Benjamin Brossolette : capter l’instant, révéler l’humain
Du 5 au 28 décembre, la Galerie Wilson de Blois présente Un autre regard, une rétrospective photographique qui rassemble les œuvres de Benjamin Brossolette, réalisées au fil de deux années de vernissages dans le centre d’art en Vienne. À travers une sélection à partir des centaines de clichés, le photographe plonge dans les relations complexes entre les artistes, leurs œuvres et les spectateurs. Cette exposition, fruit d’une démarche artistique évolutive, illustre son regard affûté et sa quête d’esthétisme, sans jamais perdre de vue l’essence humaine.
Un projet né d’un « divertissement » devenu quête esthétique
Benjamin Brossolette se souvient des débuts de cette histoire à la Galerie Wilson : « Ce qui, au départ, n’était qu’un divertissement s’est transmué, au fil des expositions, en quête ; celle de l’esthétisme d’un cliché accompli, moment de grâce où l’œuvre d’art et la pensée s’unissent en un tout fécond. » Ce projet a pris forme progressivement, chaque vernissage devenant une opportunité pour expérimenter, observer, et capturer la vie qui émane des instants où l’art entre en résonance avec le public. Le résultat de ce travail, c’est une collection riche, composée de centaines de clichés, dont une sélection rigoureuse est présentée dans l’exposition. « La partie difficile, c’était de faire une sélection. Il y a des incontournables, des coups de cœur, et des photos qui s’imposent d’elles-mêmes sans qu’on sache toujours pourquoi. Elles semblent évidentes. Ensuite, il y en a d’autres pour lesquelles il faut chercher un sens. »
Le lien complexe entre l’artiste, l’œuvre et le public
Au cœur de la démarche photographique de Benjamin Brossolette se trouve l’exploration de ce qu’il appelle une « relation triangulaire » entre l’artiste, son œuvre et l’observateur. Il explique : « Mon travail d’investigation explore la triangulation entre l’artiste, l’œuvre et l’observateur. » Pour lui, la photographie est un moyen de mettre en lumière ces connexions invisibles mais essentielles.
Un exemple frappant est la photographie qui a été choisie pour illustrer l’affiche de l’exposition. Elle représente une artiste tenant le bras de sa sculpture, comme si elle hésitait à la lâcher. Benjamin commente : « Cela symbolise une difficulté à lâcher l’œuvre, à la laisser vivre par elle-même. Pour moi, cela représentait le lien entre l’artiste et son œuvre : cette première relation qui les unit. Mais une fois que l’œuvre est ‘lâchée’, elle vit une autre relation avec le public. C’est comme si l’artiste devait couper ce lien pour permettre à l’œuvre de s’émanciper. »
Saisir l’instant : un art de l’affût
Pour capturer ces moments si particuliers, Benjamin adopte une posture qu’il compare à celle d’un observateur naturaliste. « Je me mets à l’affût », explique-t-il. « Au début, c’était assez facile, car personne ne me connaissait ni ne connaissait mon travail. Cela me permettait de capturer discrètement des instants volés, des moments de relation entre le regardant et l’œuvre. Mais avec le temps, cette tâche est devenue plus complexe, car les gens attendaient mes publications. Je devais donc me faire plus discret. » Il compare cette démarche à celle de l’écrivain-aventurier Sylvain Tesson : « Il y a cette idée de se ‘planquer’, d’observer et de voir comment la scène se déroule. » Mais au-delà de l’observation patiente, il y a aussi une part de hasard, qu’il accepte pleinement. « Parfois, il y a une part de chance : être au bon endroit au bon moment. »
L’émotion comme fil conducteur
Pour Benjamin, une photographie réussie est avant tout celle qui capte une émotion, qu’elle soit évidente ou subtile. « Quand je prends une photo, ce qui m’intéresse, c’est l’émotion qui s’exprime sur les visages. C’est comme si le regardant pénétrait dans l’œuvre, et inversement, comme si l’œuvre allait chercher quelque chose en lui. À ce moment-là, les personnes ne sont plus vraiment là : elles sont hors du temps, hors de l’espace-temps. Elles sont dans l’œuvre, et l’œuvre est en elles. C’est cet échange, cette relation, que j’essaie de capter. »
Ce travail d’observation donne lieu à des clichés variés, allant de la contemplation directe à des relations plus symboliques. « Certaines photos ne montrent pas une contemplation directe. Il peut y avoir une posture, un positionnement particulier. Parfois, l’œuvre est en arrière-plan, et, au premier plan, un personnage. La photo vient alors dire quelque chose de cette relation indirecte. »
Un observateur fasciné par l’humain
Au-delà de sa démarche artistique, Benjamin Brossolette se décrit comme un observateur de l’humanité depuis toujours. « Depuis tout petit, j’observe les gens. J’aime me poser quelque part, regarder, et imaginer quelle est leur vie. C’est quelque chose qui me fascine. » Cette fascination pour l’humain se retrouve dans ses photographies, qui cherchent à capturer des moments d’interaction entre les spectateurs, les œuvres et l’environnement.
Il évoque également son admiration pour des artistes comme Phil2fer. « Il peut mettre en scène le Christ dans son travail, cela dit aussi beaucoup de l’humanité. Dans un de ses clichés, le Christ a un bras bionique, ce qui m’a immédiatement fait penser au transhumanisme, à l’avenir de l’humain. Cela soulève de nombreuses questions. »
Au-delà de l’esthétique : l’importance du sens
Pour Benjamin Brossolette, la beauté d’une photographie ne suffit pas. « Une photo doit raconter quelque chose, capturer un instant qui fait sens. Si elle est belle en plus, tant mieux, mais ce n’est pas l’objectif principal. » Ce qui l’intéresse, c’est la capacité de ses images à révéler une vérité, à faire émerger des émotions parfois enfouies. Cette réflexion s’inscrit dans sa vision de l’œuvre d’art comme un objet vivant, capable de se détacher de son créateur pour établir de nouvelles connexions. « Bien que l’artiste ait donné un sens à sa création, l’œuvre s’en détache. Elle devient alors médiatrice, à la fois silencieuse et bruyante, qui ravive depuis les profondeurs de notre âme une vérité. »
Un petit reporter des frontières
Benjamin Brossolette se qualifie modestement de « petit reporter des frontières ». À travers son objectif, il capte les interactions subtiles entre l’art, les artistes et les spectateurs, transformant des moments fugaces en œuvres intemporelles. Avec Un autre regard, il offre une plongée dans cette quête artistique, où chaque photographie devient le témoin d’une relation unique entre l’humain et l’art.
Informations pratiques
Exposition : Un autre regard
Dates : du 5 au 28 décembre
Lieu : Galerie Wilson, Blois
Photographe : Benjamin Brossolette