Jonathan Breton en mouvement pour que Blois danse
Le Festival Chorégraphique International de Blois, plus connu sous le nom de Blois Danse, revient pour une cinquième édition, du 4 au 12 juillet 2024. Une édition un peu spéciale car elle mettra en partie à l’honneur la compagnie de danse locale AZOTH Dance Theatre, qui célèbre ses dix ans. Le rendez-vous sera donc très particulier pour Jonathan Breton, au cœur de la compagnie et du festival.
L’histoire d’une vocation
Jonathan Breton, danseur et chorégraphe originaire de Saint-Gervais-la-Forêt, a connu un parcours remarquable dans le monde de la danse. Tout jeune, Jonathan était attiré par le monde de la danse, mais ce n’est qu’à l’adolescence qu’il a commencé à prendre des cours. « Bien que toujours attiré par la danse, je n’avais pas le droit de pratiquer étant donné que j’étais un garçon, ce qui ne correspondait pas aux loisirs typiques pour un garçon à cette époque, confie Jonathan Breton. Cependant, j’ai commencé le hip-hop à 14 ans, car cela semblait plus acceptable, suivi de deux ou trois ans de comédie musicale à l’Alep et de la danse classique chez Brigitte Wattelin. » C’est ensuite le conservatoire d’Angers, puis l’Institut supérieur des arts de la scène à Paris, et parallèlement, le Jeune Ballet de Bobigny. Une fois diplômé, direction New York, pour le Loir-et-Chérien, et le Alvin Ailey. À 25 ans, il devient chorégraphe et créé sa propre compagnie de danse. Expatrié à New York, il reçoit le Trophée espoir des Français de l’étranger.
C’est donc l’histoire d’une vocation devenue métier, ce qui n’était pas gagné d’avance. « La danse m’a inspiré dès mon plus jeune âge. Comme me l’a raconté ma grand-mère, à l’âge de 4-5 ans, en regardant une émission de danse à la TV, j’avais exprimé le désir de devenir danseur, ce à quoi ma grand-mère avait répondu que ce n’était pas possible car ce n’était pas un métier ! », nous dit un Jonathan Breton qui a su écrire son histoire.
Un grand projet pour Blois
Après plusieurs années à New York, Jonathan revient en France, et à Blois, avec de nombreux projets en tête. Mais pourquoi ce retour ? « Des promesses de la municipalité. En 2018, après avoir reçu un prix du gouvernement français, j’ai été invité au Quai d’Orsay. Suite à cela, une série de rencontres médiatiques a été organisée à Blois, ma ville. Le maire m’a interrogé sur mes projets futurs et je lui ai exprimé mon désir de retourner en France pour ouvrir un espace dédié à la danse, sans avoir encore décidé du lieu exact, bien que des propositions aient été faites du côté d’Annecy. Le maire a insisté pour que je choisisse Blois, soulignant le besoin de développer la danse dans la région. Voilà comment je suis revenu à Blois. Mais nous n’avons pas obtenu les locaux nécessaires, ce qui a empêché le lancement de l’activité comme prévu. Ce projet devait inclure un pôle d’exposition, un autre de santé avec des professionnels, des résidences d’artistes, et des espaces d’accueil pour les artistes. Malheureusement, c’est tombé à l’eau. Le projet n’a pas abouti, mais nous avons néanmoins réussi à rebondir. »
Ce désir de grand espace dédié à la danse de 1000m2 est toujours dans un coin de la tête de Jonathan Breton. « Parce que nous souhaitons continuer à enrichir le paysage culturel, tant sur le plan national qu’international, et conserver l’espoir d’ouvrir ce lieu dédié à la danse en France, une initiative qui serait une première dans le pays. Ce projet nécessiterait un soutien conséquent de la part des autorités locales ou d’investisseurs pour rénover un espace adapté. »
La danse comme un langage universel
La démarche artistique de Jonathan Breton est profondément ancrée dans l’expression corporelle et la recherche de sens à travers la danse. Notamment la condition humaine. « L’histoire et la psychologie de l’être humain m’intéressent beaucoup. En effet, je ne peux chorégraphier une pièce que si j’ai un message à transmettre. Par exemple, dans la pièce ‘Home’ que nous présenterons lors du festival de cette année, nous interrogeons la notion de ‘maison’. Pour nourrir ma création, j’ai travaillé avec différents publics, notamment des jeunes autistes, des résidents d’EHPAD, et des migrants, afin de comprendre ce que ‘maison’ signifie pour chacun d’eux, explique t-il. Une autre pièce, ‘Love’, aborde la parentalité et le désir d’avoir des enfants à une époque marquée par une augmentation de la stérilité et divers problèmes de fertilité. J’ai même rencontré une neurologue à Paris, auteur de l’ouvrage ‘Demain tous infertiles’, ce qui a stimulé ma réflexion sur ce sujet. Les débats aux États-Unis autour de l’interdiction de l’avortement et les questions de PMA m’ont également influencé. Toutes ces questions me nourrissent et, je crois, vice-versa. Quant à ‘Tear’, elle fait partie d’un triptyque de pièces comprenant ‘Fuck the Boxes’ et ‘L’Étranger’, chacune explorant le sentiment de ne pas se reconnaître dans la société à travers le même synopsis mais différentes approches : dramatique, comique, et intellectuelle. ‘Tear’ est construit pour quatre danseurs et deux comédiennes qui utilisent l’adaptation d’un texte de Jean-Jacques Rousseau sur la non-conformité sociale. Cette pièce est née du retour en France, car j’ai été frappé par les différences culturelles en matière de danse entre la France et les États-Unis. En France, la danse semble plus en retrait comparée à la musique ou au théâtre, et beaucoup disent manquer de clés pour apprécier les spectacles de danse. Cela m’a poussé à réfléchir sur la politique culturelle et sur la manière de trouver sa place dans la société. »
Justement Blois Danse est un festival qui cherche à démocratiser l’art de la danse en le rendant accessible à tous. Pas besoin d’être initié ou d’avoir “des clés” pour apprécier un spectacle. Pas de chichi, pas de triturage du cerveau. Le public n’est pas convié à venir assister aux spectacles, mais à les ressentir, explique l’organisation. « Oui, c’est très important ! assure Jonathan Breton. En France, il y a un type de danse qui est vraiment subventionné, c’est une danse très contemporaine, théâtralisée, qui est parfois de la non danse, avec beaucoup de nudité. Du coup, ce festival dit qu’il y a d’autres formes de danse, avec plein d’esthétiques différentes. Donc on dit à un public qui n’aurait pas eu forcément une bonne expérience avec une expression de danse qu’une autre forme peut leur correspondre. C’est pourquoi nous tentons de démocratiser l’accès à la danse et d’attirer un public plus large, notamment en invitant régulièrement des scolaires et des publics dits ’empêchés’, comme les détenus ou les résidents d’EHPAD. Notre communication vise à rendre la danse attrayante et accessible, en soulignant son aspect athlétique et émotionnel pour que le public puisse ressentir quelque chose, plutôt que de se sentir perdu. »
Avec parfois des expériences inattendues comme ces deux frères, paysans Loir-et-Chériens, venus au spectacle du vendredi soir non pas pour la danse, mais pour les photos des danseuses… « Ils ont tellement aimé qu’ils ont fini par assister à tous les événements du festival sur un week-end, puis sont revenus la semaine suivante, se souvient le chorégraphe. Cela montre que nous pouvons toucher et transformer même ceux qui sont éloignés de cet art. Donc super ! »
On l’a compris, Jonathan Breton s’intéresse à la diversité des mouvements et à leur potentiel expressif. Il explore différentes techniques de danse, du contemporain au classique, pour créer un langage corporel singulier. Sa démarche artistique est à la fois introspective et universelle. Ses chorégraphies racontent des histoires, qu’elles soient abstraites ou narratives. Il cherche à émouvoir le public en utilisant le corps comme moyen d’expression. « Je trouve essentiel que la danse véhicule un message profond, qu’elle ait quelque chose à dire et qu’elle ne se limite pas à être le produit fini. Chaque pièce que nous programmons doit susciter une émotion, nous questionner et raconter une histoire. C’est un engagement émotionnel que nous cherchons à provoquer chez notre public alors que nous-mêmes sommes dans une forme de transe par notre danse. »