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La Butte des Capucins : un mystère en plein cœur de Blois

La Butte des Capucins mérite d’intriguer. Ancré au milieu du paysage blaisois depuis des siècles, ce monticule revêt une importance historique, archéologique et culturelle incontestable, et pourtant méconnue du grand public.

Une place au croisement des cultures

L’histoire nous apprend que le val de Blois était autrefois un carrefour majeur pour les tribus celtes. Il était le centre d’une zone de transition entre plusieurs entités politiques et culturelles – les carnutes, turones et bituriges. L’importance stratégique du val est renforcée par la présence de la Loire, cette voie d’eau majeure, qui servait d’axe commercial. Au fil du temps, plusieurs pôles d’occupations se sont développés autour du fleuve, marquant de façon indélébile le paysage local.

La Butte des Capucins : un vestige préhistorique ?

Surplombant la rive droite de la Loire, la Butte des Capucins est l’une des curiosités archéologiques majeures de Blois. Selon certaines interprétations, elle serait une tombe monumentale de la fin du premier âge du Fer. Autrefois repère incontesté en territoire rural, elle est aujourd’hui engloutie par l’urbanisation grandissante de la ville.

Mais que cachait vraiment cette butte ? De nombreuses hypothèses ont circulé : tombeau, autel de sacrifices, observatoire… Les fouilles archéologiques n’ayant rien révélé de concluant, le mystère reste entier.

Légendes et réalités

La butte ne laisse personne indifférent et a su inspirer les récits les plus divers. Une histoire populaire prétendait que Gaston d’Orléans avait commandé l’élévation de cette butte lors d’une période de famine, afin de fournir du travail aux habitants. Une version rapidement démentie par des registres de la ville. Cependant, il est avéré que Gaston d’Orléans a effectivement commandité des travaux sur la butte, comme en témoigne un sonnet de l’époque.

Avec les siècles, la Butte des Capucins a changé de visage et de nom à plusieurs reprises, reflétant ainsi l’évolution culturelle et politique de Blois. De « Butte de la Bienfaisance » au XVIIIème siècle à « Butte de la Montagne » pendant la Révolution, son histoire s’est enrichie de nouvelles strates.

Un patrimoine à redécouvrir

Malgré son intégration à la trame urbaine, la Butte des Capucins reste un témoignage vivant du passé blaisois. Elle a su inspirer des figures littéraires telles que Victor Hugo, qui, dans un élan poétique, la décrit magnifiquement dans « Feuilles d’Automne » :

Louis, quand vous irez, dans un de vos voyages,
Voir Bordeaux, Pau, Bayonne et ses charmants rivages,
Toulouse la romaine, où dans des jours meilleurs
J’ai cueilli tout enfant la poésie en fleurs,
Passez par Blois. — Et là, bien volontiers sans doute,
Laissez dans le logis vos compagnons de route,
Et tandis qu’ils joueront, riront ou dormiront,
Vous, avec vos pensers qui haussent votre front,
Montez à travers Blois cet escalier de rues
Que n’inonde jamais la Loire au temps des crues ;
Laissez là le château, quoique sombre et puissant,
Quoiqu’il ait à la face une tache de sang ;
Admirez, en passant, cette tour octogone
Qui fait à ses huit pans hurler une gorgone ;
Mais passez. — Et sorti de la ville, au midi,
Cherchez un tertre vert, circulaire, arrondi,
Que surmonte un grand arbre, un noyer, ce me semble,
Comme au cimier d’un casque une plume qui tremble.

Vous le reconnaîtrez, ami, car, tout rêvant,
Vous l’aurez vu de loin sans doute en arrivant.

Sur le tertre monté, que la plaine bleuâtre,
Que la ville étagée en long amphithéâtre,
Que l’église, ou la Loire, et ses voiles aux vents,
Et ses mille archipels plus que ses flots mouvants,
Et de Chambord là-bas au loin les cent tourelles
Ne fassent pas voler votre pensée entre elles.
Ne levez pas vos yeux si haut que l’horizon,

Regardez à vos pieds. —

Louis, cette maison
Qu’on voit, bâtie en pierre et d’ardoise couverte,
Blanche et carrée, au bas de la colline verte,
Et qui, fermée à peine aux regards étrangers,
S’épanouit charmante entre ses deux vergers,
C’est là. — Regardez bien. C’est le toit de mon père.
C’est ici qu’il s’en vint dormir après la guerre,
Celui que tant de fois mes vers vous ont nommé,
Que vous n’avez pas vu, qui vous aurait aimé !

Alors, ô mon ami, plein d’une extase amère,
Pensez pieusement, d’abord à votre mère,
Et puis à votre sœur, et dites : « Notre ami
Ne reverra jamais son vieux père endormi !

« Hélas ! il a perdu cette sainte défense
Qui protège la vie encore après l’enfance,
Ce pilote prudent, qui pour dompter le flot
Prête une expérience au jeune matelot !
Plus de père pour lui ! plus rien qu’une mémoire !
Plus d’auguste vieillesse à couronner de gloire !
Plus de récits guerriers, plus de beaux cheveux blancs
À faire caresser par les petits enfants !
Hélas ! il a perdu la moitié de sa vie,
L’orgueil de faire voir à la foule ravie
Son père, un vétéran, un général ancien !
Ce foyer où l’on est plus à l’aise qu’au sien,
Et le seuil paternel qui tressaille de joie
Quand du fils qui revient le chien fidèle aboie !

« Le grand arbre est tombé ! resté seul au vallon,
L’arbuste est désormais à nu sous l’aquilon.
Quand l’aïeul disparaît du sein de la famille,
Tout le groupe orphelin, mère, enfants, jeune fille,
Se rallie inquiet autour du père seul

Que ne dépasse plus le front blanc de l’aïeul.
C’est son tour maintenant. Du soleil, de la pluie,
On s’abrite à son ombre, à sa tige on s’appuie.
C’est à lui de veiller, d’enseigner, de souffrir,
De travailler pour tous, d’agir, et de mourir !
Voilà que va bientôt sur sa tête vieillie
Descendre la sagesse austère et recueillie ;
Voilà que ses beaux ans s’envolent tour à tour,
Emportant l’un sa joie et l’autre son amour,
Ses songes de grandeur et de gloire ingénue,
Et que pour travailler son âme reste nue,
Laissant là l’espérance et les rêves dorés,
Ainsi que la glaneuse, alors que dans les prés
Elle marche, d’épis emplissant sa corbeille,
Quitte son vêtement de fête de la veille !
Mais le soir, la glaneuse aux branches d’un buisson
Reprendra ses atours, et chantant sa chanson
S’en reviendra parée, et belle, et consolée ;
Tandis que cette vie, âpre et morne vallée,
N’a point de buisson vert où l’on retrouve un jour
L’espoir, l’illusion, l’innocence et l’amour !

« Il continuera donc sa tâche commencée,
Tandis que sa famille, autour de lui pressée,
Sur son front, où des ans s’imprimera le cours,
Verra tomber sans cesse et s’amasser toujours,
Comme les feuilles d’arbre au vent de la tempête,
Cette neige des jours qui blanchit notre tête !

« Ainsi du vétéran par la guerre épargné,
Rien ne reste à son fils, muet et résigné,
Qu’un tombeau vide, et toi, la maison orpheline
Qu’on voit blanche et carrée au bas de la colline,
Gardant, comme un parfum dans le vase resté,
Un air de bienvenue et d’hospitalité !

« Un sépulcre à Paris ! de pierre ou de porphyre,

Qu’importe ! Les tombeaux des aigles de l’empire
Sont auprès. Ils sont là tous ces vieux généraux
Morts un jour de victoire en antiques héros,
Ou, regrettant peut-être et canons et mitraille,
Tombés à la tribune, autre champ de bataille.
Ses fils ont déposé sa cendre auprès des leurs,
Afin qu’en l’autre monde, heureux pour les meilleurs,
Il puisse converser avec ses frères d’armes.
Car sans doute ces chefs, pleurés de tant de larmes,
Ont là-bas une tente. Ils y viennent le soir
Parler de guerre ; au loin, dans l’ombre, ils peuvent voir
Flotter de l’ennemi les enseignes rivales ;
Et l’empereur au fond passe par intervalles.

« Une maison à Blois ! riante, quoique en deuil,
Élégante et petite, avec un lierre au seuil,
Et qui fait soupirer le voyageur d’envie
Comme un charmant asile à reposer sa vie,
Tant sa neuve façade a de fraîches couleurs,
Tant son front est caché dans l’herbe et dans les fleurs !

« Maison ! sépulcre ! hélas, pour retrouver quelque ombre
De ce père parti sur le navire sombre,
Où faut-il que le fils aille égarer ses pas ?
Maison, tu ne l’as plus ! tombeau, tu ne l’as pas ! »

Sources : travaux de Fichtl, Parisse, Linger-Riquier, Troubady, Jousset, Barthélemy-Sylvand, Aubourg, Blanchard, Nourrisson, Dupré, Bergevin.

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