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« Trop gentil » mais pas lisse : l’humour affûté de Nicolas Lacroix

Son visage de jeune homme sage pourrait faire croire à une douceur sans aspérité. Une silhouette discrète, des yeux bleu clair, un sourire qui inspire d’emblée la sympathie. Nicolas Lacroix ne s’en cache pas : il est « trop gentil », et il assume pleinement ce qui est devenu à la fois sa signature et le titre de son premier spectacle. Derrière cette apparente candeur se déploie pourtant un humour acéré, jamais gratuit, souvent piquant, toujours porté par une sincère volonté de désamorcer les tensions. Et c’est ce spectacle « trop gentil » qu’il va présenter ce vendredi 25 avril 2025 (20h30) à la Scène BRG, à Blois. Soit le lendemain d’une représentation au Palais des Glaces, à Paris.

L’humoriste belge de vingt-huit ans a grandi à Namur, dans une famille où l’envie de faire rire s’est manifestée très tôt, presque comme une nécessité. « J’ai toujours été très, très timide en classe, surtout au niveau des interactions. Mais de l’autre côté, il y avait un second moi, qui pouvait extérioriser tout ça devant les autres », raconte-t-il. Ce dédoublement, ses professeurs l’avaient bien perçu, allant jusqu’à l’inviter à se produire, enfant, dans la salle des enseignants. Il se souvient de l’effet produit, mais surtout de cette sensation singulière de plaisir mêlé de trac : « La prof représentait l’autorité, j’aimais bien ce stress. Et je me suis dit : ça tombe bien, j’aime faire ça, et je ferai peut-être ça plus tard. »

Le plaisir de donner du plaisir, chez lui, ne relève pas d’une posture. Il en parle sans détour, avec la simplicité de celui qui a trouvé sa place sans jamais chercher à forcer le trait. « On m’a toujours dit que j’étais trop gentil. Ça m’a toujours suivi. Et c’est quelqu’un d’externe qui m’a dit : “Mais en fait, ça te va bien comme titre.” J’ai trouvé ça évident. Il y a quelque chose chez moi qui fait que je trouve mon bonheur en donnant du bonheur aux autres. » Loin d’y voir une forme d’effacement, il y puise au contraire une force, un moteur. « On pourrait dire que je passe au second plan, mais ce n’est pas quelque chose de négatif. J’aime bien faire plaisir, et le plaisir des autres passe par le mien, du coup. »

S’il reconnaît se négliger souvent, « administrativement parlant ou dans plein d’autres domaines », il affirme sans hésiter que faire des choses pour les autres reste pour lui « beaucoup plus galvanisant ». Dans cette approche, l’humour devient un levier, une arme douce, mais puissante. « Le rire, le recevoir, c’est un échange très chouette. L’humour, c’est sans doute la seule arme que j’aie. »

Cet équilibre entre tendresse et ironie irrigue son premier spectacle, « Trop gentil », qu’il joue actuellement en tournée, et à Paris. Nicolas Lacroix y évoque sa propre histoire, son coming out, « un peu particulier » comme il le dit lui-même, puisqu’il explique : « C’est ma mère qui me l’a fait, en fait. Normalement, c’est plutôt dans l’autre sens. » Il s’y livre sans pathos, préférant le recul de l’autodérision à la confession pesante. Cette autodérision n’est jamais une coquetterie. Elle constitue le cœur même de son écriture, une manière de tenir la distance avec la violence du monde sans la nier. « Souvent, quand on dit “trop gentil”, on imagine quelqu’un qui est là, qui ne fait pas de vagues. Mais justement, par des subterfuges, notamment avec des personnages, je peux dire autre chose aussi. »

Nicolas Lacroix revendique cet héritage du sketch à personnages, une tradition qu’il assume sans complexe. Il cite Virginie Hocq parmi les influences qui ont façonné son goût pour la scène. « J’aurais été très malheureux de ne pas faire ça. C’est vraiment un truc que j’aime beaucoup. »

Des millions de fans sur TikTok et Instagram

Si le public a découvert son visage grâce aux réseaux sociaux — TikTok et Instagram, où il cumule plusieurs millions d’abonnés — l’envie de monter sur scène précède de loin sa célébrité numérique. « C’est vraiment ce que je voulais faire. Ce n’était pas difficile de passer des vidéos à la scène. Au contraire, je préfère ça. On peut vraiment installer quelque chose, un univers avec un fil rouge. »

Sur scène, il alterne entre parties personnelles, dans lesquelles il parle à la première personne, et sketches où il incarne des personnages. Mais ces figures inventées ne sont jamais un masque destiné à cacher sa pensée. Au contraire, elles permettent de l’exprimer autrement, avec distance et humour. « Les personnages peuvent dire ce que je pense, ce que je ressens. » Il évoque ainsi le sketch d’une grand-mère équipée d’un casque de réalité virtuelle, une image née d’une réflexion intime sur la solitude et l’éloignement. « C’est parti d’une idée un peu triste : délaisser sa grand-mère. Peut-être qu’un jour, on parlera à nos proches par l’intermédiaire d’avatars. » Ce qui pourrait tourner à la dystopie devient, entre ses mains, matière à rire — sans que le fond soit édulcoré. « À la fin, j’aime bien que les gens aient ri, puis qu’ils se disent : “Ah oui, c’est vrai que ça fait un peu peur.” Beaucoup de spectateurs, après ce sketch, m’ont dit : “Je vais aller voir ma grand-mère.” Ça me touche beaucoup. »

Nicolas Lacroix cultive donc une forme d’intranquillité. Ce qui s’illustre dans son choix d’oser écrire dans l’après-midi et de tester parfois le soir même, sans filet. « C’est un peu kamikaze, mais je suis dans l’acceptation du bide total. Ce n’est pas grave. »

Ce goût du risque s’accompagne d’une passion ancienne pour l’improvisation, nourrie par ses années passées en ligue d’impro en Belgique. Une liberté de ton qui lui permet, une fois son texte maîtrisé, de dialoguer avec le public et de sortir du cadre sans perdre la cohérence de son spectacle. « C’est hyper jouissif de pouvoir sortir du texte, de parler aux gens, de faire de l’impro. J’adore ça. »

Arrivé en France avec son spectacle, il a continué d’affiner son jeu avec son metteur en scène actuel, Nicolas Vital. Il observe aussi, non sans ironie, les attentes du public français vis-à-vis de l’humour belge, souvent réduit à une image de gentille excentricité. « On m’a dit : “On adore les Belges, c’est chouette.” Et puis après, on me dit : “On ne comprend pas bien, si tu pouvais diminuer un peu ton accent…” » Il en déduit, avec humour, que les Français aiment les Belges qui deviennent un peu français, sans perdre totalement leur charme d’origine.

S’il a trouvé dans les réseaux sociaux une visibilité immédiate, Nicolas Lacroix se réjouit que le bouche-à-oreille prenne aujourd’hui le relais dans les salles. « C’est plus nourrissant. Le bouche-à-oreille, ça veut dire que le spectacle tient la route. » Pour lui, la réussite passe par cette fidélité-là, plus que par la viralité des formats courts.

Longtemps réticent à l’idée d’autres formats, il s’ouvre désormais à des expériences nouvelles. Il a tourné dans un court-métrage et deux séries pour la télévision belge, expériences qui ont changé sa perception du jeu devant la caméra. « Avant, le cinéma ou la télé, c’était en bas de ma liste. Mais j’adore essayer des choses. » Il imagine volontiers une déclinaison de son personnage de « trop gentil » en série, mais garde des réserves sur les registres dramatiques : « Je ne me vois pas, par exemple, dans un film où je dois annoncer que ma sœur est morte (rires). Ce n’est pas pour tout de suite. »

Sur scène comme dans ses vidéos, Nicolas Lacroix ne cherche pas à en imposer. Il avance sans brutalité, mais avec la certitude que le rire peut déplacer les lignes sans hausser le ton. À travers ses personnages comme dans les confidences plus intimes qu’il distille avec pudeur, il construit un espace où l’humour n’est jamais cynique, où la tendresse a sa place sans naïveté. Si son « trop gentil » résonne d’abord comme une étiquette, il en a fait bien plus qu’un titre de spectacle : une manière d’être au monde.

l'amour qui s'éprouve

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