Emilie Pilato: « Avec l’art-thérapie, aller chercher ce qui va bien pour aider à aller mieux »
L’art-thérapie utilise l’art pour améliorer le bien-être mental et émotionnel des personnes. Les art-thérapeutes qualifiés aident les individus à travers la création artistique, favorisant ainsi l’expression personnelle, la réduction du stress, et le développement de compétences sociales.
L’art-thérapie est destinée à des personnes de tous âges, y compris les enfants, les adolescents, les adultes et les personnes âgées, confrontées à divers défis tels que des troubles psychologiques, émotionnels ou physiques. Elle est également bénéfique pour ceux qui cherchent à améliorer leur bien-être général. Les art-thérapeutes travaillent dans divers environnements, notamment les hôpitaux, les écoles, les centres de réhabilitation, et en pratique privée.
L’art-thérapie offre de nombreux bienfaits, comme améliorer la cognition et les fonctions sensorimotrices, renforcer l’estime de soi, développer la résilience émotionnelle, favoriser l’introspection, améliorer les compétences sociales, et aider à gérer le stress et résoudre les conflits. Elle encourage également le changement sociétal et écologique positif.
Alors, plongeons nous dans l’art-thérapie avec Emilie Greinschgl-Pilato (La Voie de l’Art), professionnelle installée à Villerbon*, qui exerce en cabinet, en centre, en séance individuelle ou collective à quatre, voire à domicile.
Blois Capitale : Qu’est-ce que l’art-thérapie ?
Emilie Pilato : On utilise un média artistique, que ce soit la musique, le chant, la peinture, l’aquarelle ou le collage, pour aider la personne à aller mieux. L’idée n’est pas de se focaliser sur ce qui s’est passé avant, mais de lui apporter un mieux-être là où elle rencontre des difficultés. On ne cherche pas à creuser au fond de la problématique, mais plutôt à aider la personne à être en cohérence avec ce qu’elle vit aujourd’hui, dans l’instant présent, et à l’aider à accepter sa situation. Le but c’est d’aller chercher ce qui va bien chez la personne pour l’aider à aller mieux. On va l’aider dans son état présent. Mon domaine de prédilection est de suivre les gens en oncologie ou en soins palliatifs, ou ceux qui sont en maison de retraite. Beaucoup d’art-thérapeutes travaillent avec les arts plastiques, la peinture, mais j’avais envie de passer davantage dans le son, la chanson, et même l’écriture. Cela inclut des exercices de respiration, des moments d’apaisement.
Blois Capitale : Pouvez-vous donner un exemple ?
Emilie Pilato : Pour une personne âgée au début de la maladie d’Alzheimer, on peut travailler avec des chansons d’époque. Ainsi, il y a des moments où la personne reprend goût à l’instant présent, même si la maladie progresse. Nous essayons de faire quelque chose avec les gens, et on s’aperçoit qu’ils sont mieux. Parfois, cela peut aussi aider à ralentir le développement de la maladie. Le fait de proposer des séances régulières permet d’apporter un certain confort à la personne. C’est juste un exemple, mais il est important de savoir que la communication non verbale, comme le toucher, est cruciale, surtout dans un contexte intime. Selon le cas, simplement prendre la main d’une personne âgée peut être très significatif. Cela peut sembler anodin pour nous, mais pour les personnes concernées, c’est énorme. Dans le domaine de l’art-thérapie, nous ne nous limitons pas à cela, bien sûr. Nous aidons aussi les gens à exprimer leurs maladies par la parole, la chanson, la musique, ou le dessin, si la personne peut encore utiliser ses mains. Parfois, les gens n’ont plus envie de parler ou de suivre une thérapie classique. Ils peuvent être réticents à échanger avec un psychologue, mais heureux de s’exprimer d’une autre manière. L’art-thérapie est conçue aussi pour toutes les personnes qui ont du mal à exprimer ce qu’elles ressentent.
Par exemple, quelqu’un en oncologie peut être très en colère d’être sous traitement ou très effrayé par le cancer, et ne pas comprendre ce qui lui arrive. Il peut ne pas vouloir parler au psychologue, mais peut-être qu’avec le son, la voix, ou un autre moyen d’expression, nous pouvons apporter un peu de douceur, une pause. C’est pourquoi, souvent dans les hôpitaux, l’art-thérapeute intervient régulièrement, car cela apporte vraiment un cadre de mieux-être. Nous ne révolutionnons pas ce qui se passe pour la personne, mais nous sommes vraiment là pour lui faire passer un moment dans l’instant présent et lui faire oublier tout le contexte, car être dans un environnement médicalisé 24 heures sur 24 est stressant et angoissant.
Blois Capitale : Le souffle, le chant, la voix, tout cela symbolise la vie…
Emilie Pilato : Vous savez, en peinture, vous avez aussi une symbolique et une gestuelle. On est debout, on peut se tenir debout, ou pas nécessairement si la personne ne peut pas… on va s’adapter. L’ancrage peut se faire avec un son, avec la voix, car lorsque vous pensez à votre son, vous n’êtes pas concentré sur autre chose. Tout le corps se met en mouvement parce que vous avez besoin. Par exemple, par le fait de respirer par le haut ou de détendre la mâchoire. Il y a le cerveau qui connecte aussi, et du coup ça peut aussi corriger certaines postures. Des handicapés lourds peuvent un peu se redresser pour arriver à sortir un son, et c’est déjà super.
Je travaille aussi avec les huiles essentielles en art-thérapie, ce qui est très bénéfique car elles touchent l’inconscient et peuvent remonter des informations non conscientes. Les huiles que j’utilise sont très pures, sans additifs nocifs, et très efficaces sur le plan émotionnel. C’est un aspect de mon travail que j’apprécie particulièrement, car il permet une libération émotionnelle tout en accompagnant le corps, ce qui est crucial en art-thérapie. Je précise qu’il est crucial de faire preuve de prudence lors de l’utilisation des huiles essentielles, en particulier chez les patients atteints de cancer, comme avec toutes les pathologies, car les huiles sont très puissantes. Certaines huiles, comme la menthe poivrée ou la sauge sclarée, ne doivent pas être utilisées en cas de cancers hormonodépendants. Il y a une liste importante de précautions à prendre, il est donc essentiel de bien connaître la pathologie de la personne avant d’utiliser une huile essentielle.
Blois Capitale : Les gens ne sont pas tentés de se confier sur leur maladie ?
Emilie Pilato : Quelque chose peut s’ouvrir. Il peut très bien y avoir deux ou trois séances où il n’y a aucune discussion, aucun dialogue, on est vraiment dans l’art artistique, et puis peut-être qu’à la quatrième séance, la personne va se confier. Il peut y avoir un échange parce qu’il y a une prise de conscience, parfois il faut du temps. Je vous donne un exemple. Il se passe une séance, deux séances, trois séances, quatre séances, et puis d’un coup, l’art-thérapeute chante une chanson, il se trompe dans une parole, et là, la dame qui n’a pas parlé va dire ‘Ah non, c’est pas ça.’ Et elle va corriger, c’est tout. Ensuite, elle va petit à petit prendre part et s’intégrer au groupe.
*Contact Emilie Pilato : 06 02 52 22 44