À l’approche des élections législatives, la communauté scientifique est en proie à l’inquiétude, craignant l’éventualité d’un Premier ministre issu de l’extrême droite. Face à la perspective que Marine Le Pen et son parti, le Rassemblement National (RN), prennent le pouvoir, de nombreux chercheurs s’interrogent sur leur avenir professionnel. Le Rassemblement National est réputé pour sa position critique envers la science et les étrangers, qui représentent une part importante des professionnels dans ce secteur. Le RN envisage d’instaurer une « préférence nationale » qui commencerait par affecter le secteur du logement et pourrait s’étendre à d’autres domaines. Cette politique pourrait sévèrement impacter le quotidien des scientifiques, notamment ceux qui, bien que représentant plus d’un tiers des lauréats des concours du CNRS, ne sont pas français de naissance et possèdent de simples titres de séjour.
Dans une tribune récemment publiée dans Le Nouvel Observateur, initiée par le groupe « Scientifiques en rébellion », plus de 2500 membres de la communauté scientifique française, dont les climatologues Valérie Masson-Delmotte et Christophe Cassou, et le sociologue Didier Fassin, ont lancé un appel vigoureux à la mobilisation contre le Rassemblement National (RN) en vue des prochaines élections législatives. Cette mobilisation, selon eux, doit se traduire par le vote et un engagement collectif pour contrer la montée de l’extrême droite en France.
Les signataires de la tribune, qui comprennent des chercheurs et enseignants issus d’instituts de recherche et d’universités de toute la France, représentant une large gamme de disciplines, soulignent que leur démarche est motivée par une analyse approfondie. Ils déclarent : « Notre analyse des politiques d’extrême droite dans d’autres pays et du programme du RN montre que ce parti est bien une extrême droite comme les autres, et pourquoi il est incompatible avec nos valeurs ». Ils mettent en garde contre ce qu’ils perçoivent comme une menace directe aux principes de rationalité, d’humanisme et de respect des faits scientifiques qui sont au cœur de leur profession.
Un des aspects clés de leur mission, selon la tribune, est de porter dans l’espace public les consensus scientifiques sur des questions critiques telles que l’origine humaine du réchauffement du climat, les causes de l’effondrement de la biodiversité, et l’impact des pollutions sur le vivant et les sociétés humaines. Ils affirment : « Nous ne pouvons concevoir notre mission indépendamment du respect de certaines valeurs au nom desquelles nous nous exprimons aujourd’hui » (« Le Club de Mediapart »). Cela inclut le respect de toute forme de vie, l’équité, la solidarité entre les personnes et avec les générations futures, ainsi que le rejet de toutes les formes d’oppression, y compris raciales ou basées sur le genre.
Les scientifiques expriment également leur préoccupation quant à l’éventuelle prise de pouvoir du RN, indiquant que cela « ferait non seulement peser des risques graves sur la recherche et l’enseignement, sur la place accordée aux faits scientifiques dans le débat public, mais elle menacerait surtout le modèle même de société auquel nous aspirons ». Une société, soulignent-ils, qui doit émerger de débats collectifs, ouverts, libres, respectueux et informés. Ils réfutent l’idée, parfois relayée par certains médias, que « l’extrême droite, on n’a jamais essayé ». Pour eux, l’expérience d’autres pays est suffisante pour démontrer les dangers inhérents à un tel essai. Ils citent des exemples récents tels que les États dirigés par Trump, Bolsonaro, Orbán, Morawiecki et Meloni pour illustrer comment ces administrations ont affaibli les contre-pouvoirs et l’État de droit.
En conclusion, ces scientifiques appellent à une large mobilisation aux urnes pour les élections des 30 juin et 7 juillet, insistant sur la nécessité de défendre une société ouverte et équitable. Ils exhortent également à une lutte active et de long terme contre les fondations de l’extrême droite, notamment l’augmentation des inégalités et la mainmise des intérêts privés sur les médias et réseaux sociaux.