Le CESER Centre-Val de Loire dénonce un amendement du Sénat menaçant les conseils de développement

Le 10 juin 2025, à l’occasion de l’examen d’un texte sur le pouvoir préfectoral, le Sénat a adopté un amendement gouvernemental permettant aux intercommunalités de plus de 50 000 habitants d’être dispensées de l’obligation de créer un conseil de développement. Un changement discret mais jugé alarmant par de nombreux acteurs engagés dans la démocratie locale.
Adopté dans la relative discrétion de la commission des lois du Sénat, l’article 4 ter de la proposition de loi visant à « renforcer le pouvoir préfectoral pour adapter les normes aux réalités des territoires » a introduit une mesure inattendue : la possibilité pour un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) de plus de 50 000 habitants de se soustraire à l’obligation légale de mettre en place un conseil de développement. Cette dérogation, subordonnée à un accord préfectoral, transforme une disposition jusque-là impérative en clause optionnelle.
Cette évolution a suscité des réactions immédiates dans les réseaux concernés, à commencer par la Coordination nationale des conseils de développement (CNCD), qui a exprimé sa vive inquiétude. Les conseils de développement, instances locales consultatives associant des citoyens et représentants de la société civile, avaient été rendus obligatoires dans les grandes intercommunalités par la loi Notre de 2015, puis confirmés par la loi « Engagement et Proximité » de 2019. Ils constituent l’un des rares espaces formalisés de démocratie participative à l’échelle intercommunale.
Une mise à l’écart silencieuse de la société civile
L’amendement a été déposé par le Gouvernement et intégré au texte sans débat parlementaire approfondi, lors de son passage en commission au Sénat. Justifié par une volonté de « simplification administrative » et d’« adaptation aux réalités locales », il intervient dans un contexte plus large de recentralisation perçue, marqué notamment par des menaces de suppression ou de redimensionnement de plusieurs organes consultatifs, comme le Conseil économique, social et environnemental (CESE) ou les CESER régionaux.
C’est ce que souligne Pierre Allorant, président du CESER Centre-Val de Loire dans un communiqué : « Cette disposition, s’inscrivant peu après les menaces de suppression du CESE et des CESER, va venir à nouveau entraver l’expression de la société civile organisée, pourtant plus que jamais indispensable à la bonne santé de notre démocratie fragilisée par la crise de défiance envers les élus. »
Pour lui, la remise en cause de ces instances participatives locales est symptomatique d’une logique plus générale de marginalisation des corps intermédiaires. Il défend une conception de la démocratie fondée sur la complémentarité entre les élus et les citoyens organisés : « C’est par l’écoute et la prise en compte des aspirations des citoyens et des corps intermédiaires que la démocratie représentative et la République décentralisée pourront retrouver le chemin de la confiance envers les politiques publiques. »
Prochaine étape : l’Assemblée nationale
Le texte de loi, amendé par le Sénat, doit désormais être examiné par l’Assemblée nationale. Les défenseurs des CoDev espèrent que les députés reviendront sur cette disposition, qu’ils considèrent comme contraire aux principes d’une gouvernance territoriale partagée. Pour l’heure, l’inquiétude demeure, dans un climat général marqué par la remise en question de plusieurs instances consultatives, tant à l’échelle nationale que régionale.
Lors des discussions en commission des lois du Sénat, plusieurs sénateurs se sont ouvertement interrogés sur la pertinence de cet amendement. Pierre-Alain Roiron a notamment souligné le rôle essentiel des conseils de développement dans l’équilibre démocratique des territoires. Guillaume Gontard, pour sa part, a ironisé : « Je ne vois pas bien en quoi simplifier la participation citoyenne consiste à supprimer ce qui existe. » Ces interventions, bien que minoritaires, témoignent d’un malaise face à ce qui est perçu par certains comme une dérive technocratique.
Le Gouvernement justifie de son côté cette mesure par une volonté donc de « simplification administrative », inscrite dans le prolongement des recommandations du « Roquelaure de la simplification », présenté le 28 avril 2025. Il s’agirait, selon l’exécutif, de permettre aux élus locaux une gouvernance plus souple et adaptée aux spécificités de leurs territoires. Mais pour les acteurs engagés dans la participation citoyenne, cette souplesse risque surtout de se traduire, à terme, par une mise en sommeil de l’écoute organisée des habitants.