Johanna Rolland : « Le racisme, on n’est plus assez offensif sur ce sujet »
À la fin du mois de juin, suite au décès d’un jeune homme, Nahel, lors d’un contrôle routier de police à Nanterre, 553 communes françaises ont été touchées par des émeutes. Un tremblement de terre sur le plan social qu’il s’agit d’analyser sereinement.
Lors du Campus socialiste ce vendredi à Blois, une table-ronde intitulée « De quoi les ‘émeutes urbaines’ sont-elles le nom ? » s’est tenue à la Halle aux grains. Johanna Rolland, en tant que Première secrétaire nationale déléguée, maire de Nantes, présidente de la métropole nantaise, et présidente de France urbaine, avait beaucoup à dire.
« Ce que je constate en tant que présidente de France urbaine, c’est qu’en réalité, contrairement à ce qu’on a entendu sur les chaînes d’info continue, les situations ont été extrêmement différentes selon les villes. Pour vous dire ma conviction profonde, je pense qu’il y a eu des situations très protéiformes et que nous devons aborder ces questions avec autant d’humilité que d’ambition », a déclaré Johanna Rolland dans l’hémicycle blésois. « En revanche, je suis convaincue qu’il y a trois fils rouges, quelles que soient les situations observées. Le premier, c’est le rapport aux violences policières. Je fais partie de cette gauche qui assume les questions de sécurité. Je suis pour la défense du pacte républicain. Je pense qu’assumer la sécurité contribue à la bataille pour l’égalité. Mais justement, parce que je fais partie de cette gauche qui assume la sécurité, qui ne dira jamais « la police tue » par exemple, je dis aussi qu’il faut parler de « violence policière » quand elle est présente. Nous devons utiliser ce terme parce qu’il n’y a pas de fatalité. »
Et l’élue poursuit : « Une organisation politique doit faire des propositions politiques. J’en formule une, qui je le sais ne fait pas consensus. Je suis pour l’évaluation de la loi proposée par Cazeneuve. Je fais partie de ceux qui défendent toutes les avancées, mais je crois que là, quand la situation est si grave qu’elle est aujourd’hui, on doit poser des actes en responsabilité. »
« Le racisme, on n’est plus assez offensif sur ce sujet »
Johanna Rolland est également allée sur un territoire quelque peu délaissé : le racisme. « C’est le 2e grand sujet qui, je crois, a été un fil rouge. Contre le racisme on doit se battre à nouveau davantage. C’est la question du racisme. Je crois qu’on n’est plus assez offensif sur ce sujet. La politique est précédée par la bataille culturelle et je vous le dis comme je le ressens dans mes tripes, nous sommes en train de perdre cette bataille culturelle. Alors là aussi, je formule une proposition politique. Là aussi, je sais qu’elle ne fait pas forcément consensus. Moi je suis pour que, quand nous reviendrons au pouvoir, nous mettions en place le récépissé pour les contrôles (dans le cadre d’un contrôle d’identité). On sait tous qu’un jeune blanc n’est quasiment jamais contrôlé, et qu’un jeune arabe ou un jeune noir l’est de manière quasi systématique, disons le, ne nous cachons pas derrière notre petit doigt. Les syndicats de police s’y opposeront. Mais on a besoin d’une police respectueuse et respectée. »
Une bataille culturelle également sur la politique de la Ville
« Et puis enfin le dernier fil rouge, et une dernière proposition politique que je partage. C’est sur les inégalités et la politique de la Ville. Je n’en peux plus d’entendre tout le monde répéter la même chose. Tous les maires ici font de l’urbain et de l’humain, on fait des maisons de santé, on fait des politiques culturelles, on fait des politiques sociales. Et quand on laisse la droite et l’extrême droite dire qu’il y a eu trop d’argent dans la politique de la Ville, on ment aux Français ! C’est moins de 1% du budget de l’État. On aura besoin de courage politique pour le dire. […] Enfin, je crois que nous sommes tombés dans le piège de l’opposition entre la France périphérique et la France des quartiers après la crise des gilets jaunes. Il fallait presque s’excuser d’être devenu.e maire de grande ville. […] Certains peuvent avoir cette idée de dire que c’est la France des riches. Mais la France des métropoles, France urbaine, c’est 2/3 des pauvres de ce pays. Alors quand on répète en permanence que les grandes villes sont riches et que les territoires en gros sont pauvres, d’abord c’est une insulte à une partie des territoires ruraux qui sont en dynamique. Mais c’est aussi dire aux habitants de Nantes, de Montpellier, de Rennes, de Nancy ou de de nos quartiers qu’ils sont invisibles aux yeux de la République ! Notre responsabilité politique et morale, c’est d’aller chercher la France périphérique et la France des quartiers. On ne reviendra aux responsabilités nationales que quand on aura su reconquérir la France périphérique et la France des quartiers. Comme tous les Français en fait, ils attendent deux choses : la protection pour aujourd’hui et de l’émancipation, des perspectives pour l’avenir. Et aujourd’hui, le gouvernement ne leur apporte ni l’un ni l’autre. »
Enfin, selon la maire de Nantes en laissant dire qu’on s’occupe trop des quartiers, on laisse entendre que d’autres Français sont déclassés. Et Johanna Rolland vise la secrétaire d’État chargée de la Ville, Sabrina Agresti-Roubache, qui a donné sa première interview dans le JDD, et qui a parlé de « politique du chéquier ». « C’est une honte, a lancé la socialiste. Dire que c’est la politique du chéquier… »
Ce vendredi, Johanna Rolland, maire de Nantes, a dépeint un tableau complexe de la situation actuelle en France. Face à un contexte national tendu et à des débats souvent polarisés, elle appelle à une approche politique plus responsable, fondée sur le respect mutuel, le courage et une vision à long terme. Ses prises de position soulèvent des questions essentielles sur la direction que prendra la France dans les années à venir, et invitent à une réflexion profonde sur la manière dont les politiques peuvent répondre aux besoins de tous les citoyens.