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Blois, les jardins de l’évêché : plus de mille ans d’histoire sur un promontoire

Perchés sur les hauteurs de la ville, les terrasses ou jardins de l’évêché à Blois déploient une composition paysagère en terrasses, proches de la cathédrale Saint-Louis et face aux rives de la Loire. S’ils constituent aujourd’hui un lieu de détente prisé pour ses allées arborées, sa roseraie et ses aires de jeux, ce site recouvre un passé complexe et stratifié, où se superposent des siècles d’occupation humaine, d’aménagements défensifs, religieux, résidentiels et urbains. De cimetière mérovingien à jardin public labellisé, l’histoire de ces terrasses incarne les transformations successives d’un quartier charnière de Blois, au confluent du spirituel, du politique et du quotidien.

terrasses de l’évêché

Une pente funéraire, hors les murs

Bien avant l’élévation du palais épiscopal au XVIIIe siècle, la pente abrupte du coteau constituait un espace marginal, situé hors de l’enceinte urbaine médiévale. Les fouilles archéologiques réalisées en 2011 par l’Inrap ont révélé une sépulture isolée remontant aux Ve-VIIe siècles, creusée dans des colluvions, sans que son rattachement à une structure d’habitat ou à un lieu de culte soit précisément identifié.

C’est au VIIIe siècle que l’usage funéraire du site se structure, avec la densification progressive d’un cimetière paroissial, associé à l’église Saint-Solenne, prédécesseure de l’actuelle cathédrale. Cette aire funéraire atteint son apogée au XIe siècle. Les fouilles menées par Marie-Denise Dalayeun ont mis en évidence une persistance des inhumations jusqu’au XIVe siècle, bien que plus sporadiques après le XIIe. On ignore encore l’étendue exacte de ce cimetière, ni s’il comportait des zones distinctes selon le statut social, les regroupements familiaux ou les pathologies, mais les indices accumulés laissent penser à une structuration cohérente du lieu.

Habitat et fortifications : le visage médiéval du coteau

À la marge de cet espace funéraire, les archéologues ont mis au jour des vestiges d’habitat des XIe-XIIIe siècles : silos, trous de poteaux, maçonneries légères. La présence de l’église Saint-Solenne, alors située à la lisière de la ville haute, a vraisemblablement joué un rôle attractif dans la structuration d’un tissu résidentiel, annonciateur du faubourg Saint-Jean mentionné dans les sources à partir du XIVe siècle.

Le XIIIe siècle marque également le percement du fossé de l’enceinte urbaine à cet endroit. Ce fossé, qui borde les terrasses au sud-ouest, mesurait jusqu’à 18 mètres de large pour une profondeur de plus de 1,5 mètre. Il fut régulièrement curé jusqu’au XVe siècle, avant d’être comblé à la fin du XVIe. Ce comblement correspond à un changement d’usage du terrain : les maisons remplaçant progressivement les sépultures, l’ancien glacis défensif devient espace de vie.

XVIIIe siècle : naissance d’un palais et d’un paysage

C’est au début du XVIIIe siècle qu’un tournant décisif est opéré : entre 1700 et 1704, l’évêque de Blois fait construire un palais somptueux, sur les plans de Jacques V Gabriel. À son pied, le coteau devient un théâtre monumental en terrasses, conçu pour affirmer visiblement le pouvoir de l’Église dans le paysage urbain. Monseigneur de Caumartin fait prolonger vers l’est le mur de soutènement de la terrasse haute et consolider l’assise de la terrasse basse, achetant plusieurs parcelles entre 1716 et 1722. Le terrain, escarpé, est modelé au prix de travaux considérables.

Le projet atteint son apogée à partir de 1770, sous l’impulsion de l’évêque May de Termont, qui engage Jean-Baptiste Collet, architecte du roi et collaborateur de Soufflot. Inspiré des aménagements du château de Menars, Collet conçoit un ensemble à la fois utilitaire et ornemental : une grande terrasse supérieure bordée d’allées de marronniers, une terrasse basse avec parterre et orangerie, une rampe gazonnée descendant en pente douce, un boulingrin intermédiaire, des bosquets, des escaliers en vis, une rotonde-belvédère, des statues et vases décoratifs (disparus à la Révolution).

En 1787, l’évêque Lauzières de Thémines imagine un escalier monumental enjambant les rues du Bas-Bourg Saint-Jean pour relier directement les jardins à la Loire : un projet gigantesque qui ne verra jamais le jour, mais dont les plans conservés témoignent de l’ambition topographique et symbolique du lieu.

Révolution, réaffectations et ouverture au public

Après la Révolution, le domaine est nationalisé. Le palais devient préfecture, puis retourne à l’Église en 1830. C’est à cette date que les jardins deviennent officiellement promenade publique. Ils subissent plusieurs transformations au fil du XIXe siècle : la terrasse des Tilleuls est partiellement amputée par le percement du boulevard Eugène-Riffault, la grille d’honneur remplace la clôture en bois, et en 1883 est créé un jardin à l’anglaise. Le classement au titre des Monuments historiques intervient en 1930.

évêché
© Ministère de la Culture (France), Médiathèque du patrimoine et de la photographie, diffusion RMN-GP

En juin 1940, les bombardements détruisent l’ancien hôtel de ville. La mairie s’installe dans l’ancien palais épiscopal, donnant aux lieux une nouvelle vocation civique. Dès lors, les jardins deviennent un lieu de vie quotidienne, traversé par les habitants, apprécié pour ses points de vue sur la Loire et ses usages variés.

1991 : la renaissance végétale

Au début des années 1990, la Ville de Blois engage un vaste projet de réhabilitation des terrasses, en particulier de la partie basse située entre la rue du Haut-Bourg et la rue du Bourg-Saint-Jean. Le projet, confié au duo de paysagistes Arnaud Maurières et Éric Ossart — alors membres de l’Atelier public d’architecture et d’urbanisme — marque un tournant. Conçue comme un jardin suspendu, la roseraie voit le jour en 1991.

jardins de l’évêché

Aidés du célèbre obtenteur André Ève, les deux paysagistes sélectionnent une cinquantaine de variétés de roses anciennes et modernes, toutes odorantes et grimpantes. Les parterres sont structurés en chambres végétales monochromes. La « Roseraie de Blois », variété créée pour l’occasion, occupe une place d’honneur dans cette composition. La structure du lieu — balustrades, escaliers, haies, pergolas — respecte la logique des terrasses d’origine.

jardins de l’évêché

Un lieu habité, vivant, traversé

Aujourd’hui, les jardins de l’évêché demeurent l’un des espaces publics les plus fréquentés de Blois. On y vient pour flâner, déjeuner, lire, jouer, admirer la vue. L’ensemble — classé Monument historique et doté depuis 2004 du label « Jardin remarquable » — surplombe les quais et la rive de Blois-Vienne, offrant une vue imprenable sur la Loire.

jardins de l’évêché

Sources :

  • Marie-Denise Dalayeun, « Blois – Terrasses de l’Évêché », ADLFI. Archéologie de la France – Informations, Centre-Val de Loire, 2011, Inrap.
  • Inrap Centre – Île-de-France, Dossier pédagogique : Blois, les terrasses de l’évêché (2011), coord. Marie-Denise Dalayeun.
  • Dossier d’inventaire du patrimoine culturel : Blois : jardin d’agrément et roseraie de l’évêché, Région Centre-Val de Loire, Inventaire général du patrimoine culturel, dossier IA41000909, 2018.
  • Annie Cospérec, Les jardins de l’évêché de Blois au XVIIIe siècle, in Blois, la forme d’une ville, Paris : Imprimerie nationale, 1994 (Cahiers du Patrimoine, 35).
  • Amédée Cauchie, L’évêché de Blois et ses jardins, Mémoires de la Société des Sciences et Lettres de Loir-et-Cher, t. 28, 1930, p. 129–167.

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