À vos souhaits ! Les clowns à l’hôpital de Blois : entre poésie, écoute et engagement

Ils s’appellent Alphonse Toudou, Pamela Sidoré et Colette Cot’, mais derrière ces noms de scène se trouvent trois artistes, membres de la compagnie L’Oiseau Lyre : Geneviève Emonet, Yann Lamesch et Juliette Mantrand, par ailleurs fondatrice de la compagnie Jean et Faustin. Chaque lundi après-midi, ils pénètrent dans les couloirs du service pédiatrique de l’hôpital de Blois, costumés, musiciens, porteurs de jeux, de chansons et d’histoires improvisées, pour offrir aux enfants hospitalisés — et à leurs familles — un moment suspendu, un instant d’évasion, de rire et parfois de soulagement. Leur action a un nom : À vos souhaits ! Et elle n’a rien d’une animation. C’est un projet artistique, humain et soigné, qui s’inscrit dans la durée et fait déjà l’unanimité.
Il a fallu plusieurs mois de démarches, la reconnaissance d’intérêt général de l’association, la recherche de financements, et la signature finale avec l’hôpital en tout début d’année 2025, pour tout mettre en branle. Depuis fin février, les clowns interviennent chaque semaine, deux par deux, selon un système de roulement. Les duos changent mais une chose ne varie jamais, leur engagement.
Avant même de franchir pour la première une porte, la préparation aura été minutieuse. Visite du service, échanges avec la cadre de pédiatrie, observations dans d’autres établissements, coaching par des clowns hospitaliers aguerris à ce genre d’exercice, création des personnages, répétitions, compositions musicales, ajustements de costumes. « Le plan d’attaque, c’était aussi notre côté d’être prêts », résume Geneviève Emonet. La rencontre avec le personnel hospitalier a joué un rôle essentiel. « Toute l’équipe est très bienveillante avec nous », souligne Juliette Mantrand. « Il y a une vraie écoute, une confiance. » Et Geneviève ajoute : « Nous avons vraiment de la chance d’avoir des soignants aussi impliqués. »
Ce que les artistes proposent, ce n’est pas un spectacle tout fait, mais des interventions entièrement improvisées, au plus près de ce que vit chaque enfant. Il s’agit de sentir, dès les premières secondes, comment se présente la chambre : la disposition, l’ambiance, la fatigue, l’attente, la douleur, la timidité, la curiosité. « On entre, et on sait tout de suite si c’est chaud ou froid », explique Juliette. « Si c’est chaud, on peut tout de suite s’appuyer sur l’enfant, ou ses parents. Si c’est froid, on joue d’abord pour le doudou, ou entre nous. On crée une bulle. »

La musique joue un rôle central. « Elle est très précieuse dans les moments où l’enfant est trop petit ou trop souffrant pour échanger par le jeu », souligne Juliette. « On chante beaucoup, à deux voix, en polyphonie, avec des berceuses venues de différentes cultures. » Et ça fonctionne. « Avec les bébés, on voit l’effet tout de suite : ils arrêtent de pleurer. Et ça apaise aussi les parents, les soignants. » Chaque lundi, les artistes arrivent avec une nouvelle matière musicale, une chanson douce, une chanson plus rythmée pour la parade, et une autre plus instrumentale qui peut servir à entrer ou sortir d’une chambre avec l’énergie adéquate.
« À vos souhaits, à vos humours, et que le rire dure toujours »
La richesse du projet tient aussi à la diversité des personnalités. Colette est une ado attardée, exubérante, rêveuse, drôle et touchante. Elle joue de la guitare et forme un duo complice avec ses partenaires. Pamela Sidoré est solaire, fantasque, toujours prête à embarquer petits et grands dans des chansons vitaminées, elle joue de l’accordéon et du oud. Alphonse Toudou est peut-être le plus tendre, le plus lunaire. « La naïveté, ça fait partie de mon personnage », dit Yann Lamesch, d’abord formé au clown. Il joue du tuba, de l’harmonica, et maîtrise une palette de jeu qui va de la comédie de rue au théâtre absurde.

Leur savoir-faire repose sur une capacité à s’ajuster sans cesse à ce qu’ils reçoivent. « On n’arrive pas avec un scénario », insiste Juliette. « On observe. On s’appuie sur ce que l’enfant nous donne, ou sur ce qu’on voit dans la chambre. S’il lit, on part de là. S’il a une tablette, on invente un jeu autour de la tablette. » Elle donne un exemple : « Une petite fille était absorbée par son écran. On n’arrivait pas à capter son attention. Et puis j’ai remarqué un petit rire nerveux. Alors j’ai fait comme si sa tablette déclenchait nos fous rires. Dès qu’elle la touchait, on riait. C’est devenu une boîte à rire. »
L’équipe est en lien direct avec la cadre de service, qui leur indique les chambres accessibles et leur donne des éléments comme l’âge et le sexe de l’enfant, mais jamais la pathologie. « On ne connaît pas leur maladie. Et c’est très bien ainsi », dit Geneviève. « Nous, ce qu’on veut, c’est juste jouer avec eux. » Mais un échange a lieu ensuite : « La cadre est curieuse de savoir comment les enfants ont réagi, parce que ça complète sa propre observation. Et parfois, si on sent qu’un enfant est très en souffrance, on peut le lui dire. »

Au fil des semaines, un lien s’installe. Certains enfants sont là pour quelques jours, d’autres pour plusieurs semaines. Certains reviennent. Les artistes adaptent leur approche à chaque âge, chaque histoire, chaque humeur. « On ne joue pas pareil avec un ado et avec un bébé », dit Geneviève. « Avec un ado, on peut parler look, télé, ou faire de l’autodérision. Avec un bébé, on passe par la voix, le rythme, les sons. » La démarche est ludique, mais l’implication est totale. « C’est trois heures sans relâche. Même dans les couloirs, on joue. On ne peut pas redevenir simples passants. » Et cette intensité a un coût émotionnel, confire Juliette. « Le mardi soir, on est souvent HS. Il y a une vraie retombée. Mais c’est aussi très nourrissant. »
Un besoin de financements
Financé pour l’instant grâce au soutien de la société Phinia, au Rotary et aux fonds propres de la compagnie L’Oiseau Lyre, À vos souhaits ! cherche aujourd’hui à s’ancrer. Le budget n’est pas bouclé, mais la volonté est claire : faire de cette action une mission durable, en lien étroit avec l’hôpital. « On s’est engagés à intervenir tous les lundis, même les jours fériés, même pendant l’été. La maladie ne prend pas de vacances. Nous non plus. »
Ils le disent sans emphase, mais avec conviction : ce qu’ils font est un métier. Il est à la fois artistique, humain et rigoureux, il demande un haut niveau d’écoute, d’endurance et de créativité. Et leur plus grand souhait aujourd’hui, c’est que ce projet puisse durer. « Si des lecteurs et lectrices de Blois Capitale veulent nous soutenir, qu’ils soient particuliers ou entreprises, même un petit don compte. On a mis en place un lien HelloAsso. Et pour les entreprises, on a un dossier de mécénat. »
Le nom du projet est né dans un éclat de rire. À vos souhaits, à vos humours, et que le rire dure toujours. Une formule qui résume bien leur art : à la fois une pirouette, un vœu sincère, et une philosophie.
Pour réaliser un don : https://www.helloasso.com/associations/association-l-oiseau-lyre/formulaires/1 ou contacter l’association : compagnieloiseaulyre.fr