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Cultures du Cœur 41 : tisser du lien là où le social se tend

Depuis 2008, « Cultures du Cœur » agit dans le Loir-et-Cher pour que la culture ne reste pas une affaire de privilégiés. Cette association née à Paris en 1998 et implantée depuis plus de quinze ans dans le département ne cesse de porter un message simple, mais encore trop souvent relégué au second plan : la culture n’est ni un supplément d’âme ni un luxe, elle est ce qui fait de nous des êtres humains. Elle irrigue toutes nos activités, y compris les plus quotidiennes… y compris quand on mange. Elle traverse nos histoires, nos références, nos manières de vivre, et, pour cette raison, elle doit être accessible à toutes et tous, y compris – et surtout – à celles et ceux que la vie a fragilisés.

Rencontrée à quelques jours de l’assemblée générale de l’association, le 23 avril 2025, Laurianne Hueber, coordinatrice de Cultures du Cœur 41, rappelle d’emblée que la mission ne se limite pas à offrir des loisirs : « L’accès à la culture, aux ressources culturelles, ce n’est pas de l’accessoire, ce n’est pas du loisir : c’est ce qui fait que nous sommes des êtres humains. C’est un tout. » L’action de l’association – qui a besoin de bénévoles supplémentaires – s’inscrit au croisement de l’insertion sociale et des droits culturels. Elle ne s’adresse pas directement aux bénéficiaires, mais aux structures sociales et médico-sociales qui les accompagnent. À travers elles, Cultures du Cœur propose des outils pour inscrire l’accès à la culture dans les parcours d’accompagnement global.

quinière 60 ans

Le dispositif de billetterie solidaire, l’un des piliers de l’association, permet à ces structures partenaires d’offrir des invitations gratuites à des spectacles, des événements sportifs ou des sorties culturelles dans le département et au-delà. Mais ce dispositif, aussi important soit-il, n’est que la partie émergée de l’iceberg. Laurianne Hueber insiste sur l’importance de la formation et de la sensibilisation des professionnels à l’usage de la culture dans leur pratique quotidienne. Elle évoque aussi un troisième axe d’action, souvent méconnu : les projets collectifs ancrés sur des territoires, menés en partenariat étroit avec les structures locales, à l’écoute des besoins et de la parole des habitants.

Ce travail, Cultures du Cœur le mène dans des conditions fragiles, dans un contexte flou de restrictions budgétaires où la culture, le social et même l’éducation sont trop souvent les premières victimes. « Même les gens qui pensent en termes d’économie ont tort, parce que ça génère aussi beaucoup d’emplois, de retombées économiques – la culture, c’est aussi du tourisme », souligne-t-elle. Plus encore, c’est la construction du vivre-ensemble qui est en jeu. À l’heure où les peurs de l’autre s’expriment de manière de plus en plus décomplexée, les expériences menées sur le terrain prouvent l’inverse. « On organise une action, on invite les gens, sans jamais leur demander d’où ils viennent. Et très vite, en faisant ensemble, on réalise que la question ne se pose plus. Il se passe quelque chose. Parfois c’est infime, parfois c’est bouleversant. Et toujours, ça fait du bien. »

L’année 2024, dont le rapport d’activité sera présenté à l’assemblée générale, marque une forme de retour à l’élan, après des années de convalescence post-Covid. Les indicateurs sont stables, parfois en légère hausse. La billetterie solidaire affiche un taux de réservation qui dépasse désormais les 50 %, après plusieurs années en dessous de ce seuil. Si les musées, le patrimoine, le cinéma et le sport concentrent l’essentiel des réservations, c’est aussi en raison de l’offre disponible. Le spectacle vivant, en particulier, reste difficile à mobiliser, à la fois parce qu’il suppose une « certaine légitimité » pour oser y aller, et parce que les propositions sont plus rares.

Les projets collectifs, eux, n’ont cessé de se développer. Historiquement présente dans les quartiers prioritaires du département, l’association a conforté sa place à Blois (notamment à Quinière et Croix-Chevalier), Romorantin (quartier des Favignolles) et Vendôme (quartier des Rottes). Les collectivités et les bailleurs reconnaissent la plus-value d’une méthode fondée sur le participatif, sur l’écoute active et sur la flexibilité propre au tissu associatif. « Beaucoup de partenaires sont assez demandeurs de cette plus-value. » À l’heure où les structures sociales sont elles-mêmes en tension, en manque de temps et de moyens, Cultures du Cœur propose des interventions « clés en main », qui viennent soutenir leur action.

Laurianne HUEBER et Léa BLETEAU
Laurianne Hueber et Léa Bleteau (CDC 41)

En 2024, plusieurs outils de médiation culturelle ont été intensément mobilisés. Un jeu de l’oie géant, conçu pour susciter la parole autour des équipements culturels du territoire, a été animé dans plusieurs structures. Une mallette « Jeux, Art et Sports », développée à l’occasion des Jeux Olympiques, a également permis de proposer des jeux autour de cette thématique. Enfin, l’atelier de stop motion – une technique de film d’animation image par image – est un pari : les participants y créent eux-mêmes de petites œuvres à partir de thématiques choisies collectivement, comme le tri des déchets ou leur expérience de groupe à la Mission Locale. « Ça remet aussi des gens dans une dynamique, ça donne des prétextes pour sortir, pour créer, pour se dire qu’on est capable. »

Face à la montée de la demande, l’équipe reste minuscule : deux salariées, un conseil d’administration actif, quelques bénévoles. La surcharge est permanente, mais maîtrisée, au prix de renoncements réguliers. Les limites ne sont pas celles de l’engagement, mais celles des moyens. Et l’incertitude s’ajoute aux contraintes : en cette mi-avril 2025, l’association ne connaît pas encore les enveloppes allouées par les principaux financeurs d’État. Cela oblige à décaler certaines dépenses, à privilégier les actions qui ne coûtent que du temps, à attendre pour lancer les projets plus ambitieux. Mais cette prudence ne signifie pas l’immobilisme. Le travail continue. Ce sont les années à venir qui inquiètent le plus. Si 2025 peut encore être tenue, 2026 pourrait marquer une ligne de fracture.

En attendant, les projets en cours s’appuient sur des dynamiques déjà bien amorcées. À Blois, l’association poursuit son travail de terrain dans les quartiers, entre recueil de parole, ateliers participatifs et créations collectives. À Vendôme, un spectacle en pied d’immeuble est prévu en juillet, précédé d’ateliers de programmation participative. À Romorantin, les habitants du quartier des Favignolles sont invités à s’emparer, de manière artistique, de la problématique des encombrants qui empoisonne leur quotidien. Il ne s’agira pas de masquer les problèmes, mais d’en proposer une lecture poétique et créative. Laurianne Hueber évoque ici la méthode du nudge, ce petit coup de pouce qui peut, discrètement, infléchir les comportements.

Un autre projet phare de l’année 2025, s’il est confirmé, devrait permettre à des publics du réseau Cultures du Cœur de toucher au court-métrage d’animation. En partenariat avec Ciclic Animation et Figures Libres, l’idée est de proposer à la fois des ateliers de création visuelle et sonore, et une médiation sur ces formes culturelles souvent perçues comme techniques ou élitistes. Là encore, il s’agit de faire tomber les barrières symboliques et sociales. Le thème choisi – un futur commun et désirable – se prête parfaitement à l’onirisme du film d’animation.

L’association avance donc, résolument, malgré tout. Son action, profondément ancrée dans les territoires, au plus près des habitantes et habitants, révèle avec justesse combien la culture peut non seulement adoucir le réel, mais aussi le transformer. Cultures du Cœur incarne ce que la solidarité culturelle peut produire quand elle s’inscrit dans une logique de justice sociale. Non pas offrir une échappée belle hors du monde, mais permettre à chacun et chacune d’y trouver sa place.

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