Les aiguilles du temps : l’ascension et le déclin des Cuper, maîtres horlogers de Blois
L’ascension et le déclin de la famille Cuper – horlogers de père en fils de 1553 à 1804 – racontent une partie de l’histoire de Blois. Redécouvrir la saga de cette famille ancrée dans la société bourgeoise protestante blésoise est donc intéressante.
L’heure de gloire des Cuper
Au XVIe siècle, Blois devint une ville effervescente d’activité, avec un essor considérable des métiers de l’artisanat d’art, sous l’influence du roi Louis XII. La famille Cuper, originaire de Blois et active de 1553 à 1804, connut cette croissance florissante, s’inscrivant dans la bourgeoisie marchande aux côtés d’autres artisans locaux, suisses, hollandais et allemands.
Les Cuper se sont distingués notamment par leurs travaux d’horlogerie d’exception. Le Musée du Louvre possède une montre ovale attribuée à Paul Cuper, actif à la fin du XVIe siècle, et le Musée Paul-Dupuy à Toulouse expose une horloge de table datée de la même période. L’impact de cette famille d’horlogers fut tel qu’elle influença considérablement le paysage artistique de Blois et au-delà.
La cadence du temps : déclin et crise
Cependant, la fin du XVIIe siècle marqua un tournant avec le départ progressif de la cour royale de Blois, conséquence des conflits religieux engendrés par l’Édit de Fontainebleau d’octobre 1685. Cette transition eut un impact considérable sur l’artisanat de Blois, dont le déclin s’installa progressivement. Seuls quelques rares ateliers d’horlogerie subsistèrent, dont celui des Cuper.
Simon Cuper, l’unique horloger restant de la famille à la fin du XVIIe siècle, vit son travail immortalisé par une montre à foliot, conservée au British Museum. Toutefois, malgré ces réussites artistiques, la famille Cuper fut confrontée à l’érosion de son patrimoine en raison de l’échec d’opérations commerciales et financières, ainsi que des confiscations liées à la révocation de l’Édit de Nantes.
La fièvre révolutionnaire pour finir
La Révolution française a profondément marqué la famille Cuper, décimée. Paul Vincent, le patriarche de la famille, a été emprisonné, entraînant une vague de désespoir qui a balayé la famille. Son deuxième fils, Simon, a fui l’atmosphère tumultueuse de la France pour s’installer à Saint-Domingue.
Paul Claude, l’un des fils de Paul Vincent, a été jugé par le tribunal révolutionnaire et condamné à mort comme contre-révolutionnaire, le 3 juillet 1794. Il avait seulement 26 ans. Paul Claude, dont le destin a été scellé par la guillotine, a laissé une image troublante. Les archives privées de son frère Simon le décrivent comme « dément ». Son interrogatoire avant sa condamnation confirme cette description. Arrêté pour avoir été trouvé sur la route sans passeport, Paul Claude déclara, lors de son interrogatoire à Meaux, qu’il était en route pour commander des troupes à Orléans, ayant été appelé en tant que « général des armées françaises, nommé par Louis XV après avoir fait prisonnier le roi du Maroc ». À l’accusation d’avoir jeté sa cocarde tricolore, il répliqua qu’il préférait la blanche et s’écria « Vive le roi, vive la reine, vive la République ». Sa confusion était évidente. Il aurait dû être conduit à l’asile plutôt qu’à l’échafaud, mais la Révolution n’a pas pour habitude d’être clémente. De nombreux innocents et des personnes atteintes de troubles mentaux ont trouvé la mort sous le couperet de la guillotine. Paul Claude Cuper en était un exemple tragique.
Les malheurs ne se sont pas arrêtés là pour la famille Cuper. Le plus jeune fils, également nommé Paul Vincent, est décédé le 7 mai 1795 à Blois, à l’âge de 21 ans. Incapable de supporter le chagrin accumulé, la mère de la famille est décédée à son tour, le 2 février 1802.
Il ne restait plus que deux fils à Paul Vincent. Simon revint à Blois et devint receveur des contributions directes. Louis Augustin, quant à lui, perpétua l’héritage familial en devenant horloger, comme son père et les nombreux hommes de la lignée Cuper avant lui.
Une mémoire inséparable de Blois
La famille Cuper a traversé les siècles en parallèle à la ville de Blois. D’un statut de capitale marchande à une ville plus modeste, l’évolution de Blois s’est reflétée dans la fortune des Cuper. Les différents membres de la famille, qui ont tenu un rôle majeur dans les conflits religieux à la fin du XVIe siècle, subirent les conséquences de leur implication dans les différentes institutions de la ville. Jusqu’à la Révolution.
Au total, seize horlogers de la famille Cuper ont contribué à la richesse artisanale de Blois, illustrant parfaitement les dynamiques d’ascension sociale et de déclin sous l’Ancien Régime. Leur histoire, intrinsèquement liée à celle de Blois, illustre la gloire passée de l’artisanat d’art du Val de Loire.