Médecin, homme politique et franc-maçon, l’œuvre de Pierre Simon (1925-2008) mérite un éclairage* tant il demeure une personnalité inspirante. L’homme, engagé, a lutté en faveur de nombreuses causes controversées au cours de sa vie. Il a été l’un des premiers défenseurs de l’accouchement sans douleur, de la planification familiale et de la légalisation de l’avortement. Il est également allé sur le terrain de la procréation médicalement assistée et la fin de vie, ce qui fit grand bruit dans la communauté médicale. En avance sur son temps, le docteur Pierre Félix Simon fut in fine un champion des droits et de la santé des femmes.
Pierre Simon, médecin engagé
Né en 1925, on trouve Pierre Simon au combat dès l’âge de 17 ans au sein des éclaireurs permettant le déplacement vers la Suisse de jeunes juifs d’origines étrangères. Installé à Lyon dans un foyer catholique de jeunes ouvriers, il donne des cours de musique. À la Libération son attrait pour le théâtre le guide vers Paris où il fait médecine et réalise son internat, de 1948 à 1952. Il choisit l’exercice de la gynécologie et de l’endocrinologie, « domaines qui touchent à la condition de la femme et à la représentation que se font les sociétés du concept de vie ». Connu pour son travail sur l’accouchement sans douleur – qu’il a découvert lors de son séjour en URSS en 1953 – et la planification familiale, il a également plaidé pour la légalisation de l’avortement et de la procréation médicalement assistée. Le docteur Simon était membre de l’Académie française de médecine et de l’Académie française des sciences.
Par la force des choses Pierre Simon s’est intéressé à la politique dès son plus jeune âge. Engagé au Parti Radical Valoisien, il a été membre de nombreux cabinets ministériels, dont celui de Simone Veil.
Les grands combats de Pierre Simon
Nous l’avons vu, Pierre Simon a été l’un des premiers médecins à plaider pour un accouchement sans douleur. Il estimait que les femmes ne devaient pas avoir à souffrir de la douleur de l’accouchement et a préconisé l’utilisation de l’anesthésie pendant le travail. Il croyait que les couples devaient pouvoir choisir le nombre d’enfants qu’ils voulaient avoir, et il a travaillé pour rendre la contraception plus accessible. Dans cette perspective le 8 mars 1956, le docteur Pierre Simon et Evelyne Sullerot créèrent le mouvement « La maternité heureuse » pour « permettre aux couples, grâce à la contraception, de n’avoir des enfants que lorsqu’ils le désirent. » En 1960, « La maternité heureuse » prend le nom de « Mouvement français pour le planning familial ». Quelques années plus tard, Pierre Simon est l’un de ceux qui écrivent la loi Neuwirth, qui est votée en décembre 1967 et qui légalise l’usage des méthodes contraceptives en France.
Dans les années 60, Pierre Simon a été l’un des premiers médecins à réclamer la légalisation de l’avortement. Il croyait que les femmes devaient avoir le droit de choisir de se faire avorter ou non, et il a travaillé pour rendre l’avortement plus accessible et plus sûr.
En 1972, le docteur Simon fut l’auteur d’un rapport sur le « comportement sexuel des Français. » Le rapport a eu une influence sur l’évolution de l’opinion publique sur le sujet de l’avortement et a conduit à la loi sur l’interruption volontaire de grossesse, qu’il rédige en 1974 au sein du cabinet de Simone Veil (alors qu’il est Grand Maître franc-maçon en exercice à la Grande Loge de France). Votée en 1975, d’abord transitoirement, la loi devient définitive en 1979.
À la fin des années soixante-dix, Pierre Simon a commencé à plaider pour la procréation médicalement assistée, comme la fécondation in vitro (FIV). Il a également plaidé pour de meilleurs soins de fin de vie, tels que les soins palliatifs et les testaments de vie. Le docteur Simon a co-fondé l’association pour le droit de mourir dans la dignité en 1980.
Le dernier mot
Force est de constater que Pierre Simon, Chevalier de la Légion d’honneur et Chevalier de l’ordre national du Mérite, était un homme en avance sur son temps. Il s’est battu pour ce en quoi il croyait, même quand c’était parfois impopulaire, et a apporté d’importantes contributions à la société française. Son travail a contribué à améliorer la vie des femmes et des familles, et son héritage progressiste continue d’inspirer ceux et celles qui se battent aujourd’hui au nom de l’humanisme. D’ailleurs un prix « Éthique et société » – créé en son honneur en 2007 – porte son nom. Sous le patronage du ministère de la Santé, celui-ci récompense chaque année des personnalités et des œuvres qui s’inscrivent dans le cadre de l’action et de la réflexion sur l’éthique.
*Ses archives sont déposées à l’université d’Angers, au Centre des archives du féminisme. Son livre autobiographique est : De la vie avant toute chose. Œuvre publiée chez Mazarine en 1979.