Musicales 41
Associatif et solidaritésEntretiensPortraitsVie locale

L’histoire d’un combat à la vie à la mort contre la maladie de Lafora

Les futurs professionnels de santé du Loir-et-Cher sont déjà parmi vos proches !

Le 24 décembre 2023, Robin, 23 ans, a succombé à la maladie de Lafora, une forme rare d’épilepsie myoclonique progressive. Sa mère, Véronique Gadomski, et son époux, Pierre-François, témoignent de leur long combat contre cette terrible maladie incurable.

Tout a débuté lors du 12e anniversaire de Robin, un jour qui aurait dû être joyeux. Véronique se souvient : « C’était son anniversaire, il sautait dans un trampoline avec ses copains. À un moment, l’un d’entre eux est venu nous dire qu’il était dans le trampoline, qu’il avait les yeux révulsés, et qu’il tremblait de partout. Nous sommes allés voir, et nous avons eu très peur parce qu’on n’avait jamais vu de crise d’épilepsie chez lui. On pensait qu’il était mal tombé, qu’il s’était blessé… Il saignait un peu sur la tempe. On a appelé les pompiers. Il a été transporté à l’hôpital et c’est là que tout a commencé. »

Après cette première crise, Robin a été suivi en neurologie à l’hôpital Clocheville, où il a reçu un traitement censé stabiliser son épilepsie, que les médecins espéraient liée à la puberté. Deux ans plus tard, après l’arrêt du traitement, la maladie a refait surface. Huit jours après la fin des médicaments, Robin a de nouveau eu une crise, cette fois sous la garde de sa grand-mère. À ce moment-là, Véronique et sa famille ont commencé à comprendre que le problème était plus profond.

« Quand Robin a grandi, il a commencé à montrer des changements de comportement. Il devenait parfois agressif, distrait, avait des difficultés de concentration au collège. Mais à chaque fois, le neurologue nous disait que c’était l’adolescence et les médicaments. Robin était intelligent, il travaillait bien à l’école, mais en quatrième, il a commencé à décrocher. On ne s’inquiétait pas plus que ça, pensant que c’était comme pour beaucoup d’adolescents… Mais au fond, il y avait cette épée de Damoclès qu’on ne comprenait pas encore. »

À l’âge de 17 ans, Robin est passé sous la responsabilité des neurologues pour adultes à l’hôpital Bretonneau, où un neurologue a suspecté une forme d’épilepsie myoclonique progressive. Les myoclonies, ces spasmes incontrôlés, ont commencé à s’installer. Pour Véronique, cette période a marqué le début d’une détérioration visible chez son fils : « Robin ne voulait pas qu’on parle de son épilepsie. Il se sentait marginalisé. C’était très dur pour lui de vivre avec ça, car il était beau gosse, très sportif. Il ne comprenait pas pourquoi une maladie venait ternir cette image. Mais avec le temps, il devenait de plus en plus lent, ne comprenait plus tout ce qu’on lui disait. Entre 2018 et 2019, je ne reconnaissais plus mon fils. J’étais très inquiète. »

En février 2019, le verdict est tombé : Robin souffrait de la maladie de Lafora. Cette forme d’épilepsie entraîne une dégénérescence progressive du cerveau. Véronique se souvient du choc : « Le 12 février 2019, on nous a expliqué en détail les conséquences de cette maladie, clairement une sentence de mort, aucun remède ne permettrait de sauver mon fils. J’étais dévastée. Le neurologue ne nous a pas laissé le choix et a révélé ce diagnostic à Robin qui était déjà majeur à l’époque, mais il n’a pas compris… Il parlait encore de ses projets d’avenir, comme si rien n’allait se passer. C’était insoutenable de savoir ce qui l’attendait. »

Une forme de mélange d’Alzheimer et de Parkinson pour adolescents

À partir de là, la maladie a progressé inexorablement. En 2020, après deux mois d’hospitalisation, Robin a perdu la capacité de marcher seul. Il n’a plus jamais retrouvé son autonomie d’avant. Véronique décrit la vie quotidienne avec un enfant qui, à seulement 20 ans, devait être assisté pour chaque geste de la vie quotidienne : « Il nous demandait tout le temps : ‘Pourquoi je ne marche plus ? Pourquoi je ne suis plus capable de faire ça ?’ C’était une torture pour lui et pour nous, car il oubliait nos réponses et on devait lui réexpliquer cette situation si cruelle. On dit souvent de cette maladie qu’elle est un mélange d’Alzheimer et de Parkinson pour adolescents. »

La maladie de Lafora est une pathologie à transmission autosomique récessive, ce qui signifie que pour qu’un enfant développe la maladie, il doit hériter du gène altéré à la fois de son père et de sa mère. Pour Véronique Gadomski, cette réalité a soulevé des questions complexes sur les tests génétiques.

« Aujourd’hui, en France, on n’est pas autorisé à faire un test génétique sur des enfants asymptomatiques, mineurs, pour une maladie qui n’a pas de remède », explique Véronique. « Il est possible de faire un test génétique, mais il faut l’accord de l’enfant, et donc qu’il soit informé et conscient de la raison pour laquelle on le teste. Cela signifie que si un enfant de 13 ans a un frère ou une sœur diagnostiqué avec Lafora, on doit lui expliquer le risque que cela représente pour lui de porter cette maladie et les conséquences qui vont avec. Nous, ça nous dérange, parce qu’à l’annonce du diagnostic de Robin, qui avait alors 19 ans, le neurologue lui a expliqué la maladie, ses tenants et ses aboutissants, sans mesurer les conséquences que cela pouvait avoir d’un point de vue émotionnel. Heureusement, ses troubles au moment de l’annonce lui ont finalement permis d’être épargné. Il n’a jamais su que cette maladie signait sa mort. » Ce que l’on trouve paradoxal dans cette situation, c’est de ne pas nous offrir le choix de l’annonce à notre enfant sous prétexte qu’il est majeur car dans le même temps, on nous demande de le placer sous protection (tutelle). Même si cette situation est plutôt rare puisque la majorité des patients sont diagnostiqués avant la majorité, ce problème pose question. Pour une maladie fatale comme celle de Lafora, la liberté devrait être laissée aux parents de dire ou non à son enfant de quoi il est atteint. C’est tout de même eux qui portent la charge de l’accompagner tout au long de ce terrible parcours. 

Véronique aborde également la difficulté de tester son autre fils, Enzo. « Un test génétique, c’est juste une prise de sang. Malgré cela, on ne nous a pas laissé le choix. Pas de test génétique sur un enfant asymptomatique. Il avait 14 ans, on s’est rassurés comme on a pu. Comme il n’avait jamais fait de crise d’épilepsie, contrairement à Robin qui en avait eu à 12 ans, on s’est accroché à ça. Et son évolution nous a donné raison. Les lignes ont bougé depuis 2019, avec la possibilité pour les parents de demander un test génétique à la fratrie sous cette condition d’en informer les testés, mais je pense qu’on devrait juste donner le choix aux parents de porter cette responsabilité, sans obliger l’enfant à en connaitre la raison, lui épargner cette charge émotionnelle. Parce que dire à un enfant qu’il risque d’avoir une maladie mortelle, alors qu’il voit son frère pétri de myoclonies, faire des crises d’épilepsie ou d’hallucinations, ne plus marcher, ou manger seul, c’est extrêmement dur à gérer à cet âge-là. »

Les hauts et les bas du parcours médical

Le diagnostic de Robin est tombé en février 2019, mais l’incertitude et les erreurs du processus ont rendu l’acceptation encore plus difficile pour la famille. « En décembre 2018, peu de temps avant Noël, nous avons eu un premier appel du neurologue nous informant que les résultats du test génétique étaient négatifs. Nous avons fêté cela, mais en voyant l’évolution de Robin, son état se dégrader, je savais au fond de moi qu’il y avait quelque chose de plus grave. Ce n’est qu’en février 2019 que le diagnostic de Lafora est tombé. Sans l’imaginer, les résultats du test génétique reçus en décembre n’étaient en réalité que partiels. »

Robin a connu des hauts et des bas au fil des années. À l’été 2020, son état s’est brusquement aggravé, au point que les médecins ont évoqué les soins palliatifs. Mais contre toute attente, Robin a montré une force incroyable. « On nous a dit que c’était fini, qu’il ne survivrait pas, et pourtant, après deux mois, il est revenu à la maison. Certes, il ne remarchait plus tout seul, mais il a recommencé à manger, et c’était déjà une victoire. Robin a toujours été très fort, il s’est battu jusqu’au bout. »

L’accompagnement psychologique et la souffrance silencieuse

Véronique et sa famille ont bénéficié d’un accompagnement psychologique pour les aider à traverser cette épreuve. « Robin, lui, n’en a jamais voulu. Il parlait un peu avec nous, mais très peu. Ce qui a été le plus difficile, ce sont les moments de lucidité. Il avait parfois des accès de conscience où il se demandait : ‘C’est quoi ma vie ? Qu’est-ce que je vais devenir ? Je n’aurai pas de famille, pas de femme, pas d’enfants…’ Ces moments étaient extrêmement durs à vivre. » Sans compter qu’une maladie comme Lafora fait peur. Les crises d’épilepsie, les troubles cognitifs, c »est pas très vendeur. Sur la fin, Robin recevait peu de visites en dehors de celles de ses proches et de ses soignants. Il a dû faire face aussi en toute conscience à l’abandon de son père quasiment à la suite du diagnostic. Heureusement qu’il a pu compter sur mon mari en qui il a trouvé une figure paternelle. Une belle complicité et un sentiment de grande confiance se sont installés entre ces deux là. » 

Une fin difficile mais pleine d’amour

Le déclin final de Robin s’est amorcé en octobre 2023, où il a subi une série de crises violentes. « C’était comme une cocotte-minute. Chaque crise semblait le libérer, mais en même temps, cela le détruisait un peu plus à chaque fois. Il n’a jamais remonté complètement la pente après ces crises. Et puis, en décembre, il a fait un état de mal épileptique, durant 48h. Il n’en est jamais sorti. »

Véronique achève son témoignage dans un mélange de tristesse et de résilience. « Nous avons tout fait pour l’entourer de tout l’amour possible, et je suis sûre que c’est ce qui l’a gardé en vie aussi longtemps. Robin était un guerrier, il avait une force de caractère incroyable. Il a traversé des moments si difficiles, mais il a toujours essayé de garder la tête haute. Nous continuerons de nous battre, pour sa mémoire et pour que cette maladie soit mieux comprise. Aucun enfant ne devrait mourir de cette manière. »

Aujourd’hui, Véronique Gadomski et son mari Pierre-François, le beau-père de Robin, continuent de diriger l’association France Lafora, en espérant que la recherche progresse pour trouver un traitement. « Aujourd’hui, c’est un combat en sa mémoire. On se bat pour que d’autres familles ne vivent pas ce que nous avons vécu. La vie de ces enfants condamnés à mort est une une question d’argent. Si demain on avait 10 millions de dollars, il serait plus simple de les sauver car on pourrait accélérer les processus de recherche. Alors on agit avec nos moyens, on avance lentement, à petit pas, et même si ça ne va pas assez vite par manque de financement, c’est toujours mieux que rien. »

Votre annonce sur Blois Capitale

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page
Blois Capitale

GRATUIT
VOIR