Un ex-voto en Blois-Vienne rappelle un fléau majeur

Au coin de la rue Munier et de la rue du Poinçon Renversé, au cœur de Blois-Vienne, se trouve un trésor historique qui raconte une histoire de foi, de désespoir, et finalement… d’espoir. Une peinture murale encadrant une niche, avec une petite statue de la Vierge Marie, attire les regards des passants curieux. Dans des lettres noires soigneusement tracées, on peut y lire : « Ex-voto 15 août 1849. » Cet ex-voto, en apparence modeste, est en réalité un rappel d’une épidémie de choléra dévastatrice qui a frappé la ville de Blois en 1849.
Un fléau dévastateur
Avant de plonger dans l’histoire de l’ex-voto, il est essentiel de comprendre l’ampleur du drame qui a frappé Blois au XIXe siècle. En 1832, une première épidémie de choléra avait déjà secoué la ville, faisant 124 victimes sur les 173 cas recensés, comme on peut le lire dans « Blois insolite et secret » (éditions Sutton). Et en 1849, le choléra fit son retour avec une virulence encore plus terrible.
L’épidémie de 1849, qui avait déjà semé la terreur dans d’autres régions, atteignit finalement la ville de Blois en juillet. Selon les archives municipales, le choléra s’est déclaré à Blois-Vienne dès le 6 juillet 1849. Le premier cas identifié, André Delauney, cantonnier local, succomba en marge de la rue des Chalands après seulement quelques heures de maladie
La progression du choléra dans la ville de Blois fut tout à fait singulière. Au départ, il sembla se confiner en Vienne, sans toucher le reste de la ville. Le fleuve agissait alors comme une barrière infranchissable, du moins pour l’instant. Les habitants du quartier étaient les premiers à ressentir les ravages du choléra, avec deux à quatre nouveaux cas signalés chaque jour, se propageant de maison en maison.
L’hôpital général, situé dans le faubourg de Vienne, demeura étrangement épargné, bien que les nouvelles admissions y furent interdites. Cependant, l’hôpital Dieu, sur la rive droite de la Loire, connut une tout autre destinée. Une ambulance spéciale avait été ouverte pour accueillir les malades du choléra, mais un patient venu de Villexanton, une localité voisine, fut admis en raison d’une simple diarrhée. En quelques jours, plus de trente personnes décédèrent du choléra à l’hôtel Dieu, y compris l’aumônier, une religieuse, des malades et un élève interne. Louis-Napoléon Bonaparte, qui était en visite à Blois le 1er août et devait se rendre à l’hospice, renonça à sa visite en raison de l’épidémie.
Dès les premiers signes du choléra, on avait évacué tous les convalescents de l’hôpital. Cependant, quelques jours plus tard, un aliéné qui attendait son transfert vers l’asile y fut envoyé avec la maladie, entraînant la propagation du choléra au sein de l’asile situé en dehors de la ville. Là encore, la maladie fit des ravages, touchant trente personnes, dont la moitié ne survécut pas. Les récits des premiers cas sont empreints de tragédie.
Le manque d’hygiène et de connaissances sur le choléra favorisait sa propagation. Une des théories attribuait la maladie à des émanations miasmatiques venues… des bords du Gange, portées par les vents. Selon cette croyance, ceux qui se trouvaient sur le chemin de ces vents « cholériques » attrapaient la maladie. Dans ce contexte d’ignorance, les déjections des malades étaient jetées devant les portes des maisons, créant un environnement propice à la contamination. Et puis certains, les « complotistes » de l’époque, niaient l’existence de l’épidémie.
Des mesures draconiennes
Face à cette épidémie terrifiante, les autorités locales ont adopté des mesures radicales pour tenter de freiner sa propagation. L’une de ces mesures était la création de grands feux et de fumigations visant à détruire les supposés poisons dans l’air. Le 24 juillet 1849, du genièvre et du goudron furent brûlés dans différents quartiers de la ville dans le but de purifier l’air. Cette opération fut régulièrement répétée pour apaiser la population, bien que les résultats concrets sur la maladie restent incertains.
La foi et la prière
Face à la persistance de l’épidémie, les regards se tournèrent vers le ciel. L’évêque lança un appel à des prières publiques. Le 15 août 1849, jour de l’Assomption, toutes les paroisses de Blois se réunirent pour une procession exceptionnelle jusqu’à l’église Saint-Saturnin. L’ex-voto qui trône au coin de la rue Munier et de la rue du Poinçon Renversé rappelle le reposoir qui avait été placé à cet endroit lors de la procession.
L’épidémie finit finalement par régresser, et à la mi-septembre, elle cessa complètement.