Selon les Humains, l’art de dire en musique sans s’ériger

Entretien avec Samuel Archambault et Pascal Barcos
Au Studio Pôle Nord, à Blois, en résidence de création, le groupe Selon les Humains prend le temps d’affiner son projet musical. Une résidence qui s’inscrit dans la préparation d’un nouveau set, prélude à un deuxième album attendu pour 2026. En attendant, ce jeudi soir, leur musique nourrie d’influences variées (rock, hip-hop, country, maloya…), « mêlant humour, poésie, colère douce et observation lucide du monde », prendra possession de la scène du Chato’do à 19h30, dans le cadre du « Club » (entrée libre).
Né à Orléans, le groupe Selon les Humains s’est construit autour des chansons de Samuel Archambault, auteur-compositeur-interprète dont l’écriture se distingue par sa précision et sa justesse. Longtemps guitariste et parolier pour différents projets (Majnun, Ange Minkala, Météogramme), il choisit en 2019 de défendre ses propres textes sur scène. Cette démarche solo donne très vite naissance à un duo, avec la complicité du musicien Pascal Barcos, qui devient un partenaire essentiel de l’aventure.

Après un premier disque auto-produit en 2022, qui mêlait une écriture acérée à des arrangements nourris d’expérimentations et de collaborations, Samuel Archambault et Pascal Barcos travaillent aujourd’hui à une formule différente, sans pour autant renier la liberté qui caractérise leur démarche. « On était un peu nous deux, avec Pascal, et puis plein d’autres musiciens autour, commente Samuel. Il y avait beaucoup d’invités sur l’album. » Cette fois, le duo souhaite tourner à quatre le plus souvent possible, avec Nathalie Morel et Camille Méchain, qui complètent la formation, malgré les contraintes économiques que cela implique. « Ce n’est évidemment pas facile, mais on constitue malgré tout ce répertoire autour de quatre personnes, en pensant à la globalité, parce qu’on veut se donner les moyens, on espère que ça va suivre derrière. »
Ni prosélytisme, ni posture
Depuis sa création, dans une variété musicale le projet Selon les Humains pose son regard sur les failles de l’époque sans jamais se poser en donneur de leçons. Samuel Archambault refuse les étiquettes trop simples, comme celle de militant. « On parle de choses, de faits de société. On vit tous là-dedans, on balance les mots, on parle de la société dans laquelle on vit, en fait. » Il assume la dimension engagée des textes sans chercher à brandir une quelconque supériorité morale. « Il n’y a pas de prosélytisme. Les propos sont engagés, mais ce n’est pas une posture. »
Le morceau « PIB », critique explicite de l’idéologie économique dominante, cristallise sans doute le plus clairement cette orientation. « Là, c’est un morceau assez critique économiquement, évidemment, mais tous les morceaux ne ressemblent pas à ça. » Car il y a aussi dans le répertoire de Selon les Humains une place pour d’autres tonalités, plus douces, plus ironiques, qui interrogent sans brutalité. Le morceau « N’importe quoi », qui dénonce l’inutilité ou la nocivité de certains métiers, en est un exemple. Mais là encore, sans mise en accusation facile. « On s’inclut aussi dedans. La question, ce n’est pas vraiment le choix des gens, c’est le système global. »
Le regard critique, Samuel Archambault le porte aussi sur sa propre position d’artiste. « Il n’y a personne qui peut dire : “Moi j’ai fait mes choix, regardez, je suis un bel artiste engagé.” Je n’y crois pas du tout. On devient aussi des communicants, des community managers, des créateurs de contenu… Tout le monde est pris là-dedans. » Ce refus du discours auto-satisfait irrigue l’ensemble du projet, jusqu’à l’interprétation même des chansons. « Je trouve ça plus intéressant de me mettre moi-même dans le lot. »
Des concerts « qui font du bien »
L’humour, l’autodérision, la mise à distance participent de ce processus. Jamais enfermés dans un genre, les arrangements se mettent au service du propos. L’enjeu est de dépasser l’exutoire, d’ouvrir des pistes de réflexion. « L’idée, c’est de synthétiser, de déconstruire, de reconstruire, de nommer des choses qui vont peut-être donner des pistes. »
Dans ce contexte, la scène reste le lieu central de la démarche. « Ce qui me pousse à continuer, ce n’est pas de me dire que j’écris des belles chansons engagées. C’est que les gens me disent : “Ah bah, ça nous fait du bien.” On se sent moins seuls. » À contre-courant d’un discours dominant souvent écrasant, Selon les Humains propose une respiration, une écoute partagée. « On subit un tel matraquage de l’autre côté de l’échiquier politique… On finit par se dire : “C’est moi qui ai un problème.” »

Depuis ses débuts, le projet poursuit une intention assumée : s’adresser aux gens avec franchise, sans détour, parfois avec rudesse, souvent avec tendresse, toujours avec une forme d’engagement. À travers ses chansons, Selon les Humains explore les absurdités de notre temps, les violences sourdes, les impasses politiques, mais aussi nos failles ordinaires, nos maladresses, cette difficulté persistante à dire les choses et à les entendre.

Lauréats 2022 du dispositif Propul’son (Fracama, Astrolabe, Polysonik…), ils poursuivent aujourd’hui leur chemin. Actuellement, Selon les Humains – qui se rapproche des cent concerts – termine les dernières dates d’une tournée autour du premier album. Le nouveau set, en construction, sera proposé le 15 janvier 2026 à Issoudun, à la Boîte à Musique. Cette nouvelle étape bénéficie d’un soutien renforcé, grâce à plusieurs partenaires institutionnels : la Région, la Ville d’Orléans, les Bains Douches à Lignières, le Chato’do, la mairie d’Ormes, la mairie de Saint-Jean-de-la-Ruelle, la MJC d’Olivet et la Boîte à Musique d’Issoudun.