Tout savoir sur la truffe avant le premier marché dédié à Blois

L’association des trufficulteurs de Beauce-Val de Loire, créée en 2019, organise son premier marché de la truffe noire à Blois. Ce sera le samedi 3 février 2024, de 9h30 à 13h15, sous un petit chapiteau, place de la Résistance. Il y aura de six à huit stands. A deux pas du très fréquenté marché hebdomadaire Place Louis XII.
« Les truffes seront présentées brossées, nettoyées et sans terre. Elles seront toutes contrôlées avant le marché. Les apporteurs viendront deux heures avant le début du marché pour apporter leurs truffes, qui seront contrôlées par un contrôleur agréé par la Fédération Nationale. Chacune sera examinée, classée par catégorie, et celles qui sont abîmées ou infestées d’insectes seront retirées de la vente pour assurer une qualité irréprochable », nous explique Bernard Doussineau, un des membres de l’association.

La truffe est un champignon précieux et fascinant, apprécié pour son goût unique et sa rareté. Et dans le Loir-et-Cher, la culture de la truffe est une activité agricole qui gagne en popularité. Ce premier marché est une occasion unique d’acheter directement auprès des producteurs, garantissant fraîcheur et qualité.

« Nous proposerons la truffe noire du Périgord, de variété botanique ‘mélanosporum’, explique à Blois Capitale le trufficulteur. Il n’y aura aucun dérivé ni arôme synthétique, seulement de la truffe pure. On estime la présence de six à huit producteurs, en fonction de leur récolte. Les truffes qui sont bonnes pour le marché sont sélectionnées deux jours avant. » Et il ajoute : « Ces truffes proviennent de terres calcaires, drainantes et aérées, nécessaires pour la culture de la truffe noire du Périgord. Il y a des terrains en Loir-et-Cher adaptés à cette culture. En 2023, malgré une sécheresse printanière inquiétante, la saison s’est bien terminée avec des truffes de bonne qualité. »

Questions de néophyte : Note-t-on une différence de saveur entre truffe sauvage ou cultivée ? Le prochain marché à Blois est-il réservé aux spécialistes ? « La qualité des truffes ne dépend pas tant de leur origine sauvage ou cultivée, mais plutôt de leur maturité. Le parfum le plus subtil et puissant se développe entre le 15 janvier et le 15 février, nous dit Bernard Doussineau. La truffe est accessible à toutes et tous, pas seulement aux experts. Avec quelques grammes, on peut sublimer un plat ou faire un apéritif avec du beurre truffé. Avec 20g de truffe, qui coûte entre 16 et 20 euros, on peut régaler 6 à 8 personnes. » Le prix varie en fonction de l’espèce et de l’année. La truffe noire coûte généralement autour de 800 à 1200 euros le kilo. « Les prix des truffes varient en fonction de l’offre et de la demande, et ils sont généralement plus élevés avant Noël. La demande mondiale est plus forte que l’offre, mais des pays comme l’Espagne augmentent leur production », observe le trufficulteur.
L’importance de consommer la truffe fraîche est soulignée. Il est préférable de l’utiliser dans la semaine suivant son achat, car elle perd du parfum et du poids avec le temps. La quantité moyenne achetée varie entre 30 et 80 grammes.
Conservation et préparation
La truffe est un champignon hypogé (qui pousse sous terre). Fraîche, elle se conserve au réfrigérateur dans un récipient hermétique pendant environ 10 jours. « Les truffes se conservent une semaine après l’achat. Il est recommandé de les utiliser rapidement pour préserver leur qualité et leur parfum », corrige Bernard Doussineau.
La truffe est faible en calories, riche en eau, fibres alimentaires, potassium, et vitamines A, D, K. Elle est sensible à la cuisson, perdant ses arômes lorsqu’elle est chauffée. Il est donc conseillé de l’ajouter crue ou râpée au dernier moment dans les plats. « En cuisine, la truffe se marie bien avec les corps gras comme la crème fraîche, nous dit Bernard Doussineau. Il faut éviter de la chauffer excessivement, car elle perd son parfum au-delà de 60-70°C. Des recettes simples, comme des œufs brouillés avec de la truffe, sont recommandées pour apprécier pleinement son arôme ».
Histoire
Il existe plus de 250 variétés dans le monde. Parmi les plus connues, on trouve la noire Tuber melanosporum, la truffe d’été (Tuber aestivum), la truffe de Bourgogne, et la truffe blanche du Piémont (Tuber magnatum). Récoltée de novembre à février, la truffe noire atteint sa maturité optimale entre la mi-janvier et la mi-février. Soit la date du marché à Blois. La truffe d’été se récolte elle entre mai et août.
« Concernant l’histoire de la truffe, un botaniste nommé Chatin* a exploré la France au milieu du 19e siècle, découvrant des truffes dans divers départements, observe Bernard Doussineau. Il existe environ trente variétés comestibles de truffes, mais la Tuber melanosporum, la truffe noire du Périgord, est la plus prisée. D’autres variétés comprennent la truffe d’automne et la truffe d’été. »
La truffe est appréciée depuis l’Antiquité, avec des mentions remontant à 2000 ans avant notre ère. Elle a connu des hauts et des bas au fil des siècles, étant même considérée comme une œuvre du diable au Moyen Âge.
« La production de truffes a beaucoup diminué depuis le début du 20e siècle, principalement en raison de la Première Guerre mondiale et des changements dans les pratiques agricoles », ajoute Bernard Doussineau.
Culture
Les truffes peuvent pousser spontanément ou être cultivées (trufficulture). Elles ont besoin d’un sol calcaire et de la chaleur pour se développer, en symbiose avec certaines espèces d’arbres comme le chêne vert ou pubescent. Pour maintenir une production saine, il est crucial de garder la truffière bien entretenue et ouverte à la lumière.

« La culture de la truffe est aléatoire et dépend de nombreux facteurs, notamment les conditions climatiques. La taille et la maturation des truffes se déterminent en septembre, et elles mûrissent tout au long de l’automne, nous explique notre trufficulteur très pédagogue. Pour la récolte, nous utilisons des chiens. Autrefois, on se servait beaucoup de cochons, mais ils mangeaient parfois les truffes avant qu’on ait le temps de les récupérer. Les chiens, de différentes races, sont mieux adaptés à cette tâche. Nous avons un teckel et mon frère, également impliqué dans l’entreprise, utilise un Lagotto Romagnolo, une race italienne réputée pour sa capacité à les trouver. Les chiens doivent être dressés et il est important d’établir une bonne relation avec le maître. Lorsqu’ils trouvent une truffe, ils marquent l’emplacement en grattant, puis nous les récompensons après l’avoir extraite. »
Mais quelle est l’expérience personnelle de Bernard Doussineau avec la truffe ? « Nous avons planté notre truffière en 1987 avec des chênes et des noisetiers. La première truffe a été récoltée dix ans plus tard, le 31 décembre 1997. C’était un moment magique, attendu pendant des années, nous confie l’expert. La culture de la truffe est aléatoire et dépend de nombreux facteurs. Nous plantons des arbres d’un an, associés aux spores de truffes, et créons ainsi un symbiose entre l’arbre et le champignon. »
Bien que la trufficulture soit aléatoire et exigeante, elle reste une activité passionnante et enrichissante. L’arbre et le champignon entretiennent donc une relation symbiotique particulière. « Oui, le chêne, par la photosynthèse, fournit des substances sucrées à la truffe, qui en retour absorbe de l’eau et des minéraux que l’arbre ne peut pas assimiler directement. Cette interaction mutuellement bénéfique est un phénomène naturel fascinant », décrypte Bernard Doussineau. « L’entretien de la truffière est essentiel, ajoute-t-il. Nous devons protéger les jeunes arbres des animaux sauvages comme les chevreuils et les lapins. Il faut également désherber manuellement ou mécaniquement avec l’agrelinette par exemple, pour favoriser la croissance des arbres. Nous effectuons un travail du sol superficiel, après la récolte puis la taille, ceci afin d’oxygéner la terre. »
Dans une truffière, on observe souvent un espace dégagé autour de l’arbre, appelé le « brûlé » (voir la photo ci-dessous). Cela indique généralement la présence de truffes. Cependant, il arrive que certains ‘brûlés’ ne soient pas productifs, ce qui reste un mystère.

Généralement, les truffes se trouvent près du tronc des arbres jeunes, mais à mesure que l’arbre grandit, elles peuvent se développer plus loin. « Dans notre région, les chênes et les chênes verts sont les arbres truffiers les plus communs. Nous avons abandonné le noisetier, bien qu’il soit parfois utilisé dans d’autres régions, comme le sud de la France, observe Bernard Doussineau.
Après la récolte, les truffes non cueillies se dégradent et libèrent des spores dans le sol, favorisant ainsi la future production. « Pour maintenir la production, il est important de laisser certaines truffes se dégrader naturellement dans le sol. Même les truffes endommagées ou invendables sont remises au sol pour enrichir la production future. » Le cycle de vie de la truffe dure presque 10 mois. Ce cycle est sensible aux aléas climatiques, tels que le froid et le manque d’eau. « Les hivers moins rigoureux actuels sont plus cléments pour les truffes, bien que nous prenions des mesures pour les protéger du gel. Les truffes nécessitent une attention constante et un soin délicat pour garantir une récolte réussie. »
ATTENTION ! Il est crucial d’identifier correctement les truffes, car certaines espèces, comme la truffe de Chine, ressemblent à la truffe du Périgord mais n’ont pas le parfum.
A l’international
La trufficulture nécessite une attention particulière. Les sols calcaires, bien drainés et aérés, sont idéaux pour la culture de la truffe. En 1972, un procédé a été mis au point pour planter des arbres spécialement préparés pour la production de truffes. Cela a permis de relancer la trufficulture dans différentes régions du monde.
La culture de la truffe est aléatoire, nous l’avons vu. L’industrialisation de la culture de la truffe reste modeste. Toutefois en Espagne, par exemple, la trufficulture est pratiquée sur de grandes surfaces, avec des méthodes plus industrialisées. « Ils utilisent des machines pour la plantation et disposent d’environ 20 à 25 chiens dans leur chenil. Ces chiens sont alternés pour le travail de recherche des truffes, car ils se fatiguent rapidement. C’est une approche différente, plus industrielle, mais qui produit également de bonnes truffes », commente Bernard Doussineau. « De nombreuses truffes espagnoles sont exportées en France, répondant ainsi à la demande locale. La truffe espagnole est également exportée mondialement. Aujourd’hui, avec à la mondialisation, il est possible de manger des truffes noires du Périgord en provenance de pays lointains comme le Chili ou l’Australie, où elles sont cultivées dans des conditions climatiques favorables. Ainsi, la truffe chilienne ou australienne peut être disponible durant l’été dans l’hémisphère nord, offrant une saisonnalité étendue. »
*Adolphe Chatin était un mycologue qui a consacré une partie significative de ses recherches à l’étude des truffes. Il a écrit un ouvrage intitulé « La truffe » en 1869, qui traite des conditions générales de la production truffière. Cet ouvrage est une étude complète, couvrant des sujets tels que la botanique des truffes et des plantes truffières, le sol, le climat, les pays producteurs, la composition chimique, la culture, la récolte, le commerce, les fraudes, les qualités alimentaires, les conserves et les préparations culinaires. Dans l’ensemble, le travail de Chatin a joué un rôle important, notamment en ce qui concerne la compréhension de sa botanique, de son écosystème et de sa répartition géographique.