Stéphanie Boireau (Le Salon qui bouge) parmi les « 101 Femmes Entrepreneures” 2025

Stéphanie Boireau poursuit l’ancrage du « Salon qui bouge » désormais reconnu à l’échelle nationale. Ce format de coiffure itinérante, à la fois sobre, solidaire et profondément engagé, continue de tracer sa voie en marge des circuits classiques. Ni vitrine, ni shampoing rituel, mais une pratique mobile, éthique, ancrée. Elle a été sélectionnée parmi les 101 femmes entrepreneures distinguées par l’État.
Un projet né d’un besoin de sens
Coiffeuse depuis quatorze ans, dont sept à son compte à Nantes, Stéphanie Boireau a éprouvé une lassitude croissante à l’issue de la crise sanitaire. « J’avais envie de mettre en place certaines choses, mais mes associés n’avaient pas la même vision du travail. J’ai donc eu envie d’opérer un virage pour voler de mes propres ailes », confie-t-elle. Le doute s’installe un temps : poursuivre dans la coiffure ou changer de voie ? Mais elle comprend qu’elle souhaite avant tout repartir de ses valeurs pour créer un projet professionnel en cohérence avec ses engagements personnels.
Ce sera Le Salon qui bouge, un salon sans murs, sans local fixe, qui sillonne le territoire blésois à la rencontre du public, au sein des structures d’insertion, des lieux de vie, des événements. Un salon qui, littéralement, bouge. « Ce que je voulais, c’était sortir du salon de coiffure traditionnel, aller au contact des gens dans leur quotidien, valoriser le collectif, et travailler dans une forme de sobriété énergétique tout en défendant une charte éco-engagée. »

Une charte éco-engagée
Le concept repose sur plusieurs piliers : la coupe sur cheveux secs, la mutualisation des besoins à travers des rendez-vous collectifs, et le recyclage systématique des cheveux. Cette pratique permet une économie d’eau significative – entre 15 et 55 litres d’eau économisés par client·e selon Consoglobe – tout en valorisant le geste technique. « En salon, j’avais énormément de clients et clientes qui venaient déjà avec les cheveux propres par pudeur, et on leur faisait un shampooing malgré tout. Là, je valorise mon savoir-faire, je limite mon empreinte carbone et je recycle les cheveux », explique-t-elle. Ces derniers sont confiés à Capillum, une entreprise française qui les transforme en boudins filtrants pour la dépollution des eaux, ou en paillage pour la permaculture.
Cette charte inclut également un engagement contre la « taxe rose » avec une grille tarifaire non genrée, fondée sur le niveau de transformation demandé et non sur le genre ou la longueur des cheveux. « En salon, une femme aux cheveux courts paie en moyenne dix euros de plus qu’un homme. Ici, on coupe l’inégalité autant que les pointes. »
Un format solidaire : les coupes suspendues
L’une des actions emblématiques du Salon qui bouge est la mise en place d’une cagnotte solidaire, qui permet de financer des coupes suspendues – sur le modèle des cafés suspendus – à destination des personnes en situation de précarité. « C’est une cagnotte qui vise à financer, à offrir des coupes aux gens qui sont éloignés du soin et qui ne peuvent s’en offrir une. Chacun participe à hauteur de son budget, et petit à petit la cagnotte grossit. Je peux ensuite mener des actions concrètes avec des organismes comme Le Carillon à Blois. » La première session est prévue le mardi 8 juillet, auprès de personnes sans domicile fixe.
Le second anniversaire de l’entreprise, en juin dernier, a été placé sous le signe de cette solidarité. L’événement, intitulé Solid’Hair, mêlait bingo, animation musicale, et collecte de dons. « Certaines structures peuvent payer mes interventions, d’autres pas. L’inclusivité, pour moi, c’est aussi chercher de nouveaux leviers pour prendre soin d’un maximum de personnes », insiste Stéphanie Boireau.
Le terrain avant tout : un ancrage local fort
En deux ans, Le Salon qui bouge a tissé une multitude de partenariats à Blois et dans ses alentours : structures d’insertion, lieux de vie sociale, festivals, marchés, boutiques éphémères, entreprises, cafés. À chaque fois, la modalité d’intervention est ajustée. « Les gens qui travaillent avec moi font souvent du chiffre d’affaires. Tout est nourri, tout se nourrit. »
Récemment, le cinéma Les Lobis l’a sollicitée pour dynamiser le bar événementiel. Désormais, une permanence coiffure est organisée chaque mois dans le hall du cinéma, avec des invité·es partenaires. « Aujourd’hui, j’ai Angélique de La Cookiseraie avec moi, parce que quand on va au cinéma, on aime bien manger des petites choses gourmandes. Ils m’ont contactée parce qu’ils ont vu tout ce qui se passait autour de ce projet qui crée du lien, qui prend soin des gens et qui fait rayonner un peu aussi le territoire. »
Une reconnaissance nationale
La sélection de Stéphanie Boireau au concours des « 101 Femmes entrepreneures » représente une étape dans la trajectoire de Salon qui bouge. Du 16 au 17 juin, elle a participé à deux journées de bootcamp à Paris, clôturées par une cérémonie officielle à Matignon, en présence de François Bayrou, d’Aurore Bergé, d’Astrid Panosyan-Bouvet, de Nicolas Dufourcq et de nombreux autres partenaires de l’accompagnement entrepreneurial. « C’est une immense fierté pour moi de porter haut les couleurs de l’entrepreneuriat et de valoriser tout particulièrement la puissance et la légitimité de l’entrepreneuriat des femmes. »

Elle insiste aussi sur l’importance des réseaux d’accompagnement. « Je me suis lancée grâce à un accompagnement solide et bienveillant de la part de la BGE. Ce réseau joue un rôle fondamental dans la structuration des projets. Si vous avez une idée, n’attendez pas ! »
Une perspective de développement
La fondatrice n’envisage pas de s’arrêter là. Si le format actuel lui convient, elle souhaite à terme transmettre, modéliser et déployer son concept ailleurs. « Je modélise ce format à Blois. À terme, je souhaite développer une boîte à outils et un accompagnement adapté pour celles et ceux qui voudraient s’approprier le modèle. » Elle évoque l’idée d’un label, ou d’une franchise, sans précipiter les choses. « Mon ambition, c’est de le développer. J’aimerais pouvoir me dire que je ne l’ai pas créé seulement pour moi et pour Blois. Le Salon qui bouge ailleurs pourrait avoir un bel avenir. »
Un format unique en France
Aujourd’hui, Stéphanie Boireau est catégorique : « Je suis la seule à faire ça. J’ai vraiment créé un nouveau format. » Unique en France, son projet illustre ce que peut devenir un métier traditionnel quand il est repensé à partir des besoins sociaux, écologiques et humains. Le Salon qui bouge, au delà du service, est une manière de faire société.