Les actions et constats du Conseil citoyen au cœur des quartiers nord de Blois
Les Conseils citoyens sont une initiative de démocratie participative instituée par la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014. Ils visent à impliquer les habitants des quartiers prioritaires dans les processus de décision concernant leur environnement immédiat. Ces conseils sont indépendants des structures politiques et sont destinés à permettre une co-construction des politiques de la ville.
La composition des conseils citoyens est assez unique, combinant des habitants tirés au sort et des représentants d’associations et d’acteurs économiques, favorisant ainsi une représentation diversifiée des intérêts du quartier. Ils sont conçus pour être des lieux d’expression libre où les initiatives citoyennes peuvent être encouragées et développées.
Chaque conseil citoyen est composé dans le respect de la parité entre les femmes et les hommes. Les membres ne sont pas limités en nombre, mais généralement, ils varient entre 15 et 50. A Blois, il y a 30 membres, dont 15 actifs qui résident ou agissent dans les quartiers Nord (Coty–Kennedy, Croix-Chevalier, Sarazines auxquels s’ajoute à compter de juin une partie de Quinière).
Parmi eux, Alain Fortin, président du Réseau d’échanges réciproques de savoirs (RERS). Il nous raconte son histoire avec le Conseil citoyen. « Etant engagé dans le milieu associatif des quartiers nord depuis une trentaine d’années, l’ancien délégué du préfet m’a demandé si j’étais partant, j’ai dit oui. D’autant plus qu’à l’inverse des conseils de quartier, il est totalement basé sur la démocratie participative. Nous avons notre propre budget en argent public, provenant de l’État et de la ville, et c’est nous qui décidons, c’est nous qui gérons un fonds pour permettre aux habitants d’organiser des fêtes ou des sorties pour les autres habitants, et bien d’autres choses socioculturelles », explique Alain Fortin. « En même temps, nous participons aux commissions pour toutes les structures qui demandent des subventions dans le cadre de la politique de la ville, au même titre que les services de la ville. Nous donnons notre avis sur ces subventions, et nous pouvons organiser des réunions à tout moment de l’année pour auditer un service de l’État ou de la ville en termes de politique. »
Fonds de participation des habitants
Le « Fonds de Participation des Habitants » (FPH) est là pour encourager et soutenir les projets proposés par les résidents d’un quartier dans l’idée de dynamiser et enrichir la vie communautaire. L’objectif principal du FPH est de favoriser le lien social et le développement de relations harmonieuses au sein des quartiers. Les projets soutenus peuvent varier grandement en termes de nature et d’ampleur, allant de petits événements locaux à des initiatives plus importantes. Ainsi, la semaine dernière, le Conseil citoyen a dit oui aux 500€ demandés par l’Ufolep 41 qui représentent 6% du budget pour faire voyager 25 femmes sur le lac de Vassivière, dans la Creuse, pendant trois jours, dans le cadre d’une activité sportive avec animation. « Plus tôt cette année, nous avons soutenu des jeunes du quartier Coty qui organisent une fête de quartier pour tous les habitants, ajoute Alain Fortin. Cela aide à montrer que, même si les jeunes de ces quartiers sont souvent vus à travers le prisme des faits divers, il y a beaucoup d’autres choses positives qui se passent, et cela mérite notre soutien. »
Autre visage du Conseil citoyen depuis 2015, Adrienne Montesinos, habitante des quartiers nord depuis 1961 qui avait déjà rejoint le premier conseil de quartier Nord en 2008, et qui est investie dans diverses activités de bénévolat. Autant dire qu’Adrienne Montesinos est impliquée dans la vie communautaire même si elle a fait le choix de démissionner du conseil de quartier. « Ca ne bouge pas beaucoup, regrette Adrienne. Nous manquons d’idées et nous ne sommes pas assez nombreux. J’ai abandonné le conseil de quartier pour continuer au conseil citoyen, car il est beaucoup plus attractif et nous sommes plus en contact avec les habitants. »
Habitante des quartiers depuis 1961, Adrienne Montesinos juge qu’il y a « beaucoup à faire, beaucoup de laisser-aller ». Et elle ajoute : « Nous ne sommes pas vraiment aidés par les autorités, ce qui a vraiment dégradé la situation. La sonnette d’alarme a été tirée. On nous promet beaucoup, mais on ne voit pas le bout, et si quelque chose est prévu, c’est pour 2030, donc nous avons encore le temps ! Sinon, le FPH a l’air de bien fonctionner, le vide-greniers aussi, et avec ses recettes des jeunes pourront partir en vacances. Mais pour en revenir aux travaux à réaliser, c’est cette lenteur qui est incomprise, alors que tout le monde, de la préfecture à la mairie, est au courant que cela n’avance pas. Moi, j’ai parlé avec Monsieur Bourgeois, qui fait partie du contrat de ville au niveau des services de citoyenneté. Les personnes qui créent des problèmes dans les quartiers normalement se déplacent. Préfecture, mairie, police sont au courant qu’elles sont là, mais l’idée, c’est qu’il vaut mieux qu’elles y restent plutôt que de se déplacer dans un autre quartier. Cela gangrène. Voilà la réalité des choses actuellement. »
Pascal Amar Khodja, commerçant depuis 1996, président de l’association Franco-Imazighen depuis 2001, et de l’association Euro Berbère Économie depuis 2006, propose lui « une vision plutôt positive » concernant l’évolution depuis dix ans. « Mon sentiment, c’est qu’il y a eu beaucoup de progrès. Je perçois surtout le rapport humain, ce qui a été construit entre les gens sur le terrain. Par exemple, avec la fête des habitants. J’ai l’impression qu’une conscience est en train de se développer. Je pense que nous devons prendre les choses en main, estime Pascal Amar Khodja. « Ce qui est bien avec le Conseil citoyen, c’est que nous avons la liberté d’agir dans les quartiers, tant que nous respectons le cadre de la politique de la Ville. J’avais même proposé l’idée de créer des universités de quartier, qui seraient permanentes et financées par l’État ou la ville. Il y a une solidarité dans les quartiers nord, un respect. Cela n’a pas toujours été ainsi, il faut le dire, il y a eu un travail de la ville et de la préfecture. Il y a une dynamique. Je le dis sincèrement, à chaque fois que j’ai présenté une idée, je n’ai jamais été bloqué. C’est une vérité et je le dis. J’ai vu la mairie, j’ai vu Agglopolys, j’ai vu le Conseil départemental, je n’ai jamais été empêché. Oui, il y a dans les quartiers certains points à problèmes, mais si on prend l’ensemble cela n’a rien à voir avec ce qu’on trouve sur d’autres territoires. Aujourd’hui, l’important est de travailler, d’avoir la volonté de développer des projets et de les mettre en œuvre dans les quartiers. Il faut la force des habitants pour faire. Il y a une réelle opportunité de transformer les écarts en progrès grâce à notre engagement et la confiance en nos actions. »
Naïma Calviac, anciennement gestionnaire à l’hôpital de Beaugency, à pris sa retraite dans le quartier. Elle est impliquée dans diverses associations, et a intégré le Conseil citoyen en 2016, qu’elle trouve particulièrement intéressant, notamment depuis 2019. « Le conseil citoyen est particulièrement impliqué dans le renouvellement urbain, en sollicitant l’avis des résidents sur les constructions pour s’assurer que les projets répondent à leurs besoins, observe Naïma Calviac. Maintenant, il y a beaucoup de mouvements dans les quartiers, des gens qui partent. Il y a une diminution de sa population et une augmentation de la pauvreté, ce qui nous incite à redoubler d’efforts pour répondre aux besoins des habitants. Cela implique de les écouter et de respecter leurs demandes. Comme Pascal le dit, il est crucial de maintenir un dialogue constant avec la population. Grâce à Stéphane Feuchot qui a su renforcer les liens avec les associations, nous observons une participation plus active de la jeunesse, qui vient avec des projets à soutenir. Je trouve cette dynamique très positive et encourageante pour l’avenir du quartier. Nous devons continuer à organiser des rencontres simples avec les résidents pour vraiment comprendre et répondre à leurs besoins. Ce ne sont pas nécessairement des grands projets, mais plutôt des projets qui favorisent l’interaction et l’écoute active de la population. »
Stéphane Feuchot, salarié de l’association Respire qui a reçu le mandat de la ville et de la préfecture pour animer le Conseil citoyen, ne prend pas de décision mais assure le suivi. Et il constate l’ampleur de la tache pour les conseillers. « Représenter un quartier aussi grand, avec environ 12 000 habitants, est un défi, étant donné la diversité des situations. Comme l’a mentionné Naïma, il y a des arrivées et des départs constants, ainsi que des différences marquées en termes de situations financières et sociales. Il est difficile pour 15 personnes de représenter fidèlement une telle diversité, juge Stéphane Feuchot. L’objectif du conseil est donc de renforcer le contact avec la population pour ne pas se limiter à remonter les opinions des 15 personnes en réunion, mais plutôt de refléter une vue plus représentative des habitants. »