Quinze femmes récompensées pour leurs projets d’entreprise en Centre-Val de Loire

Jeudi 25 septembre, au Carroir, à La Chaussée-Saint-Victor, la scène s’est ouverte sur un paradoxe désormais bien documenté : l’envie d’entreprendre des femmes n’a jamais été aussi forte, et pourtant le passage à l’acte recule. Ce constat, France Active et la Fédération bancaire française l’avaient déjà chiffré en mars 2025 avec OpinionWay : 59 % des femmes jugent plus motivant d’être entrepreneure que salariée (+11 points en un an), mais seule une femme active sur cinq (21 %) envisage de créer un jour son entreprise (–6 points vs 2024). Dans la salle, ce paradoxe a trouvé des visages, des voix, un palmarès précis : quinze lauréates, six catégories, des prix spéciaux — et une cérémonie nourrie d’explications très concrètes sur les freins, les appuis, les réseaux.
« Choisir 15 lauréates parmi 105, c’est une tâche ardue »
L’ouverture a été assurée par Pascal Nigron, président de France Active Centre-Val de Loire, et Sébastien Nerault, directeur, qui animait la soirée — co-animée avec Candice Menant-Fernandez. Les mots de bienvenue ont posé l’esprit du concours : encourager l’entrepreneuriat féminin, « mettre en lumière des modèles inspirants », créer de la visibilité régionale et du réseau, et adosser ce temps fort à des outils concrets (accompagnement, financements dédiés, intégration au réseau Faire Mouvement).
Le cadre est clair : 105 candidatures venues des six départements, 15 lauréates retenues après présélection sur dossier, puis audition au LAB’O d’Orléans. À chaque catégorie, un classement (1re, 2e, 3e) et une dotation (1 500 €, 1 000 €, 500 €). Un Prix du public (500 €) est venu compléter la soirée, ainsi qu’un Prix Agefiph et un Prix d’honneur. Sébastien Nerault a rappelé la mécanique collective : le concours est mené « bien plus largement » par l’Inter-Réseau de la création d’entreprise (BGE, Réseau Initiative, ADI, couveuses dont PES, les deux chambres consulaires, Pépite pour l’étudiant-entrepreneur) et, côté ESS, la CRESS, le Mouvement associatif, l’incubateur d’innovation sociale Alter’Incub (URScop). En amont, le « Mois des créatrices » comme lancement des candidatures, le 1ᵉʳ avril, au Grenier de Vineuil.
« Courage », « audace », « aventure fabuleuse »
Durant cette soirée au Carroir, Naïma Ben Ahmed, directrice de cabinet du préfet de Loir-et-Cher, a parlé de courage : « l’expression d’un double courage pour les femmes : prendre son destin en main, rechercher sa liberté », tout en affrontant « diktats sociaux, sociétaux, institutionnels », difficultés d’accès aux financements et charge mentale. Elle a insisté sur la portée collective des réussites célébrées : une autre facette de l’économie locale, que l’on doit soutenir pour faire exister l’égalité des chances.
Sébastien Nerault a redit la vocation du concours : visibilité, réseau, accompagnement. Quant à Pascal Nigron, il a rappelé la profondeur des transformations en cinquante ans, tout en nommant le nœud le plus tenace : le financement. Là encore, le baromètre recoupe les témoignages : 46 % des femmes jugent les démarches administratives trop complexes ; 46 % estiment ne pas avoir le capital de départ ; 37 % pensent ne jamais trouver de financement ; 34 % considèrent qu’il est plus difficile, pour une femme, d’obtenir un prêt. Face à ces perceptions, des outils existent — à commencer par la Garantie Égalité Femmes (France Active) qui couvre jusqu’à 80 % d’un prêt bancaire, dans la limite de 50 000 € — et des résultats suivent : 93 % des entrepreneures soutenues par France Active sont encore en activité trois ans après (contre 75 % en moyenne nationale, Insee 2023).

Le « coup de cœur » d’une salle et le fil conducteur d’un écosystème
Sur scène du Carroir, les portraits vidéo et des entretiens ont donné corps aux projets. Séverine Laville (Dita Crazy), et sa « thérapie par l’effeuillage burlesque » dans un tiers-lieu féminin inauguré en juillet (Au Bonheur des Crazy Dames) a marqué le public qui lui décernera son « prix » au terme de la soirée. Son propos a été simple et frontal : des femmes qui « ne se regardaient pas » dans les miroirs d’une salle de pole dance, « quelle que soit la taille ou la morphologie », une dysmorphophobie qui mine l’estime de soi — et une démarche thérapeutique par la danse, le cerceau, les talons, avec une finalité scénique. Son école est déjà complète : 117 femmes sont inscrites. Le Prix du public et le Prix Agefiph remportés par Dita Crazy ont souligné la résonance d’un projet où l’esthétique devient thérapeutique, où la scène recompose l’estime de soi.
Une économie locale à hauteur de preuves
Au terme des remises, une conviction s’impose, au mot près de la tribune : « Ce que nous célébrons, c’est l’audace ». Mais pas l’audace incantatoire : une audace outillée, entourée, chiffrée, capable de franchir les obstacles évoqués plus haut — démarches, financements, stéréotypes. Dans cette cohérence, le palmarès 2025 raconte une chose simple : l’invisibilité recule quand on organise la mise en avant, la crainte se déplace quand on institue le soutien, la réussite se propage quand on fabrique du réseau. Et si « sauver le monde » — selon la formule employée par Candice Menant-Fernandez sur scène à propos des métiers du care — suppose d’être payée et visible, la soirée du Carroir aura au moins démontré ceci : la visibilité peut être un outil (portraits, scène, jury), la rémunération est une exigence, et l’appui collectif est un mode opératoire.
Palmarès récapitulatif
- Je suis entrepreneure :
- Libre comme l’art — Mathilde Prével ; 2. Dita Crazy — Séverine Laville ; 3. La Caverne Enchantée — Julie Dupont.
- Jeune et j’entreprends :
- Arboréliance / Au Geste d’Afilor — Anne Mircher ; 2. Libre comme l’art — Mathilde Prével ; 3. Kim Gia – Huynh Kim Ngan Vo.
- Engagée et solidaire :
- Librairie Bédélire — Cyrielle Pateyron & Manon Ribis ; 2. Les Baroudeuses — Solène Dallet & Céline Faucher Pichaureaux ; 3. Association BAMS.
- Garantie Égalité Femmes :
- Camping de Graçay — Alison Debain ; 2. Huilerie Le Monnier — Nadège Gest ; 3. Créanc’iale — Constance Allié.
- Agricole et milieu rural :
- Le Cocoon de Soy — Élodie Sohier ; 2. QIPAO — Line Deschamps ; 3. Andreline — Agathe Richefeu-Leveau.
- Prix Agefiph : Séverine Laville — Dita Crazy.
- Prix du public : Séverine Laville — Dita Crazy.
- Prix d’honneur : Sophie Charon-Colin — Balsa Prod.