France Lafora mobilisée autour d’un essai clinique

C’est par l’essai clinique que l’espoir renaît, ténu mais réel, pour les familles concernées par la maladie de Lafora*. Véronique Gadomski, présidente de l’association France Lafora, implantée à Vineuil, ne s’y trompe pas : « c’est ce qui nous permet vraiment d’avancer sur la recherche. » Depuis l’approbation en août dernier de la Food and Drug Administration (FDA) – l’équivalent américain de l’Agence nationale de sécurité du médicament –, les candidatures ont été ouvertes pour un essai thérapeutique inédit. Dix patients au niveau mondial peuvent y être intégrés. Deux enfants français avaient été pressentis. Finalement, un seul a pu postuler. Pierre, hospitalisé, est décédé au mois de décembre.

L’autre patient, Giorgio, vit en France depuis huit ans, bien qu’issu d’une famille italienne. Suivi par une neurologue à Annecy, il a finalement intégré l’essai clinique via l’Italie. Le centre d’expertise de Bologne, reconnu pour son avancée sur le sujet, a accepté sa candidature. « Même s’ils vivent en France, ils sont quand même largement pris en charge par l’Italie, mais notre conseil scientifique et médical est aussi en lien avec cette équipe, pour pouvoir mesurer toutes les avancées potentielles sur cette thérapie », précise Véronique Gadomski. La collaboration scientifique transcende les frontières, reflet d’un enjeu trop rare pour se fragmenter.
L’essai a commencé en décembre. La première injection a été administrée à une patiente italienne, suivie d’une seconde. Un mois de pause, imposé par le protocole, visait à évaluer d’éventuels effets délétères. Ce n’est qu’après cette étape que Giorgio a pu se rendre à Dallas, le 21 février. Il y est encore. Pour ce premier cycle, le protocole impose une présence d’un mois et demi sur place, pour des tests pré- et post-injection. Il devrait rentrer le 9 avril.
Les résultats, eux, mettront bien plus de temps à se dessiner. La présidente de France Lafora reste prudente : « on sent bien qu’on n’aura pas de nouvelles concrètes tout de suite ». D’après les scientifiques associés à l’étude, aucun effet n’est réellement attendu avant la troisième injection. Il faudra patienter neuf mois, au minimum, pour envisager de mesurer les premiers résultats tangibles. La thérapie repose sur une technologie complexe : elle n’agit pas directement sur l’ADN, mais sur l’ARN messager, lequel donne au corps l’instruction de corriger le gène déficient. L’objectif est que les corps de Lafora* soient détruits, au lieu de s’accumuler, et que les patients retrouvent une part de leurs capacités perdues.
Même si aucune clause de confidentialité n’a été imposée aux familles, les données restent sensibles. Peut-être quelques éléments seront-ils partagés lors du symposium annuel de l’association, prévu fin septembre-début octobre. Mais l’essentiel reste ailleurs : dans le long terme, dans l’endurance, dans la construction patiente d’un espoir à la mesure de l’attente.
L’obstacle majeur est d’ordre financier. L’essai nécessite 1,5 million de dollars pour les dix patients. Cette somme ne couvre que le protocole médical, sans prendre en compte les frais de déplacement à Dallas, d’hébergement, d’assurance santé. Ces coûts restent intégralement à la charge des familles. À ce jour, seuls six patients peuvent être intégrés, faute de moyens pour les quatre autres. « Nous, on est contents quand même, parce que ce n’est pas grand-chose face à ce montant-là, mais on a participé à hauteur de 60 000 dollars pour le moment. » Un effort qui incarne une part de ce combat collectif et intime que mène l’association depuis des années.
Pour récolter ces fonds, France Lafora multiplie les événements. Ce week-end encore, deux rendez-vous sollicitent ses bénévoles. L’un se tient à Cheverny, à l’occasion du marathon. L’année dernière, l’association y avait simplement fait acte de présence. Cette fois, elle y tient un stand pendant deux jours. Mathilde Sénéchal, championne de France de marathon, a fait don de ses tenues portées lors du championnat d’Europe Espoir en 2019. Une tombola a été organisée autour de ces tenues, assortie d’un panier garni. Elle devrait être présente dimanche, peut-être pour remettre les lots, selon les possibilités. En parallèle, l’association distribue des autocollants à coller sur les maillots, et un petit coupon avec un numéro de téléphone pour inciter les coureurs à se photographier avec les couleurs de France Lafora. L’objectif est simple : compiler un maximum d’images, témoignant d’un soutien massif. « Ce serait super chouette », sourit Véronique Gadomski, qui insiste sur l’importance d’une visibilité numérique. Cette année est une édition record à 7 000 participants, et l’association entend bien en profiter.
Pendant ce temps, Véronique Gadomski, elle, sera ailleurs, aux Lez’Arts à Dierre (37), avec son mari, pour un événement dédié aux métiers d’art. L’occasion de tenir un autre stand, d’exposer et proposer quatre tableaux offerts par Daniel Rivard, un peintre blésois, et de vendre crêpes et boissons. « Le temps va s’y prêter, c’est chouette », se réjouit-elle. Ces moments de convivialité permettent aussi d’aborder la maladie de manière détournée, avec délicatesse. « Autour de petites gourmandises, ça peut permettre d’ouvrir des discussions autour du sucre », dit-elle, dans un clin d’œil.
D’autres événements sont en préparation. Fin avril, la grand-mère de ses enfants ouvrira sa maison pour organiser un grand déballage, afin d’écouler les nombreux lots reçus et non encore vendus. Le 25 mai, l’association sera présente à la foire des crêpes à Saint-Gervais, le jour de la fête des mères, avec des plants à bas prix. En juin, une brocante est prévue à Vineuil, en lien avec le club de football local. Véronique Gadomski, quant à elle, sera au congrès de l’Alliance Maladies Rares.
L’été, plus calme, laissera place à une nouvelle phase d’activités dès l’automne et la participation au symposium Lafora à Valence, en Espagne. Un concert solidaire est déjà programmé le 14 novembre à la salle des fêtes de Vineuil. Le groupe Grumpy O’Sheep, adepte de musique celtique et irlandaise, jouera pour soutenir France Lafora. Ce sera un vendredi soir, une promesse d’énergie et de chaleur.
Les idées ne manquent pas. Mais l’énergie, elle, vacille parfois. « Encore une fois, il faut que les bénévoles soient là… », reconnaît Véronique Gadomski. Le combat est long, les moyens rares, les pertes lourdes. Mais la persévérance, elle, ne faiblit pas. Elle se nourrit de chaque sourire, de chaque euro récolté, de chaque vie qu’on tente, encore, de sauver.
*La maladie de Lafora
La maladie de Lafora est une forme rare et sévère d’épilepsie myoclonique progressive d’origine génétique. Elle se manifeste généralement à l’adolescence, entre 10 et 17 ans, chez des jeunes auparavant en bonne santé. Les premiers signes sont souvent des crises d’épilepsie, puis la maladie évolue rapidement vers une détérioration neurologique majeure : troubles cognitifs, myoclonies, perte progressive de l’autonomie, troubles du langage, de la marche, et de la mémoire. Elle est causée par des mutations des gènes EPM2A ou NHLRC1, entraînant l’accumulation anormale de glycogène dans les cellules sous forme de « corps de Lafora », toxiques pour les neurones. Il n’existe à ce jour aucun traitement curatif. L’espérance de vie est généralement inférieure à dix ans après le début des symptômes.