L’éclipse du dernier bateau-lavoir de Blois, il y a 85 ans
Lorsque le soleil se couchait sur la Loire, la silhouette solennelle du bateau-lavoir Saint-Saturnin se dressait. C’était autrefois à Blois.
Un bijou fluvial d’antan
Solidement ancré au quai Villebois-Mareuil, bercé par le murmure de la Loire et le frémissement des herbes du talus devant l’hôpital général, le Saint-Saturnin se tenait là, tel un gardien des traditions. Fruit de la volonté de Gabriel Rochette, ce bateau, ressuscité des eaux après le tragique destin de son prédécesseur emporté par une tempête en 1907, fut couronné de sa gloire le 18 décembre 1909.
Avec élégance, il reposait sur un doux lit de cailloux, écoutant l’eau venir caresser ses flancs, dansant au rythme des vents et des courants. À l’automne, fidèle à son poste, il revenait à son berceau, tandis qu’à marée basse, il glissait quelques mètres plus loin, toujours en quête de l’harmonie fluviale.
Symphonie du labeur au fil de l’eau
La passerelle de bois, telle une invitation à un monde d’autrefois, menait aux selles à laver, s’inclinant doucement vers le fleuve. C’était le théâtre des ménagères, rythmant leurs journées au son des battoirs, tordant les linges lourds d’échos et de rires, plongeant les draps robustes dans le doux miroir de la Loire. Au cœur du bateau, chaudières et cuviers se tenaient, gardiens des secrets du lavoir. À l’étage, un vaste séchoir, semblable à une promenade aérienne, offrait au linge une pause sous le ciel de Blois.
Le crépuscule d’une épopée
Mais après près de trois décennies de noble service, le Saint-Saturnin sentit les vents du changement. La modernité caressa doucement les rives, et le bateau, malgré sa stature intemporelle, ne put lutter contre le cours inexorable du temps. Mme veuve Rochette, avec ses enfants, choisit en 1938 de laisser le Saint-Saturnin voguer vers d’autres horizons…
Ce jour d’été lumineux marqua le dernier voyage du bateau-lavoir, emporté vers la levée de Chailles, là où il serait délicatement démonté, souvenir par souvenir.
Légende mélodieuse du Saint-Saturnin
Avec lui, s’est éclipsé le dernier chapitre d’une saga fluviale blésoise. Ces bateaux, le Saint-Jean, le Saint-Nicolas, ou donc le Saint-Saturnin, portent en eux les murmures d’une époque révolue. Même si le temps a estompé ses traces, ce mélodieux témoignage de l’âge d’or des bateaux-lavoirs, flotte toujours sur les eaux de Blois 85 ans plus tard, susurrant les souvenirs d’une époque où le linge s’étendait fièrement sous le ciel bleu, gardé par ce noble gardien des rives.