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Jean-Pierre Jollivet : « Il faut reconnaître le rôle du castor »

Vendredi soir, au Conseil départemental, s’est déroulé un ciné-débat autour du documentaire « Le cas du castor », organisé par le CDPNE. Cela dans le cadre de l’Année du Castor, une initiative lancée en avril dernier visant à sensibiliser le public aux enjeux entourant la préservation de cette espèce autrefois chassée et maintenant protégée. En marge de cette soirée, Jean-Pierre Jollivet, naturaliste de Loir-et-Cher Nature et acteur clé de la réintroduction du castor en France il y a cinquante ans, nous a accordé quelques mots.

Blois Capitale : Pourriez-vous déjà raconter ce qui s’est passé en 1974 concernant la réintroduction des castors, et comment cela a été mis à l’ordre du jour ?

Jean-Pierre Jollivet : L’association Loir-et-Cher Nature a été à l’origine de cette initiative. Cela a été réalisé avec les autorisations administratives du conseil général de Loir-et-Cher de l’époque pour la réintroduction du castor en Loire. Cela s’est fait sous les auspices scientifiques de l’époque, dirigés par un correspondant scientifique nommé Bernard Richard. La réintroduction s’est basée sur des animaux provenant principalement de la basse vallée du Rhône. Nous sommes allés nous-mêmes piéger ces animaux, il y a 50 ans, à une époque où les temps et les pratiques étaient différents. La basse vallée du Rhône était l’un des rares endroits où l’espèce a subsisté en France, et l’un des six derniers refuges en Europe au début du XXe siècle. En 1974, l’espèce avait déjà regagné une bonne partie du Rhône, entre Lyon et la mer, ainsi que quelques affluents. Au total, sur trois ans, 13 individus ont été réintroduits. Tous n’ont pas participé à la reproduction, mais cela a constitué la base de l’introduction en Loire.

Blois Capitale : Il a fallu recréer un environnement pour permettre son retour puisque sa disparition datait du XVIe siècle en Loire ?

Jean-Pierre Jollivet : Les conditions étaient idéales pour que l’espèce puisse s’adapter : le castor a besoin d’eau, présente en abondance dans la Loire, et de nourriture, comme les feuilles de peupliers et de saules disponibles sur place. Il y avait également la possibilité de construire des terriers, offrant ainsi des conditions d’accueil optimales. Le conseil général a accepté ce projet pour des raisons de patrimoine. Le castor est un élément indigène de notre faune. Par exemple, le nom ‘Beuvron’ évoque étymologiquement la rivière aux castors. Il y avait aussi des motivations scientifiques, car il était devenu rare. Il y avait aussi un aspect pédagogique, car c’était une façon de montrer et de faire comprendre aux enfants que la nature pouvait être réparée et avoir un impact positif.

Blois Capitale : Faut-il toujours préserver l’espèce ? Le castor est-il menacé ?

Jean-Pierre Jollivet : Bien qu’il ne soit plus vraiment menacé, il reste très vulnérable. Si la chasse était réouverte, le castor serait extrêmement en danger car il a disparu de nombreux endroits, et c’est assez facile de le tuer. De plus, il remplit de nombreuses fonctions écologiques importantes pour la biodiversité de son biotope et pour la régulation de la rivière, comme le maintien d’une qualité de l’eau acceptable. Cela justifie la nécessité de le préserver et peut-être de revoir la gestion des rivières à l’avenir.

Blois Capitale : La croissance du nombre de castors a été rapidement satisfaisante ?

Jean-Pierre Jollivet : Elle a commencé dès les premières années. Évidemment, on partait de zéro, et le castor a colonisé progressivement la Loire, non pas en se rapprochant continuellement, mais en effectuant des sauts relativement longs de milieu très favorable en milieu très favorable. Ainsi, il a atteint les départements du Loiret et de l’Indre-et-Loire en seulement quelques années, tout en laissant de larges espaces entre les familles établies. Avec le temps, les populations se densifiant, les territoires moins attractifs pour l’espèce ont été progressivement colonisés. Il y a une dizaine d’années, nous avons constaté l’établissement de familles avec une répartition tous les 2 km environ, car le milieu était capable de les accueillir grâce à l’abondance de nourriture, notamment les peupliers. Aujourd’hui, le fleuve est complètement colonisé depuis l’eau saumâtre jusqu’aux torrents, là où la vitesse de l’eau est trop forte pour accueillir l’espèce. Il est important de noter qu’il y a eu deux réintroductions sur la Loire : la première à Blois en 1974 et une autre, 10 ou 15 ans plus tard, à l’amont d’un barrage infranchissable par l’espèce, dans le département de la Loire. Les populations actuelles de la Loire sont issues de ces deux réintroductions. Les affluents ont également été colonisés petit à petit, y compris le Beuvron ou le Cher. Aujourd’hui, dans le département de Loir-et-Cher, il existe des populations de castors à densité normale sur le Cher, et depuis plusieurs années maintenant, également sur le Loir. Le Loir a pris plus de temps à être colonisé car il fallait remonter jusqu’à Angers.

Blois Capitale : La Loire est-elle aujourd’hui optimale pour les castors ? Les pesticides présents peuvent-ils leur nuire ?

Jean-Pierre Jollivet : Pas tant que ça car il a une fourrure qui le protège de l’eau. Il semble que les castors soient moins sensibles à la pollution que d’autres espèces, comme la loutre. Lors de leur piégeage dans le Rhône, qui n’était pas particulièrement propre à l’époque, il y avait quand même des castors présents.

Blois Capitale : Le castor cohabite bien avec les autres espèces comme le ragondin ?

Jean-Pierre Jollivet : Son comportement est plutôt pacifique, il cherche l’évitement plutôt que le conflit. Cela inclut le ragondin, une espèce introduite d’Amérique du Sud, mais qui coexiste sans problème avec le castor sur des biotopes comme la Loire.

Blois Capitale : En quoi c’est important de faire une « année du castor » et de fêter l’anniversaire de sa réintroduction ?

Jean-Pierre Jollivet : Et pourquoi pas ! C’est le 50e anniversaire et cela a fonctionné ! Nous sommes contents et nous le disons. Et puis parler de la réintroduction du castor est une occasion de mettre en lumière ces problèmes de gestion des rivières et l’impact positif de cette espèce sur son milieu. C’est aussi une manière de reconnaître le rôle du castor, un plus dans l’écosystème, souvent qualifié d’espèce ingénieure, capable de créer des barrages, contrôler l’érosion, et contribuer à l’amélioration de la qualité de l’eau et à l’augmentation de la biodiversité.

castor CDPNE

Le castor, souvent surnommé « l’ingénieur des rivières » en raison de sa capacité à construire des barrages, joue un rôle crucial dans la biodiversité. Sa présence est un indicateur de la santé des écosystèmes aquatiques et contribue à maintenir la diversité biologique des cours d’eau où il est présent.

Voici plusieurs aspects clés de son rôle écologique :

  1. Création de barrages et de zones humides : En construisant des barrages dans les cours d’eau, les castors créent des étangs et des zones humides. Ces nouveaux habitats aquatiques bénéficient à une variété d’espèces qui dépendent de milieux aquatiques pour leur survie, y compris des poissons, des amphibiens, et des oiseaux aquatiques.
  2. Contrôle de l’érosion et régulation des eaux : Les barrages de castors aident à ralentir le flux des rivières, ce qui réduit l’érosion des berges et permet une recharge plus efficace des nappes phréatiques. Cela contribue également à stabiliser le niveau des eaux pendant les périodes de sécheresse et à réduire les crues pendant les saisons de fortes pluies.
  3. Filtration et amélioration de la qualité de l’eau : Les étangs formés par les barrages de castors filtrent les sédiments et les polluants, améliorant ainsi la qualité de l’eau en aval. Cette filtration est bénéfique pour toutes les espèces utilisant ces ressources aquatiques.
  4. Augmentation de la biodiversité : Les écosystèmes créés et modifiés par les castors offrent des niches écologiques pour différentes espèces. En ajoutant de la complexité à l’environnement par la création de divers microhabitats, les castors favorisent une plus grande diversité d’espèces végétales et animales.
  5. Contribution à la régénération forestière : Les activités de coupe et de construction des castors stimulent la régénération de certaines espèces d’arbres. Par exemple, les saules et les peupliers, souvent utilisés par les castors pour leurs constructions, repoussent rapidement, ce qui rajeunit et diversifie la forêt.
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