À Blois, l’exposition de Bianca Dacosta va donner corps aux territoires blessés

Du 11 juillet au 31 août 2025, la Fondation du doute à Blois présente l’exposition Territórios feridos, corpos vivos (Territoires meurtris, corps vivants), signée par l’artiste brésilienne Bianca Dacosta. Ce projet, à la fois sensible, politique et profondément incarné, propose un regard critique sur les violences environnementales et coloniales. L’inauguration est prévue le jeudi 10 juillet à 18h30 dans le pavillon d’exposition temporaire, avec entrée libre et gratuite.
Une œuvre en tension entre mémoire, matière et écologie
Originaire de Niterói, dans l’État de Rio de Janeiro, Bianca Dacosta déploie une pratique artistique protéiforme, où se croisent l’installation, la vidéo, la photographie, la peinture, la sculpture et la recherche documentaire. Au fil de son œuvre, elle interroge la mémoire des territoires, la destruction écologique, les récits coloniaux et les liens intimes entre l’humain et le vivant.
Son approche repose sur une attention extrême à la matière : terre, bois, eau, cendre, bioplastique, mais aussi images anciennes, cartes et gravures coloniales, toutes réactivées dans une réflexion à la fois esthétique, historique et politique.
Elle s’inscrit dans une perspective postcoloniale et anti-extractiviste, attentive aux ressources naturelles et à leur exploitation, tout en esquissant des voies de réconciliation avec la Terre, dans une démarche qu’elle relie à la pensée de l’intellectuel brésilien Antônio Bispo dos Santos et son concept de « contre-colonisation ».
Trois œuvres majeures, un triptyque de mémoire et de résistance
L’exposition de Blois s’articule autour d’un triptyque composé d’une installation vidéo et de deux séries photographiques.
L’installation vidéo Corpo d’água (2023), réalisée au Fresnoy – Studio national des arts contemporains, est au cœur du dispositif. En quinze minutes, ce poème audiovisuel invite à explorer la relation originelle entre le corps humain et l’eau : une matière fluide qui traverse les mémoires, les corps, les cycles, et incarne à la fois la puissance vitale et les blessures invisibles. À travers une narration sensorielle, la vidéo déploie une expérience immersive qui évoque autant la mémoire ancestrale que les enjeux contemporains liés au cycle de l’eau à l’ère de l’Anthropocène.
Autour de cette pièce centrale, deux œuvres photographiques composent les autres volets du triptyque. Dans la série Madeira queimada corte fresco & Cinzas (2022), Bianca Dacosta s’appuie sur des techniques de microscopie électronique pour révéler les cicatrices invisibles laissées par les incendies en Amazonie. Cendres, bois brûlé, matières organiques sont scrutés comme autant d’archives de la violence extractiviste. À travers ces images, l’artiste documente les ravages physiques et symboliques causés à la forêt brésilienne et au vivant dans son ensemble.
Enfin, O dia do fogo (2020) – « Le jour du feu » – fait référence à un événement précis : le 10 août 2019, des centaines d’incendies coordonnés ont été déclenchés en Amazonie, en toute impunité, par des agriculteurs favorables à la déforestation. Cette pièce, déjà exposée à Paris au CENTQUATRE et au Carreau du Temple, met en lumière la collusion entre économie, politique et destruction écologique.
Une artiste entre deux continents
Formée en scénographie à l’Université fédérale de Rio de Janeiro, passée par l’École des Arts Décoratifs de Paris, puis diplômée du Fresnoy, Bianca Dacosta mène une trajectoire internationale, entre le Brésil et la France. Elle a été accueillie en résidence à la Villa Arson à Nice (2021), à la Bibliothèque nationale de France (2023-2025), à la Mairie du 5e arrondissement de Paris, à la Fondation Kymia à Marrakech (2024), ainsi qu’à l’Association Fértile en Bourgogne (2025).
Son travail a été présenté dans de nombreuses institutions : UNESCO, Espace Frans Krajcberg, CENTQUATRE, Carreau du Temple, Biennale du Vivant, Grands Serres de Pantin, et à l’international lors de la Prague Quadrennial ou au Festival international du film sur l’art de Montréal (FIFA).
En 2023, elle reçoit le Prix Révélation de Lille Art Up pour son installation Mémorias de Nazaré, une boîte à tiroirs mêlant photographies, verre et argile pour explorer la disparition progressive des modes de vie forestiers face à l’agro-industrie. La même année, elle est récompensée par le Prix Libert Art Award pour sa série photographique Dorsal, qui examine les traces laissées sur les arbres par l’extraction du caoutchouc en Amazonie.
Territórios feridos, corpos vivos s’inscrit dans la continuité d’une œuvre habitée par les tensions de notre époque : entre Sud et Nord, entre passé colonial et luttes contemporaines, entre effondrement et réparation. À Blois, la Fondation du doute accueille cette exposition dans son pavillon temporaire, offrant aux visiteurs un lieu propice à la méditation, à la réflexion, et à la sensibilité.
📍 Infos pratiques
Lieu : Pavillon d’exposition temporaire, cour intérieure de la Fondation du doute, Blois
Dates : du 11 juillet au 31 août 2025
Horaires : du mercredi au dimanche, de 14h à 18h30
Vernissage : jeudi 10 juillet à 18h30
Entrée libre et gratuite