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Défibrillateurs : alerte sur le manque d’entretien

Les défibrillateurs servent à sauver des vies en cas d’arrêt cardiaque soudain. Ils sont destinés à être utilisés par le grand public ainsi que par les professionnels de santé pour administrer un choc électrique au cœur d’une personne en arrêt cardiaque. Mais, Sandrine Lhommeau, présidente de l’association Handi-capable à Blois, nous alerte sur une situation préoccupante : un tiers des défibrillateurs installés en France seraient hors service en raison d’un manque d’entretien.

Alors que ces appareils sont cruciaux pour sauver des vies, trop d’établissements ne respectent pas leurs obligations légales, malgré les nombreuses alertes envoyées. Elle appelle à une prise de conscience urgente et à une meilleure régulation de la maintenance de ces dispositifs.

Blois Capitale : Bonjour Mme Lhommeau, vous souhaitez attirer notre attention sur l’état de nombreux défibrillateurs en France, et plus particulièrement à Blois. Pouvez-vous nous expliquer la gravité de la situation ?

Sandrine Lhommeau : Bonjour et merci de me donner l’occasion de m’exprimer sur ce sujet essentiel. Les défibrillateurs automatisés externes (DAE) sont des outils qui peuvent sauver des vies en cas d’arrêt cardiaque. Cependant, selon un audit récent*, près de 30 % des 500 000 défibrillateurs installés en France ne sont pas opérationnels, notamment en raison d’un manque d’entretien régulier. À Blois, et dans bien d’autres villes, nous avons signalé ce problème à de nombreux établissements, mais très peu ont pris des mesures concrètes. C’est extrêmement inquiétant. Malgré nos relances, certaines sociétés ne mettent pas à jour leur défibrillateur

Blois Capitale : Quelles sont exactement les obligations légales concernant l’installation et l’entretien des défibrillateurs ?

Sandrine Lhommeau : Depuis la loi n° 2018-527 du 28 juin 2018, il est obligatoire pour les établissements recevant du public (ERP) d’installer des défibrillateurs. Cela concerne aussi bien les lieux comme les mairies, les salles de spectacles, que les centres commerciaux, mais d’une manière générale tous les ERP classé de 1 à 4. L’article R123-57 du Code de la construction et de l’habitation stipule également que l’entretien régulier des défibrillateurs est une obligation légale. En clair, les exploitants doivent s’assurer que les DAE sont en parfait état de marche à tout moment. Pourtant, beaucoup d’établissements ignorent que cette responsabilité inclut des contrôles techniques réguliers et la tenue d’un registre pour assurer la traçabilité des opérations d’entretien​.

Blois Capitale : Vous mentionnez que plusieurs établissements que vous avez alertés n’ont pas pris les mesures nécessaires. Comment cela se fait-il, d’après vous ?

Sandrine Lhommeau : C’est un véritable problème de sensibilisation et de connaissance des textes de loi. Beaucoup pensent qu’installer un défibrillateur suffit, mais ne réalisent pas que la maintenance est tout aussi importante. Par exemple, les batteries et les électrodes des DAE se dégradent avec le temps, et si elles ne sont pas remplacées, l’appareil ne pourra pas délivrer de choc en cas d’urgence. Nous avons envoyé des courriers à plusieurs établissements à Blois pour les alerter sur la situation, mais peu d’entre eux ont pris des mesures pour remédier à cela. Leur responsabilité est pourtant engagée en cas de défaillance​.

Blois Capitale : Pouvez-vous nous en dire plus sur les aspects techniques de cette maintenance ? Que doivent faire concrètement les établissements pour assurer le bon fonctionnement de leurs défibrillateurs ?

Sandrine Lhommeau : Tout d’abord, il ne suffit pas de vérifier visuellement un défibrillateur. Un contrôle technique approfondi doit être effectué régulièrement. La loi prévoit que ce contrôle peut être réalisé par le fabricant, par un prestataire agréé ou par l’exploitant lui-même, à condition qu’il respecte les protocoles de maintenance du fabricant​. Parmi les tâches importantes, on trouve la vérification de la batterie, le remplacement des électrodes et la mise à jour du logiciel de l’appareil. Il faut également effectuer un test de choc, qui consiste à simuler un cas de fibrillation cardiaque pour vérifier que le DAE envoie correctement un choc électrique. En outre, les DAE installés à l’extérieur doivent être protégés des conditions climatiques extrêmes, car la chaleur et le froid peuvent endommager les composants internes. Les établissements doivent tenir un registre de maintenance, où chaque contrôle est consigné, pour prouver que toutes les vérifications nécessaires ont été faites​.

Blois Capitale: Vous évoquez la responsabilité des exploitants en cas de défaillance. Que dit la loi à ce sujet ?

Sandrine Lhommeau : Selon le Code de la santé publique, les exploitants de défibrillateurs sont responsables de la mise en œuvre de la maintenance​. En cas de défaillance de l’appareil, leur responsabilité peut être engagée, notamment si l’entretien n’a pas été effectué conformément aux recommandations. La jurisprudence en la matière est claire : si un défibrillateur est hors service lors d’une situation d’urgence et que cela entraîne des conséquences dramatiques, l’établissement propriétaire de l’appareil peut être tenu responsable​. En 2015, le Sénat a confirmé cette position dans une réponse à une question écrite : un maire, par exemple, pourrait voir sa responsabilité engagée s’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour assurer le bon fonctionnement d’un défibrillateur dans sa commune.

Blois Capitale : En plus de la maintenance technique, vous avez également mentionné un manque de formation du public. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Sandrine Lhommeau : Oui, c’est un autre aspect crucial. Avoir un défibrillateur à disposition ne suffit pas si personne ne sait s’en servir. En France, nous sommes très en retard sur la formation aux gestes de premiers secours. Très peu de personnes savent utiliser un DAE ou même comment réagir face à une situation d’arrêt cardiaque. Il est indispensable que les établissements formant leur personnel à ces gestes incluent la manipulation du défibrillateur dans leurs formations​. L’association Handi-capable milite activement pour que la formation aux gestes de premiers secours devienne obligatoire dans tous les lieux publics équipés de défibrillateurs. Cela pourrait sauver de nombreuses vies.

Blois Capitale : Quelles actions recommandez-vous pour améliorer la situation et garantir la fonctionnalité des défibrillateurs en France ?

Sandrine Lhommeau : Tout d’abord, il est urgent de sensibiliser davantage les exploitants aux obligations légales en matière de maintenance. Une réglementation plus stricte, à l’image de ce qui existe pour les extincteurs, devrait être mise en place pour imposer des contrôles annuels obligatoires. Ensuite, il est impératif de renforcer la formation aux premiers secours. Enfin, nous recommandons aux établissements de sous-traiter la maintenance à des prestataires agréés, qui disposent des compétences techniques pour effectuer des vérifications approfondies, notamment les tests de choc​. Cela leur permettrait aussi de transférer la responsabilité en cas de problème​.

Blois Capitale : Un dernier mot pour nos lectrices et lecteurs ?

Sandrine Lhommeau : Je lance un appel à tous les établissements et collectivités qui disposent de défibrillateurs : ne vous contentez pas de les installer, assurez-vous qu’ils sont opérationnels. Ces appareils sauvent des vies, mais uniquement s’ils fonctionnent correctement. La loi est là pour vous guider, respectez-la, et n’attendez pas qu’il soit trop tard.


*Un audit réalisé par la société de maintenance Matecir Defibril révèle que près d’un tiers des défibrillateurs installés en France, estimés à 500 000 unités, ne seraient pas opérationnels. Ce constat alarmant, basé sur l’inspection de plus de 6 000 appareils entre 2021 et 2023, met en évidence un manque d’entretien fréquent, notamment pour les batteries et les électrodes, qui peuvent se périmer ou dysfonctionner. En outre, 60 % des appareils inspectés présentaient une anomalie pouvant entraîner un dysfonctionnement.

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