[Podcast JBEL] Nicolas Orgelet explique le plan d’autonomie énergétique d’Agglopolys

C’est depuis un jardin blésois que le podcast Le journal de bord d’un élu local se penche sur un projet ambitieux. Dans le 144e épisode, Nicolas Orgelet, élu communautaire, entouré de Gaël Point Bernard à la coanimation et de Candice Menant-Fernandez, assistante du groupe Blois Naturellement, annonce sans détour la couleur : « le plan énergie va permettre l’autonomie énergétique de l’agglomération, rien que ça ». Derrière cette formule presque bravache, se déploie une véritable politique publique en construction, votée par les élus d’Agglopolys et pensée comme une réponse structurelle aux crises énergétiques contemporaines. Ce long processus de concertation, mené auprès des 43 communes de l’intercommunalité, traduit une inflexion majeure des priorités locales en matière de transition écologique.
Une autonomie énergétique à construire : entre sobriété et production locale
« Aujourd’hui, on est très largement dépendants du pétrole, que l’on ne produit évidemment pas sur le territoire d’Agglopolys », pose d’entrée Nicolas Orgelet. Dès lors, viser l’autonomie énergétique, c’est se donner pour objectif de réduire massivement sa consommation d’énergie tout en assurant localement la production de ce qui continue à être consommé. Le concept n’est pas nouveau, mais l’élan donné par l’agglomération l’est assurément : « c’est une ambition très forte, qui suppose un mix énergétique pensé à l’échelle du territoire. »
Ce mix repose sur plusieurs sources renouvelables : solaire thermique, solaire photovoltaïque, bois énergie, méthanisation, géothermie… Il ne s’agit pas d’appliquer mécaniquement les objectifs nationaux ou régionaux tels qu’ils sont déclinés dans le SRADDET (Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires), mais bien d’adapter les moyens à la réalité paysagère, sociale et politique du territoire. Ainsi, explique l’élu écologiste, « un territoire très forestier n’a pas le même mix énergétique qu’un territoire comme la Beauce. En Sologne, on développera davantage la filière bois, tandis qu’en Beauce, l’éolien a plus de potentiel. »
Ce refus d’un schéma centralisé et prescriptif se double d’un souci de cohésion démocratique : la transition énergétique ne saurait être imposée, elle doit être construite collectivement, « pour engager tout le monde dans cette transition ». C’est dans cette logique que l’agglomération a engagé une série d’ateliers avec les 43 maires des communes membres, représentant quelque 107 000 habitants.
Trois ateliers pour fédérer : pédagogie, projection, territorialisation
La méthode repose sur une triple séquence. Le premier atelier a consisté en une phase de sensibilisation : présentation des chiffres de consommation du territoire, ventilation par type d’énergie, mise en évidence des secteurs les plus consommateurs – l’habitat et les transports en tête. Pour rendre le tout intelligible, les équipes se sont appuyées sur les outils pédagogiques de l’ADEME et du projet Life, déjà présentés dans un précédent épisode avec Jérémy Godet (Énergie, osons la transition, épisode 67).
Le deuxième temps s’est appuyé sur la démarche TEPOS (Territoire à énergie positive) développée par l’association Négawatt. Il s’agissait cette fois de projeter les communes à un horizon jugé atteignable : 2032, soit la fin du mandat actuel prolongée d’un mandat supplémentaire. « On s’est dit que 2050, c’est trop loin. Personne ne se projette. 2032, c’est concret », justifie Nicolas Orgelet. Par un jeu de gommettes symbolisant des mégawatts économisés ou produits, les élus ont été amenés à identifier les actions concrètes qu’ils pouvaient soutenir : rénovation de maisons individuelles ou collectives, développement de l’autopartage, adaptation des usages.
Certaines réactions ont été vives : « Il y a beaucoup de maires qui ont dit : « mais c’est impossible votre truc » », raconte l’écologiste. Pourtant, l’exercice a permis une première prise de conscience : la production d’énergie renouvelable seule ne suffira pas ; la sobriété énergétique doit être au cœur du projet. Cela suppose notamment de revoir à la hausse les ambitions de rénovation thermique : « quelques centaines de logements rénovés sur un mandat, ce n’est pas à la bonne échelle. »
Le troisième atelier, plus opérationnel, a permis de cartographier concrètement les potentiels locaux. Chaque maire a été invité à positionner sur une carte les efforts de sobriété et de production qu’il était prêt à engager sur sa commune. Résultat : une territorialisation des enjeux qui a fait émerger plusieurs constantes. Le photovoltaïque en toiture ou sur parking est bien accepté ; à l’inverse, le photovoltaïque au sol ou les éoliennes rencontrent une opposition persistante. La géothermie, la méthanisation et la filière bois obtiennent un accueil favorable.
Une politique structurée : du cadastre solaire aux tickets énergie
Au terme de ce processus, l’agglomération a formalisé un plan énergie en deux volets : une stratégie publique d’orientation des politiques locales, et une feuille de route transparente à destination des habitants et des entreprises. Le but : permettre à chacun de s’inscrire dans la dynamique commune.
Un cadastre solaire a été mis en ligne sur le site d’Agglopolys : tout citoyen peut y entrer son adresse pour connaître le potentiel d’exposition de sa toiture, estimer le coût d’une installation photovoltaïque, la rentabilité attendue et le temps de retour sur investissement. L’outil s’adresse aussi bien aux particuliers qu’aux entreprises.
Pour lutter contre les dérives commerciales, une liste d’entreprises locales RGE a été constituée. Les professionnels référencés ont signé une charte avec l’agglomération, garantissant leur fiabilité. « Une des raisons du plan énergie, c’est que beaucoup d’élus étaient sur-sollicités par des opérateurs qui leur vendaient des projets dont ils ne savaient pas s’ils étaient fiables. On a décidé de reprendre la main », précise Nicolas Orgelet.
Parallèlement, un dispositif baptisé « ticket énergie » est lancé à destination des entreprises. Sur la base du volontariat, celles-ci pourront bénéficier d’un accompagnement par des experts sur trois axes : sobriété énergétique (process industriels, isolation), production d’énergie (photovoltaïque, récupération de chaleur, etc.), et réduction de la pollution lumineuse nocturne. Ce dernier point est rarement traité, mais représente un enjeu écologique fort, notamment pour la biodiversité.
Coopération énergétique : vers l’autoconsommation collective
L’agglomération entend aussi encourager l’autoconsommation collective. Certaines entreprises disposent de terrains ou de toitures permettant la production d’énergie, mais ne consomment que peu. D’autres, au contraire, ont une forte demande sans foncier disponible. L’idée est de créer des sociétés de coopération énergétique entre acteurs économiques locaux : « celui qui vend, vend à un prix plus intéressant qu’EDF, et celui qui achète, achète aussi à un prix plus avantageux. C’est du circuit court. »
Mais l’intérêt dépasse la seule économie : « cela crée de la coopération entre entreprises, ça les rapproche, et ça lutte aussi contre les logiques de délocalisation. Quand les entreprises commencent à se parler, elles sont moins tentées de partir », défend le blésois.
Du Jeu de Paume à la piscine Tournesol
La collectivité elle-même entend montrer l’exemple. Plusieurs projets sont lancés : la rénovation énergétique de la piscine Tournesol, particulièrement énergivore ; la mise en place d’ombrières photovoltaïques sur le parking du Jeu de Paume à Blois, en autoconsommation pour les équipements voisins (Jeu de Paume, hôtel d’agglomération).
Une navette gratuite viendra compléter le dispositif, reliant le parking à la cité administrative aux heures de pointe, afin de réduire l’usage de la voiture en centre-ville. Des box à vélos sécurisés sont prévus. Le parking relais pourra également servir le samedi aux consommateurs du centre-ville. Un second site est envisagé au Parc Expo, côté sud de la Loire.
Une stratégie de fond, un engagement local
Ce plan énergie engage un véritable changement d’échelle. Il combine sobriété, relocalisation des productions, appui aux entreprises, accompagnement des citoyens, et exemplarité publique. Il se fonde sur une concertation patiente et rigoureuse avec les élus locaux et les acteurs économiques, dans un esprit de responsabilité collective. Tout cela – et plus encore – est à écouter dans ces deux nouveaux épisodes.
Crédits des podcasts « Journal de Bord d’un élu local »
- Élu : Nicolas Orgelet,
- Vice-président de l’agglomération de Blois en charge de la transition écologique et énergétique, du Plan climat air énergie, de la biodiversité, des paysages, de la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondation, du paysage
- Conseiller municipal de Blois et co-Président du groupe politique écologiste à la municipalité de Blois
- Suivi de projet – montage : Gaël Point Bernard
- Musique originale : Clément Oury
- Partenaires : StudioZef et Blois Capitale.