L’éclipse du dernier bateau-lavoir de Blois, il y a 87 ans

Pendant près de trente ans, le bateau-lavoir Saint-Saturnin a marqué le paysage et le quotidien des Blésois, amarré sur les rives de la Loire, face à l’hôpital général. Il fut le dernier témoin de ces embarcations qui faisaient du fleuve un lieu de travail, de lien social, et de vie. C’était autrefois à Blois.
Un successeur né de la crue
Le 31 décembre 1907, une crue exceptionnelle emporta le bateau-lavoir précédent. Il fallut attendre deux ans pour qu’un nouveau bateau soit mis en service. Le Saint-Saturnin, conçu par Gabriel Rochette, entrepreneur blésois, fut inauguré en décembre 1909, selon les registres de la Ville. Construit en bois, il mesurait environ vingt mètres de long et était solidement ancré au quai Villebois-Mareuil, dans le quartier de l’hôpital.
Un équipement complet pour laver, rincer et sécher
Le bateau-lavoir Saint-Saturnin était un véritable espace de travail flottant. Il abritait une salle centrale équipée de cuviers en zinc et de chaudières à charbon, où l’eau était chauffée pour le lavage ; une passerelle de bois menant aux plateformes inclinées, où les femmes s’installaient pour battre le linge à la main à l’aide de battoirs ; un étage supérieur servant de séchoir, largement ouvert à l’air libre, où le linge s’étendait, bercé par la lumière et le vent.
Les utilisatrices du bateau étaient pour la plupart des blanchisseuses professionnelles, mais aussi des ménagères qui y trouvaient un lieu adapté, économique et communautaire. On y lavait draps, vêtements, nappes, couvertures. Le bateau-lavoir fonctionnait du printemps à l’automne, souvent à guichets fermés.
Une tradition partagée sur toute la Loire
Comme d’autres villes ligériennes – Orléans, Tours, Saumur –, Blois compta plusieurs bateaux-lavoirs au XIXe siècle. Parmi eux, les Saint-Jean, Saint-Joseph, Saint-Nicolas et Saint-Saturnin étaient les plus connus. Le Saint-Saturnin fut le dernier en activité. Il incarnait un lien concret entre le fleuve et les habitants, dans une époque où la Loire n’était pas un décor, mais un outil de travail au quotidien.
Une fin annoncée en 1938
À partir des années 1930, l’usage des bateaux-lavoirs déclina rapidement. L’arrivée de l’eau courante dans les foyers, le développement des buanderies, puis des machines à laver, rendirent leur usage de moins en moins nécessaire. En juin 1938, Mme veuve Rochette, fille de Gabriel Rochette, mit fin à l’activité du Saint-Saturnin. Le bateau fut démonté sur la levée de Chailles, planche après planche. Il n’en reste aucune trace matérielle conservée, sinon quelques photographies dans les fonds municipaux.
