Une mobilisation citoyenne et politique pour une Loire en danger
Une vingtaine d’embarcations traditionnelles ont fait escale à Blois, mercredi et jeudi, dans le cadre de la Grande Remontée de la Loire, une flottille écologiquement engagée en route vers le Festival de Loire d’Orléans. Ce convoi aquatique unique, impliquant des férus d’embarcations traditionnelles, était port de la Creusille. Avec deux objectifs majeurs : préserver le patrimoine fluvial de la Loire et attirer l’attention sur la détérioration de l’état de santé de la Loire. Le cortège a pour destination finale le Festival de Loire à Orléans, prévu du 20 au 24 septembre.
« Vers une Déclaration des Droits et des Voix de Loire : quels droits et quelles voix ? »
Réunis autour de Fred Billy, animateur au ton enjoué ayant la lourde charge de la légèreté, Bruno Marmiroli, directeur de la Mission Val de Loire, Marine Izquierdo, juriste au sein de l’association « Notre affaire à tous », et Jean-François Bridet, Vice-Président de la région Centre- Val de Loire délégué à la Biodiversité, aux Parcs Naturels Régionaux, à la Loire et rivières, à l’eau, à l’air et à la condition animale dressent un constat sans appel autour de la Loire et débattent des outils pour agir.
Marine Ysquierdo, spécialisée dans la reconnaissance des écocides et des droits de la nature, est convaincue que tout l’enjeu est d’accorder une personnalité juridique à la Loire, la faisant passer du statut d’objet au statut de sujet.
En Espagne, la lagune de Mar menor a ainsi obtenu le statut de personnalité juridique suite à une Initiative Législative Populaire (mécanisme de démocratie semi-directe). Elle peut désormais être représentée devant une juridiction au même titre qu’une personne ou une entreprise et ainsi défendre ses droits. Au total, 20 pays dans le monde reconnaissent aujourd’hui dans leur constitution, leur droit réglementaire, ou leur jurisprudence, les droits de la nature.
La Loire est en danger
Oui, la Loire est en danger, le constat est sans appel comme en témoigne Julien Chapuis, agissant pour Natexplorers, structure d’exploration et de culture scientifique qu’il a fondé avec Barbara Réthoré. Julien Chapuis a sillonné la Loire pendant 3 mois, opérant sur 20 points différents des prélèvements pour évaluer la biodiversité et la plasticodiversité à une échelle entre 1 micron et 5 mm. Ces prélèvements l’ont conduit à constater que la concentration en microplastique est généralisée avec des concentrations identiques des sources jusqu’à l’estuaire. A noter que ces microplastiques sont essentiellement constitués des microfibres issues des eaux de lavage pour lesquelles les stations d’épuration sont inefficientes.
Autre constat alarmant : le bassin hydrographique Loire-Bretagne est très loin du bon état écologique et chimique, dont l’objectif avait été fixé initialement pour 2015 par la directive-cadre de l’UE sur l’Eau (directive européenne fixée par le parlement en 2000). L’agriculture intensive en est la principale raison. D’ailleurs, contrairement aux idées reçues, l’état de la Loire serait identique à celui de la Seine malgré son caractère sauvage. Et Jean-François Bridet, de confirmer – suite à la question d’une participante – que l’impact nucléaire sur la Loire a été totalement invisibilisé dans le Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE), document cadre visant à assurer la gestion de la ressource et des écosystèmes aquatiques.
La Loire traitée comme une ressource et un déversoir
On le voit, la Loire est aujourd’hui traitée avant tout comme une ressource, où l’homme vient se servir, et comme un déversoir de ses différentes activités domestiques, agricoles et industrielles. L’eau au pied des piles du pont Jacques-Gabriel de Blois en témoigne avec le déversoir d’orage du réseau unitaire de la ville.
Autre outil évoqué, le manifeste pour un parlement de Loire afin de fédérer une mobilisation citoyenne et politique. Le projet est celui d’un document qui pourrait être annexé par les collectivités à des documents de planification comme les Plans Locaux d’Urbanisme. Il s’agît à minima, à ce stade, d’être solidaire avec la Loire en signant le manifeste (ici). Et puis, n’oublions pas que nous sommes tous un peu Loire puisque nous buvons son eau et que notre corps est constitué de 80 % d’eau.