Le marché couvert de Blois : une histoire urbaine et commerciale

Longtemps, Blois fut une ville-marché, centrée sur la circulation des produits agricoles et la tenue régulière de foires et de marchés en plein air. Jusqu’au début du XIXe siècle, les échanges s’effectuent à ciel ouvert, dans une ville encore peu transformée par la modernité. En 1819, dans un contexte de recomposition du tissu urbain, la municipalité décide de créer une halle aux légumes, premier marché couvert implanté à l’est de l’actuelle place Louis-XII, sur l’ancienne place des Boucheries. Ce bâtiment en bois, modeste mais fonctionnel, marque une première tentative de canaliser l’activité marchande dans un espace dédié.
Mais très vite, les limites de cette halle vieillissante apparaissent. Dès les années 1860, un projet de reconstruction plus ambitieux est confié à Jules-Édouard Potier de La Morandière, architecte, qui dessine les plans d’un marché métallique inspiré de ceux que l’on commence à voir fleurir à Paris et dans les grandes villes de province. Ce projet ne verra cependant jamais le jour.
Un marché de fonte et d’ardoise
Il faut attendre les années 1890 pour que la ville se dote enfin d’un véritable marché moderne. En 1896, l’architecte Albert Renou, figure locale du bâti public, conçoit une vaste halle métallique, réalisée avec le concours d’un constructeur parisien, la maison Michelin (sans lien avec l’entreprise de pneumatiques). L’édifice, rectangulaire, est construit en fonte, fer et bois, et couvert d’ardoises. Il s’intègre dans le paysage de la place Louis-XII comme un signal fort de la modernité architecturale et commerciale.

Cette halle métallique devient très vite le cœur battant de la ville basse. On y vend tout ce qui se mange, tout ce qui s’échange : viandes, volailles, poissons, légumes de saison, mais aussi les mots hauts. Les Blésois y accourent les jours de marché, dans une atmosphère bruyante et vivante. La structure en métal, avec ses colonnes élancées, sa charpente ajourée, est un espace social.
Le cataclysme de 1940
En juin 1940, Blois est violemment frappée par les bombardements allemands et les combats consécutifs à la percée de la Wehrmacht à travers la Loire. La ville basse, de part et d’autre du pont, offre un spectacle de désolation, décrit avec force par Hubert-Fillay : « Depuis le château de Blois jusqu’après la mairie, la ville basse semble avoir été secouée par un tremblement de terre, par un cataclysme qui l’a disloquée, pilonnée et couchée dans le néant. » Mais au cœur de ce champ de ruines, la place Louis-XII présente une exception notable. Le 1er juillet, les décombres fument encore, une odeur pestilentielle plane, et pourtant, la fontaine Louis-XII demeure à peu près intacte. À ses côtés, trois édifices échappent à la destruction : le théâtre, l’école Louis-XII et le marché couvert.
« Il ne reste seulement là, du passé, que la Fontaine Louis XII, à peu près intacte. À côté, le Théâtre, l’École Louis XII, le Marché couvert ont échappé, par hasard, à la mort. » – H. Fillay
Le marché couvert ne fut donc pas détruit en juin 1940. Ce n’est qu’au début des années 1960, dans le cadre de la reconstruction du quartier, que la halle métallique fut volontairement démolie, en 1962, pour laisser place à une nouvelle structure à l’angle des rues Anne-de-Bretagne et des Jacobins. Bâtie en béton, cette structure massive répond aux exigences d’hygiène et de modernité de l’époque, mais sans retrouver l’âme de la halle métallique disparue. Elle héberge temporairement des commerçants pour certains déjà installés en boutique, mais la montée de la grande distribution vient peu à peu vider les étals. Le bâtiment devient alors un restaurant universitaire, marquant la fin d’un cycle historique.

Avant un nouveau cycle ? Une future halle maraîchère alimentaire – d’environ 1 300 m² – est la « pierre angulaire du projet Saint-Vincent remanié. » Elle pourrait voir le jour à l’été 2028.