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Fêt’à Clown·e·s : un festival féministe, inclusif et joyeusement politique

Du 4 au 6 avril 2025, la troisième édition du festival Fêt’à Clown·e·s investira à nouveau le chapiteau de L’Embouchure, à Baule (Loiret), ancré dans un engagement féministe et inclusif. Derrière ce projet singulier, un collectif d’artistes porté notamment par Paula Malik, qui co-dirige le festival aux côtés de Claire Faugouin-Vié. Toutes deux poursuivent une ambition claire : créer un espace où le rire devient un acte social et politique, un outil de transformation porté par des artistes de tous horizons.

fet a clown.e.s

« Cette édition, on a eu envie de deux choses », explique Paula Malik. « D’abord, d’avoir une présence dans la rue, de sortir, de décentraliser le festival. Cette année, on a choisi Cléry-Saint-André. Le dimanche, ça va se passer là-bas, avec une association qui s’appelle Cléry en transition. Ils ont un jardin partagé, et ce sont eux qui vont nous accueillir l’après-midi. » La kermesse prévue à 15h prendra donc ses quartiers dans ce jardin, mais la journée débutera par une procession, dans un lieu que les organisatrices préfèrent ne pas dévoiler. « Ce ne sera pas à Baule, ni à Cléry. On ne dit pas où, c’est une surprise. C’est pour le public, pour provoquer quelque chose. »

Crédit photo: Armand Planage

Derrière cette volonté de surprendre, il y a une posture politique assumée, mais discrète. « Je suis convaincue que nos actions et notre présence sont déjà politiques », affirme Paula Malik. « Toutes les actions qu’on fait dans la vie quotidienne ont une résonance politique. Et le clown, c’est encore plus politique, parce qu’il part de ce qui est maladroit, de ce qu’on ne doit pas faire. Ça questionne le statu quo, les rôles dans la société. » Elle insiste sur la portée de la présence scénique : « Rien que la présence d’un drag queen qui anime un karaoké est une action politique. Il n’y a pas toujours besoin d’en dire plus. Nos présences parlent pour nous. » Dans une époque où les tensions sociales et politiques se cristallisent, l’humour, la légèreté, le ridicule même, deviennent des outils puissants. « La société est absurde. Et nous, on est des absurdes professionnelles. On est là pour tout remettre en question. »

La programmation de Fêt’à Clown·e·s cherche à refléter la diversité des luttes contemporaines. « Cette année, on n’a pas reçu de propositions très politiques, mais rien que le fait de programmer des artistes femmes, LGBT+, trans, racisé·es, migrant·es, c’est déjà un message. C’est déjà un acte politique. » Et au-delà des spectacles, il s’agit aussi de construire un espace durable, un lieu de transmission, de rencontre. « Ce n’est pas très intéressant de faire venir un·e artiste qui joue son numéro et qui repart. Pour moi, c’est très important que les clownes qui participent au festival donnent plus de leur présence. »

C’est dans cet esprit que Sara Gagliarducci, venue d’Italie, présentera son spectacle Wings – A Story of Love and… Garbage, le vendredi soir, puis restera pour créer une performance partagée avec le public le dimanche. « Elle arrive jeudi et repart lundi. C’est exactement l’énergie que je rêve pour ce festival. Un festival où on reste, où on partage, où il y a une vraie rencontre. »

Cette logique de proximité et d’implication vaut aussi pour les spectacles du samedi soir. Le cabaret Fêt’à Clown·e·s, présenté par Paula Malik et Claire Faugouin-Vié, réunira des numéros de dix minutes qui s’enchaîneront dans une diversité d’univers. « J’aime bien le format cabaret parce qu’on ne s’ennuie jamais. Même si un numéro plaît moins, le suivant rattrape toujours. » S’ensuivra un karaoké animé par Lady Ricart, drag clown formée au CNAC de Châlons-en-Champagne, que le public pourra rejoindre librement. « Tout le monde peut venir, même sans avoir assisté au cabaret. C’est gratuit, et ça durera au moins jusqu’à une heure du matin. »

L’organisation du festival s’est construite année après année, à partir de moyens limités. « La première année, on a organisé trois spectacles, dont deux que j’ai joués moi-même. On avait invité la compagnie Tout n’est pas perdu, celle de Claire. On n’avait pas de budget pour faire venir d’autres artistes. » Dès la deuxième édition, Claire Faugouin-Vié a rejoint l’organisation. Cette année, le festival s’est étoffé, avec un spectacle scolaire, une masterclass animée par Adèll Nodé Langlois, et une décentralisation assumée. « Adèll, c’est une personne très spirituelle, très mystique. Elle a une approche du clown qui passe par les rituels, une forme de délire mystique. Ça s’approche un peu du clown sacré. En Amérique, le clown, c’est un personnage archétypique, sacré, qui bouleverse la société pour la faire avancer. » Le festival n’est pas isolé dans son mouvement. Paula Malik évoque les réseaux de femmes clowns en Amérique latine, au Brésil, en Colombie, au Mexique, en Argentine, et en Europe, au Portugal, en Espagne, en Italie. « Mais en France, il n’y a pas de festival de femmes clowns. Et encore moins un festival inclusif comme celui-ci. »

Cette dimension inclusive est au cœur de la démarche. « Des femmes, des personnes trans, racisées, handicapées… on a toujours existé. Mais on n’a jamais eu la parole publique. Elle a toujours été monopolisée par les hommes blancs hétérosexuels européens. Quand on dit qu’un festival est inclusif, ça veut dire qu’on donne un espace physique, spatio-temporel, pour montrer le travail d’artistes qui n’ont pas eu la place. » L’enjeu est aussi structurel. « Si on n’a pas de lieu pour jouer, on ne peut pas progresser. Et dans les festivals classiques, ce sont souvent les hommes qui sont programmés. Pas par malveillance, mais parce qu’ils sont déjà reconnus. »

La réponse du public ne s’est pas fait attendre pour soutenir Fêt’à Clown·e·s. « On a fait appel à des bénévoles, et on a eu une très chouette réponse : 15 personnes vont nous aider. » Une attention particulière a aussi été portée au confort : « Le chapiteau est chauffé. C’est important, parce que parfois les gens pensent qu’il va faire froid. Et pour la kermesse, on a prévu des barnums, des refuges, en cas de pluie dimanche après-midi. » Une tombola est également prévue, avec des lots offerts : une sculpture en métal de Marc Vubassone, des cadeaux de la Vélocisterie, des objets poétiques recyclés de Passage Insolite, des bons d’achat, et bien plus. Quant à Maya Racca, elle apporte une touche graphique avec ses illustrations.

Crédit photo: Armand Planage

Le rire comme moment d’éternité

Pour Paula Malik, le clown est également un outil de connaissance de soi, un moyen de faire face à ses traumas, de se reconnecter à sa liberté intérieure. « Le clown aide à se soigner. Il transforme la douleur en pouvoir. Quand tu arrives à rire de toi-même, à prendre un peu de distance, ça aide beaucoup. Je pense que c’est pour ça que de plus en plus de gens s’en approchent. »

Son parcours personnel, entre la Colombie et la France, entre le jonglage et la scène, a toujours été traversé par le rire. « Le rire, ça me sauve. De la dépression, de la tension… c’est un moment d’éternité. Dans une famille traditionnelle, très codifiée, j’étais celle qui faisait rire à l’école. Je suis clowne depuis que je suis née. J’en ai pris conscience en 2007. »

Fêt’à Clown·e·s est le prolongement de cette conviction intime que l’humour est un vecteur de lien, de liberté et de subversion douce. Un lieu rare où la joie devient une force collective, un festival où les marges prennent le centre de la piste.

>> Billetterie : helloasso.com/associations/l-embouchure/evenements/festival-fet-a-clown-e-s

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