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Sexisme en France : les chiffres d’un phénomène persistant

Le Baromètre sexisme 2024, réalisé par Toluna Harris Interactive pour le Haut Conseil à l’Égalité (HCE), met en lumière une société où les inégalités de genre restent profondément ancrées. Si certains indicateurs montrent des progrès, notamment dans le monde du travail, d’autres soulignent une persistance inquiétante du sexisme, notamment dans la sphère intime et les représentations sociales.

Menée auprès de 3 207 personnes âgées de 15 ans et plus, cette enquête révèle que 76 % des Français estiment que des inégalités entre les sexes persistent dans le monde du travail, un chiffre en léger recul d’un point par rapport à l’an dernier. Dans l’espace public, cette perception est en hausse, avec 71 % des sondés qui reconnaissent des inégalités dans la rue et les transports (+2 points), tandis que 70 % dénoncent un déséquilibre dans le monde politique (+2 points) et 67 % dans le sport (-1 point).

L’écart de perception entre les sexes reste significatif : les femmes sont entre 5 et 20 points plus nombreuses que les hommes à reconnaître ces inégalités, notamment dans les médias (18 points d’écart), la vie familiale (19 points), le monde politique (17 points) et le travail (15 points).

Un rejet des formes les plus visibles du sexisme

Les situations impliquant une pression ou une violence sexiste suscitent une condamnation quasi unanime. 96 % des Français réprouvent l’idée qu’un homme puisse insister pour obtenir un rapport sexuel en échange d’une promotion (+5 points), et ils sont aussi 96 % à être révoltés lorsqu’un homme gifle sa conjointe (+3 points). Dans l’espace public, 88 % des sondés sont dérangés par les sifflements dans la rue (+4 points), et 86 % jugent inacceptable qu’un homme insiste pour obtenir une relation sexuelle avec sa conjointe (+4 points).

D’autres formes plus insidieuses de sexisme sont également dénoncées, bien que dans une moindre mesure. 81 % des Français jugent problématiques les commentaires déplacés sur les réseaux sociaux (stable), 72 % trouvent inapproprié qu’un homme critique la tenue vestimentaire d’une femme (+3 points), et 65 % considèrent les blagues sexistes comme révoltantes (+3 points, mais seulement 52 % des hommes partagent cet avis).

Des stéréotypes persistants et des expériences sexistes encore trop fréquentes

Malgré ces rejets affirmés, trois Français sur quatre (75 %) estiment encore que les hommes doivent protéger les femmes, un avis partagé par 70 % des femmes elles-mêmes. 60 % considèrent que les femmes sont naturellement plus douces, tandis que 45 % jugent normal qu’un homme paie l’addition au premier rendez-vous.

Dans la vie quotidienne, 86 % des femmes déclarent avoir déjà été confrontées à une situation sexiste, qu’il s’agisse de remarques, de comportements oppressifs ou d’agressions. 57 % d’entre elles rapportent avoir été moins bien traitées dans la rue ou les transports (-2 points), et 50 % évoquent des discriminations au sein de leur propre foyer (-2 points).

Le monde professionnel reste un terrain majeur des inégalités, mais quelques signes d’amélioration se dessinent. 33 % des femmes estiment avoir été discriminées dans leur orientation professionnelle (-7 points), 41 % dans leur travail (-5 points), et 21 % ont constaté un écart de salaire avec un collègue masculin (-3 points).

Des tensions préoccupantes dans le domaine de l’intime

Un des résultats les plus alarmants de cette enquête concerne la sphère intime et la sexualité. Une femme sur trois (33 %) indique avoir déjà eu un rapport sexuel sous l’insistance de son partenaire, tandis que 13 % des hommes reconnaissent avoir exercé cette pression. 15 % des femmes déclarent avoir cédé à un rapport sexuel non protégé sous l’insistance de leur partenaire, mais seuls 2 à 3 % des hommes admettent avoir refusé de mettre un préservatif ou l’avoir retiré sans consentement.

Chez les jeunes générations, ces chiffres sont encore plus préoccupants. 51 % des femmes de 25 à 34 ans déclarent avoir vécu une forme de non-consentement sexuel, contre 28 % des hommes du même âge qui reconnaissent avoir pu agir ainsi.

Une pression sociale renforcée sur les hommes

Les normes de genre touchent également les hommes, et certaines attentes à leur égard semblent se renforcer. 47 % des Français estiment qu’un homme doit être sportif pour être respecté (+5 points), 37 % pensent qu’il doit savoir se battre (+6 points). Ces injonctions sont encore plus marquées chez les jeunes hommes de moins de 35 ans : 67 % considèrent qu’un homme doit être athlétique, 53 % qu’il doit être capable de se battre, et 46 % qu’il ne doit pas montrer ses émotions.

Certaines valeurs traditionnellement associées à la masculinité séduisent aussi une partie des jeunes femmes : 15 % des femmes de moins de 35 ans jugent qu’un homme doit savoir rouler vite, 18 % estiment que vanter ses exploits sexuels est acceptable, et 13 % trouvent normal qu’il ait de nombreux partenaires sexuels.

Des attentes fortes envers les pouvoirs publics

Face à ce constat, 77 % des Français estiment que la prévention et la lutte contre le sexisme sont des sujets importants, dont 30 % « tout à fait importants ». Cette sensibilité est plus marquée chez les femmes (80 %) que chez les hommes (72 %), et encore plus chez les jeunes générations. 51 % des femmes de 15 à 24 ans jugent cette lutte prioritaire, contre seulement 30 % des hommes du même âge.

79 % des sondés estiment qu’il existe une forme d’impunité pour les actes et propos sexistes dans la société (+4 points). Ce sentiment est particulièrement marqué chez les jeunes femmes : 89 % d’entre elles en sont convaincues, dont 59 % qui considèrent cela comme une évidence.

Les Français attendent davantage d’action de la part des pouvoirs publics. 84 % estiment que la lutte contre le sexisme devrait être une priorité gouvernementale, mais 65 % jugent que l’État ne fait pas tout ce qu’il faudrait dans ce domaine. Cette perception est plus marquée chez les femmes (70 %) que chez les hommes (52 %).

Les mesures les plus plébiscitées incluent l’obligation de formation contre les violences sexistes et sexuelles en entreprise (88 % de soutien), la mise en place d’un programme scolaire sur le consentement et l’égalité des sexes (près de 9 Français sur 10 favorables), et un renforcement des contrôles des propos sexistes en ligne et dans les médias.

Un manque de confiance envers les institutions

Le gouvernement est perçu comme l’acteur le moins fiable pour faire évoluer la situation : seuls 28 % des Français lui accordent leur confiance sur ce sujet, un chiffre qui tombe à 22 % chez les femmes (-2 points). La justice souffre également d’un déficit de confiance : 35 % des Français et seulement 28 % des femmes estiment qu’elle protège suffisamment contre le sexisme (-3 points).

Cette défiance est accentuée par une meilleure connaissance du concept de féminicide : 92 % des sondés connaissent ce terme et 75 % adhèrent à son utilisation (+7 points en deux ans).

Des avancées à consolider

Le Baromètre sexisme 2024 met en lumière une société où les inégalités de genre restent structurantes. Si certains progrès sont visibles, notamment dans le domaine du travail, les discriminations et violences sexistes persistent dans tous les aspects de la vie quotidienne. Loin d’être cantonné à un clivage hommes-femmes, ce rapport souligne aussi l’émergence de nouvelles tensions, notamment chez les jeunes générations. L’évolution des mentalités s’accompagne d’une prise de conscience plus large, mais aussi d’une pression accrue sur les normes de genre, preuve que la lutte contre le sexisme est un enjeu toujours d’actualité.

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