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Christophe Clergeau et « la nécessité de reconquérir une souveraineté européenne »

Comme en 2019, le Parti Socialiste et Place publique de Raphaël Glucksmann ont décidé d’avancer main dans la main pour les élections européennes (scrutin le 9 juin 2024 en France). L’objectif est d’afficher ce soir là un score à deux chiffres pour donner un nouveau cap de gouvernance, à gauche. Aujourd’hui, les projections au sens large donne un potentiel de vote entre 4 et 24%. Les intentions de vote tournant à 10%. Nous avons pu rencontrer le député européen Christophe Clergeau, 5e sur la liste nationale pour l’élection à venir, après une visite du laboratoire pharmaceutique italien Chiesi, à La Chaussée-Saint-Victor. Avec détermination le socialiste a montré la ligne politique pour ces Européennes 2024.

« Au Conseil National, la liste que nous avons adoptée a été approuvée par deux tiers des voix. Lors du vote des militants, elle a recueilli 80% des suffrages, et la Convention Nationale l’a ratifiée avec 96% des voix. Cela montre bien qu’au sein du Parti Socialiste, même si la constitution d’une liste peut être source de tensions en raison de la nécessité de gérer les ambitions personnelles, il existe une dynamique de rassemblement. On veut gagner ensemble ! », nous a expliqué le député européen. « Ce climat est nettement plus positif par rapport à celui que nous avons connu il y a un an, juste après le congrès de Marseille. Aujourd’hui, nous sommes tous motivés par deux raisons principales. Premièrement, l’Europe est confrontée à la montée de l’extrême droite et à la remise en question des politiques libérales, qui se sont révélées incapables de gérer les crises telles que celle de la Covid. À cette occasion, nous avons radicalement changé d’approche en laissant de côté le pacte de stabilité et en soutenant massivement les PME et les citoyens, et en achetant des vaccins ensemble. Cela marque une rupture avec les politiques libérales du passé et souligne notre vision d’une Europe qui doit continuer sur cette nouvelle voie. Deuxièmement, la situation géopolitique actuelle, notamment la guerre en Ukraine et les tensions dans le commerce international, la pression de la Chine, tout cela souligne la nécessité de reconquérir une souveraineté européenne. Nous défendons l’idée d’une Europe puissante, souveraine et protectrice, en particulier pour le pouvoir d’achat des citoyens. C’est une vision que ni les nationalistes, comme le Rassemblement National, ni les libéraux, comme Macron, ne peuvent réaliser, car ils restent enfermés dans une logique de souveraineté nationale ou sont incapables de passer à l’action. Nous plaidons pour une relocalisation de la production en Europe afin de créer des emplois et de garantir l’accès aux biens essentiels tels que la santé, l’énergie, l’alimentation, l’eau et le logement. »

Un triptyque Santé – Alimentation – Energie

Et Christophe Clergeau se montre plus offensif encore : « Concernant l’alimentation, il est temps de dénoncer les tromperies du gouvernement, qui a trahi les agriculteurs en adoptant des politiques qui les désavantagent. Contrairement à d’autres, la délégation socialiste française n’a pas soutenu ces politiques, car elles favorisent une concurrence déloyale et ne soutiennent pas suffisamment les petites exploitations et l’élevage. Enfin, sur la question de l’énergie, les récentes décisions au niveau national et européen menacent de faire exploser les prix pour les particuliers et les PME. Nous proposons de fixer un prix unique de l’énergie pour protéger les consommateurs et soutenir les petites entreprises. »

L’impact politique en France

Avec un taux de participation escompté à 60%, le scrutin pourrait avoir des conséquences sur le paysage politique français. « Notre engagement en tant que socialistes est de travailler pour une Europe plus forte et plus juste, qui protège ses citoyens et soutient ses travailleurs. Et puis c’est essentiel pour l’avenir de la gauche et pour préparer une alternative crédible pour 2027. Nous croyons en un parti socialiste fort, ancré à gauche, avec une base locale solide et une capacité avérée à agir à tous les niveaux. »

Quel est le véritable enjeu pour le PS ? « Lors du congrès du parti, il a été affirmé que la gauche ne gagnerait pas en France derrière Jean-Luc Mélenchon ou La France Insoumise, mais qu’elle pourrait l’emporter avec une coalition plus large, observe Christophe Clergeau. La stratégie du PS consiste à s’adresser à toute la gauche. Les citoyens de gauche recherchent une « maison commune » où ils peuvent se retrouver et qui a le potentiel de gagner. La participation électorale est essentielle : une forte participation pourrait transformer le paysage politique. »

Le terrain des idées

Le Parti Socialiste est fort de ses élus sur les différents territoires. Ce maillage est-il le moyen de faire une bonne campagne des Européennes ? « La défense des valeurs socialistes sur les territoires implique l’engagement des élus. Il est crucial, en campagne, de se concentrer sur les enjeux majeurs afin de présenter une gauche capable de gouverner. Face aux sondages et à la concurrence de figures comme Macron, Attal, ou encore Bardella, il est essentiel de discuter des véritables enjeux et de démontrer notre vision pour le gouvernement et les territoires, répond Christophe Clergeau. Il est intéressant de noter que, contrairement à nous, certains partis politiques, comme Renaissance, peinent à définir leurs candidats et leurs listes. Cette incertitude chez nos opposants est une opportunité pour nous d’affirmer notre position et de débattre de sujets fondamentaux comme la vision de l’Europe, la société que nous souhaitons construire, les valeurs de solidarité et de souveraineté européenne. Un point de débat particulièrement pertinent est de savoir si Bardella privilégiera une industrie européenne ou nationale. Ce débat couvre des sujets concrets tels que l’alimentation, l’énergie et la santé, où l’Union européenne a un rôle à jouer, tout comme les gouvernements nationaux. Nous proposons des solutions immédiates, comme réviser l’application de la PAC en France pour soutenir les petites exploitations et encourager les investissements écologiques dans l’agriculture. Ces débats transcendent les clivages nationaux et européens, car ils touchent directement les citoyens et les professionnels. La campagne doit intégrer les dimensions nationale et européenne, tout en mettant en avant des figures de proue comme le luxembourgeois Nicolas Schmit, commissaire européen chargé de l’emploi et des affaires sociales, et tête de liste des socialistes européens. Sa présence symbolise l’importance de la justice sociale dans la transition écologique. Olivier Faure, à la tête de notre campagne nationale, débutera cette mobilisation conjointe dès mi-mars. Nous sommes prêts à débattre, notamment sur des thèmes sensibles comme l’immigration et la souveraineté en matière de défense. Notre campagne se basera sur des propositions concrètes et un projet clair pour l’Europe, contrairement à certains députés européens de l’opposition qui n’ont pas contribué de manière significative au travail législatif. Nous avons une vision commune de l’Europe à défendre et à promouvoir. »

Le risque d’une Europe ingouvernable ?

Une question cruciale est celle de l’impact de la montée des populistes et le risque potentiel pour la gouvernance européenne. « Les institutions européennes reposent sur un équilibre délicat entre la Commission, le Parlement, et le Conseil, observe Christophe Clergeau. Mais nous constatons une influence croissante de l’extrême droite, notamment dans des pays comme la Suède, la Finlande, la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie, l’Italie, et l’Autriche. Le seul contre-pouvoir efficace à cette tendance semble provenir du Parlement européen. Cependant, l’augmentation du nombre de sièges détenus par l’extrême droite menace la capacité du Parlement à adopter des textes progressistes, que ce soit en faveur de la transition écologique, des droits des travailleurs, de la réforme du marché de l’énergie, ou d’une politique agricole commune plus équitable. Notre objectif politique est de faire du groupe socialiste le premier groupe du Parlement européen, bien que cela ne soit pas gagné d’avance, la droite ayant entre 20 et 40 sièges d’avance dans les sondages. Inverser cette dynamique nécessiterait de gagner un à deux sièges supplémentaires par pays dans le cadre de la campagne électorale. Si nous parvenons à faire du groupe socialiste le premier groupe, cela nous donnerait la main sur l’agenda politique, une influence accrue dans les commissions, et une position prééminente dans les débats. Face à la pression de l’extrême droite, et une droite courant après ses idées, il est crucial que le groupe socialiste renforce sa présence au Parlement européen. Une contribution majeure de notre part, en passant de six à dix, douze membres ou plus, serait essentielle pour résister à cette tendance et influencer positivement les politiques publiques européennes. »

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