Redécouvrir qui était Augustin Thierry

Parce qu’il incarne la réussite intellectuelle, la rigueur scientifique et la passion pour l’histoire, Augustin Thierry demeure une figure majeure pour Blois. Redécouvrons le.
Augustin Thierry voit le jour le 10 mai 1795 à Blois, au sein d’une famille bourgeoise modeste. Son père, Jacques Thierry, travaille à la bibliothèque municipale, offrant ainsi au jeune Augustin un accès privilégié aux livres, tandis que sa mère est issue d’une lignée d’artisans. Très tôt, il se distingue par des capacités intellectuelles hors du commun, notamment une mémoire prodigieuse qui lui permettra d’exceller dans ses études.
Élève brillant, il fréquente le collège de Blois, où ses résultats exceptionnels lui ouvrent les portes de l’École normale supérieure en 1811. C’est à Paris, dans cette institution fondée sous Napoléon, qu’il forge son goût pour la philosophie, la littérature et les méthodes rigoureuses d’apprentissage. Cette formation classique prépare le terrain pour son entrée dans le monde intellectuel et historique.
La rencontre avec Saint-Simon et l’éveil à l’histoire
En 1814, alors que l’Empire napoléonien vacille, Augustin Thierry croise la route de Claude-Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon. Pendant trois ans, il travaille comme secrétaire auprès de ce philosophe pionnier de la pensée industrialiste. Cette collaboration éveille chez lui une conscience aiguë des mécanismes sociaux et économiques qui traversent l’histoire. Bien que fasciné un temps par les idées saint-simoniennes, il choisit finalement de s’en éloigner pour suivre sa propre voie.
À partir de 1817, le blésois s’engage dans l’écriture journalistique. Il collabore notamment au Censeur européen, une publication libérale, où il esquisse les bases de sa vision historique. Dans ses premiers articles, il affirme avec force son intérêt pour les luttes sociales et défend l’idée que l’histoire ne peut se limiter aux actions des rois, mais doit aussi s’intéresser aux peuples qui les ont portés ou combattus.
Une nouvelle approche de l’histoire
Augustin Thierry rompt avec les conventions historiques de son temps en proposant une vision sociale et vivante de l’histoire. Convaincu que les luttes entre les classes et les peuples sont les moteurs du changement, il s’efforce de restituer le passé dans toute sa complexité. Pour lui, l’histoire doit se nourrir des sources originales, tout en adoptant une écriture claire et narrative capable de captiver un large public.
En 1825, il publie son ouvrage majeur, « Histoire de la conquête de l’Angleterre par les Normands ». Ce livre, qui raconte la conquête de l’Angleterre en 1066 par Guillaume le Conquérant, met en lumière les tensions entre les vainqueurs normands et les vaincus anglo-saxons. Au-delà des faits militaires, Thierry s’intéresse aux bouleversements sociaux engendrés par cette conquête et signe ainsi une œuvre novatrice, à la fois rigoureuse et dramatique.
D’autres publications viennent enrichir son œuvre, comme les « Lettres sur l’histoire de France » (1827), qui vulgarisent l’histoire nationale pour un large public, ou encore les « Récits des temps mérovingiens » (1840), où il redonne vie aux chroniques de Grégoire de Tours. Dans ces textes, Augustin Thierry réhabilite des périodes souvent délaissées et insiste sur l’importance des communes médiévales dans la lutte contre la féodalité.
Jusqu’à la fin de sa vie, il poursuit ce travail en publiant en 1853 le « Recueil des monuments inédits de l’histoire du Tiers État », une œuvre qui témoigne de sa fidélité à son idéal : écrire l’histoire des peuples et non celle des puissants.
Une vie marquée par l’épreuve de la maladie
La vie d’Augustin Thierry bascule en 1826, lorsqu’il commence à perdre la vue. Atteint d’un tabès dorsal, une maladie dégénérative qui lui ôte progressivement l’usage de ses yeux, il se trouve confronté à une épreuve aussi physique qu’intellectuelle. Toutefois, loin de céder au découragement, il continue de travailler avec l’aide de secrétaires et du soutien constant de son épouse, Julie de Quérangal, qu’il épouse en 1831. Dans ses écrits, Augustin Thierry évoque la souffrance imposée par la maladie, tout en réaffirmant sa passion pour l’étude historique : « Il y a au monde quelque chose qui vaut mieux que la fortune, mieux que la santé elle-même, c’est le dévouement à la science. »
Reconnaissance et postérité
En 1830, Augustin Thierry est élu à l’Académie des inscriptions et belles-lettres, consacrant ainsi une carrière vouée au renouveau de l’histoire. Jusqu’à sa disparition en 1856, il ne cesse de retravailler ses œuvres et de transmettre ses idées. Il s’éteint le 22 mai 1856, à Paris, laissant derrière lui une vision profondément renouvelée de l’historiographie. Par sa volonté de replacer les peuples au cœur du récit historique, il a ouvert la voie à l’histoire sociale et inspiré des figures comme Jules Michelet. Pourtant, son héritage reste parfois éclipsé par ses contemporains, malgré la modernité de sa démarche.
Sources
- Larousse.fr, Augustin Thierry : Encyclopédie Larousse.
- Encyclopédie Universalis, Augustin Thierry : Universalis.
- Pierre Nora, Entre mémoire et histoire.
- Gallica BnF, œuvres d’Augustin Thierry : Gallica.
- Aude Déruelle, Augustin Thierry, l’histoire pour mémoire.
- Jean-Michel Cazeneuve, L’historiographie romantique française.
- Rulon Smithson, Romantic History and Augustin Thierry.
- Boris Reizov, analyse marxiste de l’œuvre d’Augustin Thierry.
- Wikipédia, Augustin Thierry : Wikipedia.