L’Église Saint-Martin-aux-Choux disparue, et oubliée ?
Blois, avec ses ruelles enchevêtrées et son château somptueux, est un voyage à travers le temps. Mais presque au pied de son château, un édifice est absent : l’église Saint-Martin-aux-Choux. Seule une plaque en très mauvais état sur les Grands degrés du Château signale qu’autrefois on trouvait là une des églises les plus importantes de la cité.
Le début : le saint et les légumes
L’histoire de cette église remonte au VIIe siècle, lorsqu’un sanctuaire religieux a été érigé, dédié à Saint Martin, le patron de la ville voisine de Tours. Ce lieu de culte n’était pas isolé, plusieurs sanctuaires chrétiens ont été créés à Blois entre les VIe et VIIe siècles, notamment ceux de Saint-Pierre, de Saint-Honoré, de Saint-Lubin, de la Vierge, et de Saint-Martin. L’église Saint-Martin-aux-Choux a pris son nom caractéristique du marché aux légumes construit à proximité.
Renaissance spirituelle et architecturale
En 1238, Jean Ier de Blois-Châtillon, jeune comte passionné par la rénovation des lieux de culte, commande la construction d’une église en remplacement du sanctuaire Saint-Martin. Bien que située près du château, l’église demeurait sous la juridiction de l’abbaye Notre-Dame de Bourg-Moyen. Un cimetière fut également ajouté, accentuant son rôle central dans la vie communautaire.
Un lieu de pèlerinage
Au XIVe siècle, elle devint l’église principale de la ville basse, une position renforcée en 1518 lorsque le pape Léon X octroya des indulgences à ceux qui la visitent. Cela favorisa son statut comme étape clé sur la voie de Tours des chemins de Compostelle.
Des moments difficiles : révolution et destruction
En 1783, la question de sa démolition fut soulevée par le conseil municipal dirigé par Pierre Boucherat. Mais à l’époque, l’opposition des paroissiens était trop forte. Cependant, avec la Révolution française en 1789, la confiscation des biens du clergé devint une réalité incontournable. En 1791, l’église fut finalement détruite sous le mandat du premier maire élu de Blois, Henri Petit de Villanteuil.
Une seconde vie, en morceaux
Les pierres de l’église n’ont pas disparu dans l’oubli. Vendues en plusieurs lots avec l’hôtel du Petit Louvre, l’édifice a été acquis et démantelé par le menuisier Guillon pour être reconvertis en habitations. Puis, entre 1806 et 1807, les Grands degrés du Château furent construits pour faciliter l’accès entre la place du Château et le Bourg-Moyen.
Les vestiges : mémoire et hommage
Après la destruction de Bourg-Moyen pendant la Seconde Guerre mondiale, une fontaine Saint-Martin a été érigée à l’emplacement de l’ancienne église, réutilisant une ancienne gargouille. Une partie de l’église qui existait depuis le XIIIe siècle et avait été reconstruite au début du XVIe siècle a également laissé des vestiges, notamment une arcade à décor de caissons typique de la Renaissance.
Leçon d’histoire et de continuité
L’église Saint-Martin-aux-Choux est peut-être disparue, mais elle doit toujours vivre dans la mémoire collective et l’identité de Blois. Ses pierres réutilisées et les vestiges conservés témoignent d’une histoire qui, bien que coupée, continue à s’inscrire dans le paysage et l’âme de la ville.