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Ani Manukyan sonne l’alarme pour que soit soutenue l’Arménie

Il y aurait plus de 600.000 Arméniens en France, dont 400.000 d’entre eux nés en France, d’après les données estimatives de 2011 du CDCA et du CRDA. Et pourtant, on parle peu de l’Arménie et de sa situation complexe, voire dramatique, au milieu de puissances militaires, et un Azerbaïdjan agresseur.

L’ONG Freedom House, reconnue pour son expertise et son influence dans les domaines de la démocratie et des droits humains à travers le monde, décrit dans un rapport l’évolution des tensions et des conflits dans la région du Caucase, notamment l’offensive d’Azerbaïdjan contre le Haut-Karabakh en septembre 2023. Le rapport met en lumière comment le président azerbaïdjanais, Ilham Aliyev, avait clairement exprimé son intention de prendre le contrôle total du Haut-Karabakh, une enclave ethniquement arménienne. Cela s’est produit après des tensions accrues marquées par un blocus de plusieurs mois qui a privé la région de biens essentiels, aboutissant à une attaque militaire où les défenses locales se sont rapidement effondrées.

L’effondrement du gouvernement local du Haut-Karabakh et la fuite de toute sa population arménienne sont décrits comme un nettoyage ethnique facilité par les actions militaires azerbaïdjanaises. Par ailleurs, le rapport mentionne que l’Azerbaïdjan continue de menacer l’existence de la République d’Arménie en occupant des parties de son territoire.

Sur le plan intérieur, Aliyev a utilisé cette victoire militaire pour consolider son pouvoir en Azerbaïdjan, intensifiant la répression contre les médias indépendants et l’opposition. La situation dans le Caucase du Sud a affecté négativement les efforts de démocratisation de l’Arménie, exacerbant les défis humanitaires et politiques auxquels le pays doit faire face. Ces développements suggèrent une dynamique de pouvoir et de conflit en évolution rapide dans la région, où les enjeux pour la sécurité et la démocratie restent critiques.

Une diaspora active pour soutenir l’Arménie

On s’en souvient, l’association éducative et culturelle arménienne de Loir-et-Cher (ARMAT) avait organisé une soirée caritative le 4 décembre dont le but était de venir en aide à la population du Haut Karabagh (110.000 déplacés). Une opération qui avait permis de récolter environ 12.000 €. Sa présidente, que nous avons rencontrée dans son restaurant « Au gré du vent », Ani Manukyan, s’est rendue en janvier sur place pour que cet argent soit parfaitement utilisé, afin de stimuler l’économie locale. Car beaucoup ont quitté l’Arménie en raison de l’instabilité économique et politique.

« Nous allions chez les gens pour voir de quoi ils avaient besoin et de quoi ils étaient capables. Sur place, nous avons signé des contrats avec chaque personne, imposant comme première condition de ne pas quitter le pays mais plutôt de rester en Arménie, de travailler là-bas et d’employer d’autres personnes, explique Ani Manukyan. Nous avons installé trois entreprises de boulangerie-pâtisserie, un salon de coiffure, et un institut de beauté. Nous avons également acheté des ruches pour leur permettre de subvenir aux besoins de leur famille. J’ai rencontré des personnes sur place qui avaient reconstruit leur maison jusqu’à trois fois, étant à chaque fois déplacés de force, jusqu’à ce qu’ils décident de quitter définitivement leur terre ancestrale. C’est la première fois dans l’histoire que cette population est forcée à un tel exode, malgré des déplacements fréquents, ils n’avaient jamais abandonné leur terre, ancrée dans leur identité, étant le berceau de l’arménité, abritant la première église et la première école arméniennes. »

Les personnes rencontrées en janvier par Ani Manukyan étaient des déplacés qui avaient fui, emportant avec eux des histoires de souffrance et de perte. « Parmi eux, la famille de la première victime de la guerre, une petite fille de huit ans tuée par une bombe. Chaque famille a sa propre histoire de déplacement, de perte, et de résilience. Malgré tout, elles restent attachées à l’espoir de retourner un jour chez elles, témoigne la présidente de l’association ARMAT. L’Arménie, un pays petit et manquant de ressources, fait face à d’énormes défis, notamment en termes de logement. La diaspora arménienne joue un rôle crucial en fournissant un soutien, mais le gouvernement local peine à répondre efficacement aux besoins. La situation géopolitique de l’Arménie est précaire, située à un carrefour stratégique pour l’Occident, l’Iran, la Turquie, et la Russie. Les récents événements ont semé le désespoir parmi la population. »

La diaspora et les habitants sur place continuent de lutter pour préserver leur patrimoine et leur droit à vivre en paix sur leur terre ancestrale. Ani Manukyan, l’assure. « Notre gouvernement, espérant naïvement la paix, accepte des compromis. Mais il est clair qu’avec ces adversaires, la paix est inatteignable. Tant que l’Arménie revendiquera son histoire et son identité, notamment à travers le souvenir du génocide, le conflit perdurera. Le gouvernement arménien a peut-être mis de côté ces questions, mais la diaspora ne l’accepte pas. Les sujets du Haut-Karabakh et du génocide nous unissent tous. »

Elle ajoute : « L’Azerbaïdjan revendique des terres, sachant qu’il n’y a personne pour l’arrêter. La dépendance de la France et de l’Europe envers des pays comme l’Azerbaïdjan pour le gaz et le pétrole montre une vulnérabilité inquiétante. Notre niveau diplomatique doit s’élever pour défendre nos intérêts. L’OTAN, avec la Turquie en son sein, ne favorisera jamais le développement de l’Arménie, qui reste pourtant un pays démocratique et chrétien, en opposition aux régimes autoritaires de ses voisins. La situation en Arménie est rendue encore plus difficile par les relations avec la Russie, historiquement protectrice mais aussi guidée par ses propres intérêts. Et puis, la haine contre le peuple arménien est enseignée dès le plus jeune âge chez nos adversaires, créant un cycle de violence difficile à briser. L’histoire est manipulée pour servir des intérêts politiques, mais la vérité sur nos racines et notre droit à vivre sur notre terre ancestrale reste indéniable. »

Cette situation complexe requiert une attention internationale et une solidarité envers l’Arménie, afin de préserver son intégrité territoriale et culturelle face à des défis géopolitiques et historiques majeurs.

Faire savoir

Le grand public, en France, ne sait que trop peu ce qui se joue actuellement en Arménie. « Concernant la guerre, beaucoup ne sont pas au courant, regrette Ani Manukyan. Suite au décès d’une personnalité influente comme Charles Aznavour, notre communauté semble orpheline. Nous devons trouver de nouveaux ambassadeurs. Je l’ai dit à André Manoukian, qui était ici il y a peu, et dont la grand-mère a survécu au génocide. Je lui ai dit qu’il devrait rassembler des artistes dans cette perspective. Suite à son concert à la Halle aux grains, à Blois, plus de 600 personnes sont reparties avec un message fort. C’est ainsi qu’il faut sensibiliser. »

Sensibiliser, il en sera forcément question à Blois, lors de la commémoration du génocide arménien (de 1915) le mercredi 24 avril 2024 à 15h30, Place de la république.

« Nous allons essayer d’offrir un moment convivial », précise la présidente d’ARMAT, qui comme le préfet, fera un discours. « Pendant l’événement, des enfants chanteront la Marseillaise et une chanson arménienne. Une jeune femme sera également présente pour interpréter quelques morceaux. Si cela est possible, nous organiserons également un petit verre d’amitié. J’aborderai aussi les événements actuels afin de sonner l’alarme, car il est temps d’agir face aux souffrances actuelles de la population là-bas. Nous aidons les familles déportées avec des dons, mais ce n’est pas suffisant… malheureusement aujourd’hui, les enjeux économiques internationaux semblent primer sur la valeur de la vie humaine. Il est essentiel que la justice et le droit international soient respectés, que chaque pays défende les droits des citoyens à rester sur leur propre terre. »

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