes. Mais ces soutiens institutionnels ne suffisent pas à compenser l’effet ciseaux qui fragilise tout le réseau : des besoins en forte hausse, des volumes en baisse, des moyens qui n’augmentent pas.

Le constat est clair : la BA41 redistribue ce qu’elle reçoit, pas ce qu’elle voudrait. Les associations partenaires, parfois résignées, adaptent leurs demandes. Dans les campagnes, une part de la pauvreté demeure invisible. « Le plus important, conclut Jean-Marie Francart, c’est que personne ne soit oublié. Nous faisons ce que nous pouvons, avec ce que nous avons. »

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