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Une semaine de coups de cœur aux Lobis et un double anniversaire

Cette semaine, aux Lobis, la programmation ressemble à une traversée : l’enfance allemande à la fin de la guerre, la Chine rurale des années 1990, une odyssée cinématographique à travers le XXᵉ siècle, et une célébration collective de ce que signifie encore — et toujours — aller au cinéma. « Presque trop de coups de cœur », sourit Laëtitia Scherier, directrice du cinéma blésois. « Mais cette semaine, vraiment, on a de très très beaux films. »

La première sortie s’intitule Une enfance allemande, l’île d’Amrum, 1945, nouveau film de Fatih Akin. Derrière ce titre volontairement long se cache une histoire profondément intime. Le scénario est signé Hark Bohm, figure majeure du Nouveau cinéma allemand des années 1970, acteur, réalisateur, producteur et enseignant, qui a travaillé avec Werner Herzog, Wim Wenders ou Rainer Werner Fassbinder. Hark Bohm, décédé le mois dernier, a grandi sur l’île d’Amrum, en mer du Nord, et le récit est directement inspiré de sa propre enfance.

Avant d’être un film, cette histoire fut un livre, puis un scénario que Hark Bohm n’a pas eu le temps d’achever. Sa santé déclinant, il a confié l’adaptation à Fatih Akin, qu’il considérait comme un héritier. Bohm apparaît d’ailleurs dans le tout dernier plan du film, tourné très en amont pour lui rendre hommage.

Le film se déroule dans les tout derniers jours de la Seconde Guerre mondiale, vus à hauteur d’enfant. Le jeune protagoniste, douze ans, vit avec sa mère, sa tante, ses frères et sœurs sur cette île-refuge, loin du front, tandis que son père, officier nazi, combat sur le continent. La guerre semble lointaine : on aperçoit les bombardiers, on subit les restrictions alimentaires, mais il n’y a pas de scènes de combat. Le quotidien du garçon consiste surtout à aider sa famille à survivre.

Au fil des rencontres avec d’autres réfugiés, une prise de conscience douloureuse s’opère. Élevé dans une famille fidèle au régime, l’enfant découvre progressivement que les héros célébrés par les siens — Hitler en tête — incarnent en réalité une idéologie criminelle. « C’est un film sur la question identitaire, sur l’exil, sur la construction d’un regard », souligne Laëtitia Scherier.

Fatih Akin revendique plusieurs influences, citées dans ses notes d’intention : Le Voleur de bicyclette de Vittorio De Sica, La Nuit du chasseur de Charles Laughton, ou Stand by Me de Rob Reiner, notamment pour filmer les groupes d’enfants avec le plus de naturel possible. Le film bénéficie de décors naturels remarquables, tournés en partie à Hambourg et sur l’île d’Amrum elle-même. On y entend l’allemand, mais aussi l’ömrang, dialecte local de l’île, que même Diane Kruger a dû apprendre pour le film.

La semaine se poursuit avec deux entrées chinoises en programmation. La première, Le Temps des moissons, est le deuxième long métrage de Meng Huo, cinéaste émergent de la nouvelle génération. Le film suit un garçon de dix ans envoyé passer une année à la campagne, chez sa famille, tandis que ses parents partent travailler en ville. Le récit adopte entièrement son point de vue, traversant les saisons, les traditions, les deuils, les mariages, la vie agricole et les bouleversements sociaux.

Situé dans la Chine rurale des années 1990, le film s’inscrit dans un contexte historique précis : la fin progressive du système agricole collectiviste, remplacé par une gestion individuelle des terres, et l’exode massif vers les villes. « On est sur une fresque rurale absolument splendide », insiste la directrice des Lobis. Long — plus de deux heures — mais d’une grande fluidité, le film a été salué à la Berlinale, où il a reçu le prix de la mise en scène.

Sa réception en Chine a toutefois été plus complexe. Bien qu’autorisé à concourir à Berlin, le film a suscité la méfiance des autorités, qui ont tenté de bloquer sa diffusion internationale, estimant qu’il ne mettait pas assez en valeur la modernité du pays. Heureusement, les droits français avaient déjà été acquis, permettant au film d’arriver jusqu’aux salles. « Quand un film dérange, il devient d’autant plus nécessaire de le voir », résume Laëtitia Scherier.

Autre proposition chinoise, plus radicale encore : Résurrection, de Bi Gan, présenté en compétition à Cannes. Un film de 2h40, programmé volontairement en décalé, destiné aux spectateurs curieux et aux cinéphiles. « C’est une aventure », affirme-t-elle. Une aventure cinématographique totale, hommage à la magie du cinéma et à la puissance des images. Le point de départ relève de la science-fiction : un monde où les humains ne savent plus rêver. Quelques êtres solitaires continuent pourtant à le faire en cachette. À partir de ce postulat, le film se déploie en six chapitres autonomes, reliés par la présence d’un même acteur qui se réincarne au fil du temps. Chaque segment correspond à un sens — la vue, l’odorat, le toucher… — et opère des bonds temporels d’une vingtaine d’années, dessinant une fresque du cinéma et des villes à travers le XXᵉ siècle. Résurrection figure d’ores et déjà parmi ses films préférés de l’année.

Enfin, la semaine se conclut par un événement singulier : 130 ans de salles de cinéma. À l’occasion de l’avant-première de Father, Mother, Sister, Brother, le nouveau film de Jim Jarmusch, les Lobis célèbrent dimanche (18h30) l’anniversaire de la première projection publique et payante du cinématographe des frères Lumière, le 28 décembre 1895. L’événement coïncide également avec les 70 ans de l’AFCAE, l’Association française des cinémas d’art et d’essai, fondée en 1955 avec le soutien d’André Malraux.

Un verre sera offert aux spectateurs, suivi d’une présentation de l’histoire des salles de cinéma et du rôle du réseau art et essai, avant la projection du film. « Le cinéma est né du désir de regarder ensemble », rappelle Laëtitia Scherier. « À une époque qui pousse à l’isolement et à la consommation individuelle d’images, il est essentiel de rappeler que le cinéma est une expérience collective. »

Father, Mother, Sister, Brother, Lion d’or à Venise, se compose de trois récits indépendants se déroulant aux États-Unis, en Irlande et à Paris. Le film explore les relations familiales — parents, enfants, frères et sœurs — avec un casting prestigieux réunissant Adam Driver, Charlotte Rampling, Cate Blanchett et Vicky Krieps. Une comédie dramatique à la fois drôle, tendre et profondément humaine. « Il y a des moments vraiment très drôles », insiste-t-elle, tout en conservant une profondeur émotionnelle forte.

« C’est un film très universel », souligne la directrice des Lobis. Peu importe l’âge, le pays ou le contexte social, ces relations restent des rapports fondamentaux, souvent complexes, parfois douloureux, parfois lumineux. « Des rapports incroyables, dans le bon sens comme dans le mauvais sens. »

>> Horaires et informations : blois-les-lobis.cap-cine.fr

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