DécouvrirStyle de vieVie locale

Les apéros de la mort : un espace de parole pour briser les tabous

Depuis septembre 2022, à Blois, un événement singulier s’organise régulièrement : les apéros de la mort. Portés par Laetitia Gauthier – accompagnante dans la maladie, la fin de vie et ou le deuil – et Sofia Bataillefondatrice de l’entreprise funéraire Memorys – ces rencontres visent à ouvrir la parole sur un sujet encore largement tabou dans notre société : la mort.

Une initiative nationale adaptée localement

Le concept des apéros de la mort a été développé au niveau national par l’association Happy End, qui a déposé cette appellation sous copyright. À Blois, l’initiative a pris forme grâce à l’engagement de Laetitia et Sofia, qui ont choisi d’organiser ces rencontres dans des lieux accueillants. « C’est agréable et chaleureux. C’est aussi l’occasion de se retrouver dans un cadre convivial », souligne Laetitia, à propos de Roses et Sens, où se passera le prochain rendez-vous le jeudi 6 février 2025. Bien que proches dans l’esprit, les apéros de la mort se distinguent des « cafés mortels », un concept similaire mais plus flexible.


Une démarche accessible à toutes et tous

Les apéros de la mort sont ouverts à un large public, sans distinction d’âge ni de situation. « C’est pour tout le monde, c’est vraiment ouvert à tous », insiste Sofia Bataille. On retrouve des personnes en deuil, mais aussi des individus qui s’interrogent sur la mort, parfois sans y avoir été confrontés directement. Laetitia Gauthier cite l’exemple d’un groupe de jeunes venus assister à une séance : « J’ai l’exemple de jeunes qui disaient : « On voit bien que nos grands-parents commencent à vieillir et on voudrait savoir comment ça fait quand on perd un membre de sa famille. » » Ces échanges ont permis à ces jeunes de réfléchir à leur rôle futur. En sortant, il disaient : « Pour nous, les petits-enfants ce sera peut-être finalement différent. Mais comment pourrons nous aider nos parents et que vont-ils ressentir ? »

Un cadre libre et bienveillant

Les apéros de la mort ne suivent aucun format rigide. « Il n’y a pas de thème imposé », explique Laetitia. Le déroulement commence généralement par un tour de table où chacun se présente et explique brièvement pourquoi il est venu. À partir de là, les discussions s’enchaînent naturellement. « Je pose des règles de parole au début. Je réexplique un petit peu pourquoi ils sont là, mais que c’est totalement libre. » Laetitia joue aussi un rôle de « gardienne du temps », veillant à ce qu’aucun participant ne monopolise la parole. « Une fois que ce cadre est posé, généralement, ça marche bien. Les échanges vont un peu se répondre en ping-pong. »

La liberté est totale : les participants ne sont pas obligés de s’exprimer. « Il peut y avoir des personnes qui ne parlent pas. Moi, je leur pose toujours un petit peu la question en disant : ‘Est-ce que vous avez envie de vous exprimer ?’ Et parfois, non. Mais en fait, elles viennent juste s’enrichir des discussions qui sont là. »

Entre rires et larmes : briser les tabous

Contrairement à ce que le nom pourrait laisser penser, les apéros de la mort ne sont pas des moments lugubres. Les émotions qui y émergent sont variées, allant des larmes aux rires. « Il peut y avoir des pleurs, des larmes d’ailleurs – il y a toujours le paquet de mouchoirs – et ça, je leur dis. Mais voilà, les émotions sont bienvenues. » Laetitia raconte que certaines personnes partagent des anecdotes qu’elles n’avaient jamais osé raconter ailleurs, comme « s’être bourré la gueule à l’enterrement de la grande-tante ». Ce genre de moments permet aux participants de se libérer et de relativiser.

Des expériences riches et diversifiées

Les apéros de la mort accueillent des personnes aux parcours très variés. Parmi eux, des malades venus partager leurs réflexions sur leur propre mort. Ces discussions touchent souvent à des problématiques profondes, comme l’incertitude liée à la récidive ou les changements physiques et psychologiques post-maladie. Ces échanges sont souvent très enrichissants : « Ce qui est impressionnant, jusqu’ici, c’est qu’à chaque séance, sans que les personnes ne se connaissent, il y a un lien. Je ne sais pas comment l’expliquer. »

Laetitia Gauthier

Le rôle crucial de la parole dans le deuil

Pour Sofia Bataille, l’un des objectifs principaux des apéros est de briser la solitude ressentie par de nombreuses personnes en deuil. « La solitude est vraiment l’élément principal », affirme-t-elle. Ce besoin de parler, souvent inassouvi dans le cadre familial ou professionnel, trouve un espace d’expression dans ces rencontres. Elle donne l’exemple d’une mère ayant perdu son enfant : « Son mari n’a aucune envie d’en parler, alors qu’elle, elle a besoin de parler de son fils, mais tout le temps. » Ces rencontres permettent également de travailler sur des émotions complexes, comme la culpabilité, qui revient fréquemment chez les endeuillés. « Beaucoup de personnes se sentent coupables parce qu’elles n’ont pas pu dire certaines choses, ou parce qu’elles pensent qu’elles auraient dû faire autrement. »

Des rencontres encadrées et limitées

Chaque séance est limitée à dix participants, afin de garantir un espace d’expression pour tous. À côté des apéros, Laetitia propose également des cercles de parole plus ciblés, ainsi que des ateliers thématiques. Les fêtes de fin d’année, par exemple, sont une période particulièrement difficile pour de nombreuses personnes endeuillées. « Noël et le Nouvel An, c’est un moment d’échange, de retrouvailles familiales. Mais pour certains, l’absence d’un être cher se fait encore plus ressentir, » observe Sofia Bataille.

Un succès grandissant pour une initiative essentielle

Les apéros de la mort rencontrent un véritable succès à Blois. « Il y a un besoin, un grand besoin de parler, et de se sentir légitime en fait. » En offrant un espace où la mort peut être abordée librement, Laetitia Gauthier et Sofia Bataille contribuent à briser les tabous, à apaiser les cœurs et à rappeler que parler de la mort, c’est aussi célébrer la vie.

l'amour qui s'éprouve

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page
Blois Capitale

GRATUIT
VOIR