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Éric Coquerel : « La seule manière d’éviter l’extrême droite c’est se rassembler autour d’une rupture »

Ce dimanche on vote. Un seul tour pour les élections européennes 2024 le 9 juin. Les dernières mobilisations s’opèrent. Jeudi, La France Insoumise (LFI) était sur le terrain à Blois dans le cadre de ses « caravanes de l’union populaire », avec pour tête d’affiche Éric Coquerel, au côté de Reda Belkadi, candidat blésois sur la liste conduite par Manon Aubry. Avec plusieurs militants, il a été question de tracter quartier Croix-Chevalier, de porte-à-porte, et de prises de parole.

En marge de cette actualité, nous avons pu nous entretenir avec Éric Coquerel, député LFI de la Seine-Saint-Denis réélu en 2022 et président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale.

Blois Capitale : Pourquoi ce choix spécifique du quartier Croix-Chevalier pour aller à la rencontre de la population ?

Éric Coquerel : Nous continuons à chercher à rassembler notre base électorale la plus importante. Depuis des années, nous travaillons spécialement à cela au sein de La France Insoumise. En vue des élections européennes, nous sommes conscients de notre déficit traditionnel dans ce scrutin. Depuis la création de cette élection, et même avant avec le Front de gauche*, nous faisons face au problème de la faible participation électorale des jeunes, et des quartiers. Tout va donc dépendre de notre capacité à mobiliser pour obtenir un résultat bien meilleur que les 6 à 6,5 % que nous obtenons traditionnellement depuis 2009**. Ce n’est pas dire que nous nous concentrons uniquement sur les quartiers, mais cela signifie que nous faisons un effort particulier. En tant que député de la Seine-Saint-Denis, un département populaire, je suis ravi de venir apporter mon soutien.

Blois Capitale : Vous portez un pin’s avec le drapeau palestinien à côté de celui de la France. C’est la question importante ?

Éric Coquerel : C’est une des questions importantes. Les élections européennes étant des élections internationales, des sujets tels que l’Ukraine, Israël et la Palestine sont naturellement au cœur de la campagne, car nous parlons de droit international et de paix. De ce point de vue là, il est clair que nous sommes la liste la plus engagée en faveur d’un cessez-le-feu contre le génocide. Je suis d’autant plus fier de défendre cette position et d’arborer ce drapeau.

Blois Capitale : En ce qui concerne le paysage électoral, le peuple de gauche a beaucoup de choix possibles. Pourquoi aller vers Manon Aubry et LFI ?

Éric Coquerel : Parce qu’il s’est passé quelque chose d’extrêmement important en 2022. C’est une gauche de rupture qui a pris la tête de la gauche et qui a permis un rassemblement. Et je suis persuadé que la seule manière pour la gauche de remporter les prochaines élections, et d’éviter ainsi l’extrême droite, puisque je ne crois plus du tout aux chances du macronisme, est de se rassembler clairement autour d’une rupture. J’ai entendu Monsieur Glucksmann, il ne se reconnait pas dans ce qu’a fait la NUPES. Si il y avait un écart important entre nous et lui, cela serait compliqué de se rassembler ensuite autour d’un programme de rupture. Il est donc essentiel de nous aider, ne serait-ce que pour le programme que nous portons.

Éric Coquerel

Blois Capitale : Cette rupture se situe à quel niveau exactement ?

Éric Coquerel : Elle se manifeste par notre opposition au social-libéralisme, incarné par François Hollande, une gauche qui s’était totalement adaptée au système et qui ne changeait qu’à la marge. Depuis 2022, nous avons remis au centre de notre programme le partage des richesses, la bifurcation écologique, et la nécessité de sortir les besoins fondamentaux du marché. Nous proposons aussi de désobéir aux traités européens qui sont problématiques et de revoir la position française pour qu’elle ne soit pas systématiquement alignée sur les États-Unis. Cela nous a permis à la fois de faire un score de 22 %, mais aussi de donner à la gauche ses meilleurs résultats depuis longtemps. Je note que Monsieur Glucksmann ne partage pas ces positions et revient par exemple sur la retraite à 60 ans, que nous avions défendue, et sur la défense des services publics. La différence est là, elle n’est pas irrémédiable. Je pense toujours que la NUPES est possible à l’avenir, mais à condition que ceux qui l’ont créée obtiennent le meilleur résultat possible.

Blois Capitale : Cette rupture ne s’applique pas à l’UE ?

Éric Coquerel : Nous ne sommes pas pour sortir de l’Union européenne, si c’est là votre question. Toutefois, pour ne pas quitter l’Europe, il faudrait d’abord rompre avec ce qu’elle est aujourd’hui. Actuellement, elle est davantage un marché libre et un vaste espace de libre-échange qui favorise surtout la circulation des capitaux sans vraiment construire de solidarité entre les peuples. Ce n’est pas ce que nous voulons. Dans notre programme, nous avons des propositions très précises, par exemple, le principe de non-régression, stipulant que toute décision nationale devrait être améliorée par rapport aux critères sociaux européens, faisant de l’Europe un progrès et non une destruction de nos protections et services publics. Il y a aussi, et c’est essentiel, la possibilité de désobéir lorsque des décisions européennes sont contraires à notre mandat. D’autres pays, comme l’Allemagne, désobéissent déjà tout en restant membres de l’Union. Nous voyons là une opportunité, si l’Union européenne veut éviter de pencher vers l’extrême droite, elle doit rompre avec son modèle actuel. C’est ce que nous défendons.

Blois Capitale : Concernant la montée de l’extrême droite, pourquoi le RN capte autant le vote populaire ?

Éric Coquerel : Le vote populaire va surtout vers l’abstention. Et il n’est pas gagné d’avance pour le RN, et reste un enjeu majeur. Nous ciblons ceux qui souffrent de discriminations et nous engageons à les défendre. Je suis préoccupé par la période qui rappelle les années précédant la Seconde Guerre mondiale, avec des crises sociales, écologiques et la montée des conflits internationaux. Certains préfèrent soutenir les forces d’extrême droite, qui, malheureusement, disposent aujourd’hui de médias puissants propageant leur discours, avec des idées racistes, alors qu’auparavant, ils n’avaient que des feuilles de chou. Maintenant, ils possèdent des chaînes influentes comme CNews, Europe 1, etc. Tout cela crée un appui pour l’extrême-droite. Regardez comment Bardella est banalisé. L’extrême-droite ne devient un vote de contestation que parce que le système le soutient. Le gouvernement actuel, en adoptant des positions qui semblent proches de l’extrême droite, contribue à normaliser ces idées, leur donnant une forme de légitimité qu’ils ne devraient pas avoir. Nous devons continuer à combattre la politique du gouvernement et à ne pas lui laisser le soin de définir ce qui serait acceptable ou non.

Blois Capitale : Les élections européennes tombant à mi-mandat, elles sont souvent vues comme un grand sondage pré-présidentiel…

Éric Coquerel : Historiquement, même si nous n’avons pas toujours excellé lors de ces scrutins, cela ne nous a pas empêché d’obtenir de bons résultats à la présidentielle. On serait dans de meilleures conditions si on arrivait à limiter l’écart avec notamment la liste de Glucksmann, très vantée par les sondages et qui affiche sa divergence avec la NUPES. Il faudrait qu’on fasse plus de nos 6.5% traditionnels et pourquoi pas accrocher un score à deux chiffres.

Éric Coquerel

Blois Capitale : Vous participez également à Blois à un rassemblement de soutien au peuple kanak

Éric Coquerel : On est dans un retour du néo-colonialisme avec un recul inquiétant dans cette période. A force d’appliquer la politique de l’extrême-droite, le pouvoir la banalise. En Nouvelle-Calédonie, le gouvernement a pris des décisions controversées, notamment en imposant un gel du corps électoral sans aucun dialogue et sans respecter les accords de Nouméa, qui reconnaissaient le fait colonial de l’île et stipulaient que les changements devaient se faire par consensus. Cette approche marque une radicalisation extrême du paysage politique, ce qui m’inquiète profondément. De tels agissements renforcent le sentiment colonial et soulignent l’importance de se tenir aux côtés des Kanaks pour affirmer que cette manière de faire est inacceptable.


*Dans sa jeunesse, Eric Coquerel s’identifie à l’anarchisme et participe aux manifestations contre la loi Debré en 1973. Il rejoint ensuite la Ligue communiste révolutionnaire en 1983, et plus tard, il joue un rôle dans la fondation du Parti de gauche en 2008, où il devient secrétaire national aux Relations extérieures. Eric Coquerel a également été actif sur la scène régionale, ayant servi en tant que conseiller régional d’Île-de-France de 2010 à 2017. Son parcours inclut des candidatures aux élections législatives et européennes, où il a souvent milité pour des positions de gauche radicale, notamment en opposition aux traités européens lors de la campagne du non au traité constitutionnel européen en 2005.

**Résultats aux Européennes : Front de Gauche : En 2009, le Front de Gauche a obtenu 6.47% des voix, ce qui lui a permis de décrocher 5 sièges au Parlement européen. En 2014, le Front de Gauche a également participé aux élections européennes, mais avec un résultat légèrement inférieur, recueillant environ 6.33% des voix et conservant ses 5 sièges. La France Insoumise : En 2019, pour la première fois, LFI s’est présentée aux élections européennes en tant que parti indépendant. Le parti a obtenu 6.31% des voix, ce qui lui a permis de remporter 6 sièges au Parlement européen.

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